Images de page
PDF
ePub

point invoqué la vérité ; et ne l'invoquant point, vous n'auriez point eu expérience de l'efficacité de la prière; la vérité n'eût pu pénétrer dans votre âme, vous restiez fermés à son action. Dès-lors, le témoignage des croyans était sans valeur pour vous, vous ne le compreniez point, et aucune autorité humaine n'eût pu vous contraindre à y croire. Quoi qu'on dise, le sens de la vérité n'est pas commun parmi les hommes; car il n'y a que la vérité elle-même qui puisse l'ouvrir en nous; et pour cela il faut que nous la désirions et que nous ayons foi en elle. Ce qu'on appelle le sens commun n'est que la raison naturelle; et l'homme naturel, dit S. Paul, n'est point capable des choses qui «sont » de l'esprit de Dieu : elles lui paraissent une folie et il « ne peut les comprendre, parce que c'est par une lu<<mière spirituelle qu'il en faut juger.» (Corinth. 2,14.)

Il fallait que la grâce vous prévînt, qu'elle touchât votre cœur pour vous faire désirer la vérité; et maintenant que vous la désirez, que vous êtes disposés à croire, que vous croyez déjà, quoique d'une manière générale seulement, il faut tout aussi nécessairement que l'autorité enseignante vous dise ce qu'il faut croire, comment et pourquoi il faut croire, et ce qu'il faut pratiquer. La foi ne peut être imposée à l'homme par son semblable. Dieu seul l'impose en la donnant; il la donne en l'imposant, et il ne la donne qu'à celui qui la désire et la demande; car Dieu a fait l'homme libre et il le maintient dans sa liberté. Celui qui ne veut pas

de la vérité, ne croit pas en la vérité; et il n'y croira pas, tant qu'il persistera dans cette volonté négative; et il y persistera tant qu'il ne sentira pas le besoin de la vérité, ne reconnaissant pas sa propre misère; tant qu'il n'aura pas invoqué la vérité par le cri du cœur, et tant qu'un rayon de lumière pure n'aura point lui dans les ténèbres de son entendement.

DIXIÈME LETTRE.

ADÉODAT AU MAITRE.

Mon cher maître, me voici de retour de mon excursion, et je reprends avec joie notre correspondance. Quelque belle que soit la nature extérieure, elle ne suffit plus à une âme qui commence à avoir conscience d'elle-même, à reconnaître son vrai besoin et sa dignité, et qui a goûté, dans la méditation des vérités éternelles, des jouissances intimes et pures que le spectacle de la nature et des choses sensibles ne peut donner. Nous avons parcouru plusieurs parties de la Suisse, nous avons vu les bords du Rhin si renommés par leurs sites pittoresques; j'ai été charmé, enchanté de ce que je voyais, mais en même temps j'en ai été fatigué. Mon âme restait vide quand mes yeux se délectaient, et toutes ces images nouvelles ne pouvaient affaiblir le souvenir du maître chéri dont je regrettais la parole, et près duquel seulement je me sens calme et heureux.

J'ai repris les occupations dont votre philanthropie,

ou plutôt votre charité m'a fait un devoir, et il est juste que je vous rende compte des résultats obtenus jusqu'à ce jour. Combien je me félicite aujourd'hui d'avoir surmonté ma répugnance, et accepté, suivant votre conseil, les fonctions dont le consistoire m'a chargé! Autant elles m'avaient inspiré de dégoût au premier abord, autant j'y trouve maintenant de satisfaction et de plaisir. Oui, il est doux d'instruire les enfans, d'observer le développement progressif de leur intelligence, de sentir les premiers mouvemens de leur cœur et de les élever peu à peu au-dessus du monde des sens vers les choses religieuses. Après cela, notre position au milieu des Juifs, est singulière et devient délicate. Ils nous ont donné leur confiance; le consistoire nous a investis de son autorité; et nous, entraînés par je ne sais quelle force irrésistible, nous avançons sans apercevoir clairement le terme où nous serons conduits. Les améliorations se multiplient, et tout ce que nous entreprenons réussit d'une ma→ nière vraiment étonnante. Plusieurs écoles nouvelles viennent d'être fondées dans le département; celle de notre ville où naguères trente ou quarante enfans recevaient un enseignement restreint et tout judaïque, a pris une autre direction, animée qu'elle est par un esprit plus généreux. Déjà plus de cent élèves s'y trouvent réunis, et leurs progrès, leur bonne tenue et leur conduite témoignent de l'efficacité de l'instruction qu'ils reçoivent. Notre ami Eudore a commencé

à leur enseigner la langue française, dont ils ne savaient pas un mot pour la plupart, et il a le talent de découvrir, jusque dans les règles de la grammaire, des analogies morales et des applications à des vérités supérieures qui frappent singulièrement ces enfans. Je me suis chargé de leur exposer l'histoire de nos pères ; mais ici encore le cadre historique n'est qu'une forme sous laquelle je transmets à mes élèves les préceptes d'une morale pure, celle-là même que vous nous avez enseignée comme la loi de notre vraie nature; et cette leçon de morale leur plaît d'autant mieux que le récit historique met le précepte en action et le rend tout vivant. Tel est, mon cher maître, le caractère de votre enseignement, qu'il convient aux petits et aux simples comme aux grands et aux philosophes, qu'il peut être mis à la portée de l'enfance sans rien perdre de sa dignité et de sa force. Le langage seul se modifie: l'esprit reste le même. N'est-ce point le caractère de la vérité d'être universelle, de se faire toute à tous?

Les bons effets de cette parole ne se bornent point aux enfans; elle commence à agir sur les parens; et c'est pour faciliter cette influence que nous avons établi des séances publiques tous les samedis dans la grande salle de l'école. Les parens s'y rendent avec empressement pour assister à l'examen du travail de la semaine et jouir du progrès de leurs enfans; mais ils y trouvent ce qu'ils n'attendaient pas, une instruction morale et religieuse. Nous parlons aux élèves, et les

« PrécédentContinuer »