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mords: votre conscience en gémirait. Attachez-vous à la pratique de votre loi. Ce n'est pas peu de chose que d'être un fidèle Israélite; et quand vous vous serez mis sérieusement à l'œuvre, vous sentirez ce qu'il en coûte pour devenir un homme juste. Aimer Dieu par dessus tout et son semblable comme soi-même, voilà la somme de la loi et des prophètes; deux grands préceptes qu'il faut accomplir, non en paroles, en spéculation, mais en effet et en vérité; et pour cela, que de choses à faire en vous-mêmes et hors de vous ! Vos sens à discipliner, de mauvais penchans à combattre, des habitudes vicieuses à détruire, des passions à maîtriser; puis développer vos facultés intellectuelles par l'étude, obtenir par la prière lumière pour votre esprit, force pour régler votre volonté et purifier votre âme : voilà un noble but de la vie! voilà des devoirs qui vous obligent, aujourd'hui que vous avez le bonheur de les connaître ! Et quand vous serez devenus meilleurs en vous-mêmes, combien vous pourrez être utiles à vos coréligionnaires! Voyez dans quelle misère la plupart végétent; et, ce qui est plus malheureux, voyez leur dégradation morale! Eh bien! il faut les aimer comme vous-mêmes, jusqu'à faire pour eux tout ce qui est en votre pouvoir pour les améliorer. Ce n'est point avec de l'or que vous les releverez: il ne s'agit pas seulement des besoins du corps; c'est la nourriture de l'esprit qui leur manque, c'est l'instruction qu'il leur faut. Attachez-vous donc à la génération nouvelle, aux enfans dont l'esprit n'est

point encore faussé, dont la volonté encore flexible peut être tournée à la vertu, au bien. Il semble que la Providence vous appelle à cette œuvre, et vous en fraie le chemin, puisqu'on vous a mis, sans que vous l'ayez demandé, dans le comité de surveillance de vos écoles, et que votre consistoire vous en offre la direction. Ne repoussez pas leur confiance; acceptez avec dévoûment; et bientôt, j'ose vous le promettre, parce que je connais votre âme généreuse et votre capacité, vos écoles seront régénérées. Oh! mes amis, quelle noble carrière s'ouvre devant vous! Quel bien immense vous pouvez faire, non plus à quelques hommes, mais à toute une génération, à plusieurs générations! Vous sentirez quelle douceur il y a à instruire des enfans, quelle joie l'âme éprouve à propager le bien. Faites pour eux ce qu'il m'a été donné de faire pour vous: je le réclame de votre reconnaissance; tâchez d'en faire de vertueux Israélites, et en eux aussi la vérité fera le reste. Le monde causera; il plaisantera, vous blâmera; il trouvera étrange qu'avec votre fortune et vos talens vous alliez vous faire instituteurs, maîtres d'école... laissez dire, et poursuivez votre œuvre avec zèle et simplicité. Quand il verra les premiers fruits de votre dévoûment, il vous admirera, vous élevera aux nues: laissez dire encore, ses louanges ne sont pas ordinairement plus fondées que son blâme. Dans quelques années vos enfans seront des hommes, et vous aurez une génération qui vous bénira du bien inappréciable que

vous lui aurez procuré, en lui donnant des connaissances utiles, le goût du travail, les moyens d'exister honorablement dans la société et de lui apporter son industrie et sa moralité, en échange de la protection qu'elle lui accorde.

Voilà, mes chers amis, une esquisse rapide de ce que vous pouvez faire dans votre situation présente, qui n'est point aussi ingrate, aussi stérile que vous le croyez. Priez le Dieu de vos pères avec ferveur et confiance; invoquez la vérité de toute votre âme; étudiez, pratiquez le bien que vous aurez reconnu; soignez les restes de cette race royale et dégénérée, respectable jusque dans son abaissement, à laquelle vous appartenez, et vous recueillerez des fruits de joie dont vous n'avez aucune idée; vous apprendrez à connaître un bonheur et des jouissances supérieures à tous les plaisirs du monde.

Méditez ensemble le contenu de cette lettre; vous devez y trouver l'expression de la tendre affection que je vous porte.

TROISIÈME LETTRE.

ADÉODAT AU MAITRE.

QUELLES actions de grâces je dois au Ciel, ô digne et révéré maître, pour m'avoir inspiré la pensée de m'ouvrir à vous, de vous confier le secret de mon âme! Vous avez compris ma situation avec tout ce qu'elle présente de grave, de pénible, de difficile: vous entrez dans ma peine, vous la partagez. Oui, je le conçois, il n'y a qu'une vertu divine qui puisse vous porter à condescendre, comme vous le faites, au besoin de notre esprit et à celui de notre cœur, à nous prêter secours et appui. Aussi, si quelque chose au monde peut nous paraître plus admirable que votre doctrine, c'est la charité pleine de douceur et de sagesse que vous exercez à notre égard.

Votre lettre m'a fait une vive et prófonde impression; je l'ai communiquée à mes amis : nous l'avons lue, relue, méditée ; et touchés jusqu'aux larmes, nous n'avons pas hésité un moment à nous adresser au Chrétien, à lui parler avec la même confiance et le

même abandon qu'au philosophe. Tous trois nous nous tournons vers vous, mon cher maître, comme vers le seul homme au monde qui puisse nous conseiller, nous éclairer, et nous soutenir. Ne connaissonsnous pas le respect que vous portez à la liberté de conscience, à la dignité de l'homme?

Notre situation devient de jour en jour plus critique, parce que notre état intérieur devient de plus en plus pénible, tellement que nous sommes comme renversés ou bouleversés dans notre esprit, et cela n'est point étonnant. Il ne s'agit plus seulement de notre sort temporaire, de notre carrière dans le monde, de nos relations, de notre rang dans la société; il est question aujourd'hui de l'estime de nous-mêmes, de la paix intérieure, de notre avancement vers un but que nous ne faisons qu'entrevoir, mais qui, nous le comprenons bien, doit être posé par une main supérieure comme la dernière fin de l'homme, comme l'aboutissant de ses actions et de sa vie, comme le terme de son perfectionnement moral et intellectuel, et c'est là seulement qu'il peut trouver sa félicité, son salut. Ne nous avezvous pas appris que l'homme n'est sur la terre que pour développer ce qu'il porte dans son être, dans sa personne de noble, de sublime, de céleste? Ne nous avez-vous pas prouvé que tout ce qui ne le conduit pas vers ce terme, le met en contradiction avec lui-même, avec sa loi, ne peut jamais le satisfaire, lui est ou inutile ou dangereux; et que c'est à la Religion, à cette

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