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VINGT-DEUXIÈME LETTRE.

LE MAITRE A ADÉODAT.

APPLIQUONS maintenant ce que je vous ai exposé dans la lettre précédente, à ce que le livre élémentaire de la doctrine chrétienne nous dit de la foi. Il la définit dans son langage simple, un don de Dieu, une lumière surnaturelle qui vient éclairer notre intelligence, et nous porte à croire toutes les vérités révélées par Dieu et enseignées par l'Église. Il nous dit que sans la foi il est impossible d'être en rapport ou en communication avec Dieu; que nul n'a la foi de lui-même ; que nul ne peut se la donner, ni la donner à d'autres; qu'il faut que l'homme la reçoive immédiatement de Dieu, comme grâce prévenante. Comment ou sous quelle forme ce don est-il offert et reçu? Sous la forme la plus universelle, la plus simple, la plus pure, la plus féconde; sous la forme de la lumière : lumière intelligible, surnaturelle, imperceptible aux sens, insaisissable à la raison; mais qui luit dans le for intérieur, qui éclaire l'entendement de

tout homme venant en ce monde. Quel effet cette lumière produit-elle dans celui qui la reçoit? Elle réveille l'âme de son assoupissement naturel; elle lui fait sentir sa présence par la douceur de son action, et l'excite à réagir; elle lui donne la connaissance de ce qu'il ne pourrait ni percevoir, ni comprendre sans elle.

Nous retrouvons ici les deux principes, subjectif et objectif, actif et passif; l'un qui opère et se donne, l'autre qui reçoit et conçoit. Le premier est divin: c'est le don de Dieu, la lumière substantielle se versant dans l'homme, posant dans son âme un caractère sacré, une semence divine, comme dit S. Jean. Le second est humain: c'est l'âme, le foyer psychique, qui, touchée par le rayon lumineux, s'ouvre à son influence, reçoit le don, en goûte la douceur, réagit vers le Donateur et concourt ainsi au rétablissement de son rapport avec Dieu. Oui, qui dit foi, dit alliance. Sans le don ou la grâce d'un côté, et sans l'admission libre et volontaire ou la réaction spontanée de l'autre, il n'y a point d'alliance, point de communication vivante entre l'homme et le Ciel, point de rapport entre l'homme et Dieu, comme il n'y aurait pas de commerce spirituel entre les hommes,

pas de

rapports moraux et sociaux, pas de société, sans la parole et la foi en la parole.

Je ne puis m'empêcher de ramener encore une fois votre attention sur le moment où le premier rayon

de lumière vient frapper l'oeil du nouveau-né, se pose dans son cerveau, et y allume le flambeau de la vie intellectuelle. C'est à cet instant et par ce fait si simple, que l'enfant entre en relation avec le monde et avec les objets qui y vivent. C'est en vertu de ce rayon lumineux, qui met en jeu la faculté de voir et l'instinct de la vision, que l'enfant trace son horizon où apparaissent objectivement les formes et les couleurs; c'est par ce fait primitif qu'il est prédisposé à sentir et à admirer plus tard les beautés et les richesses de la nature. Et remarquons bien qu'ici l'enfant est tout passif, qu'il n'a aucune conscience de ce qu'il vient de recevoir, de ce qui s'est passé en lui ; il n'est point encore capable de réflexion active; il ne sait ni penser ni parler; il voit, perçoit ou reçoit la lumière, et voilà tout. Mais bientôt il distinguera les objets dans la lumière, il les regardera; et plus tard, après qu'une autre action merveilleuse aura pénétré en lui, il dira avec le degré de certitude qui lui vient des sens : Cela existe, je le vois ou je l'ai vu, je le sais. La lumière physique a parlé à son esprit par l'organe de la vue: le principe de la certitude est réveillé.

Cette autre influence merveilleuse est celle du Verbe substantif, entrant pour la première fois par l'ouïe dans l'entendement. C'est à l'instant où l'enfant conçoit le sens du verbe être, qu'il entre spontanément en rapport avec ses semblables, avec le monde moral et social. L'idée de l'Être est excitée

par l'affirmation de l'être ; l'enfant commence à pressentir le prix de la parole; il est prédisposé à croire à la vérité de la parole, par conséquent à recevoir l'instruction, à participer aux richesses intellectuelles de la société. Ici encore l'homme enfant n'a point la conscience de ce qui se passe en lui: il ne se doute pas de son initiation à la société des intelligences : il ne sait point encore lire en lui-même : il écoute seulement, il reçoit, conçoit et comprend; mais bientôt vous lui entendrez dire dans sa naïveté : cela est vrai; on me l'a dit, je l'ai entendu, je le crois fides ex auditu. La lumière verbale a pénétré dans son esprit par l'ouïe : le principe de la certitude est élevé à sa première puissance.

Le troisième moment solemnel et le plus important dans la vie de l'homme, est celui où le rayon divin vient à pénétrer son intelligence par une illustration subite, et se fixe dans son âme. A l'instant où il reçoit ce don de Dieu, s'établit le rapport entre lui et le monde métaphysique, entre la vérité et lui. La lumière intelligible le prépare à la foi, en excitant la réaction de sa volonté, qui embrasse avec amour le rayon divin. Au moment où cette alliance entre Dieu et l'homme s'opère, l'homme n'a point cons→ cience de ce qui se passe en lui, il ne se doute point du don qui lui est fait, du pouvoir sublime qu'il vient de recevoir. Il a éprouvé dans son fond l'effet d'une action mystérieuse; il a senti qu'une vertu se

crète l'a touché, pénétré, ému: il lui en est resté comme des traces ou des souvenirs, avec une inclination douce vers la vérité: il la désire, il la recherche pour en jouir encore, comme jadis au berceau il cherchait instinctivement la clarté du jour. Encore une fois, de même que la lumière physique révèle à l'enfant le monde sensible et ses beautés; de même que la parole humaine lui donne la conscience de lui-même et du monde moral, la conscience de la justice et de la vérité; ainsi la lumière pure, métaphysique, et la parole divine qui la contient, donnent à l'homme le sentiment et le goût du bien, la conscience, la certitude, la science de son rapport avec le bien. Les choses physiques parlent à nos sens, et par eux à l'imagination; la parole humaine parle à notre entendement, et par lui à la raison; le Verbe divin parle à notre intelligence, et sa vertu pénètre jusqu'au fond de l'âme.

La définition si simple, que la doctrine chrétienne donne de la foi, vous montre la Vérité absolue, Dicu, l'Être des êtres, envoyant sa lumière à l'homme : c'est ce qu'on appelle la grâce prévenante. L'homme en reçoit l'impression, comme il subit l'action de tout ce qui le stimule dans la triple forme de son existence. S'il admet la grâce, il reçoit avec elle les prémices de la foi et de la certitude métaphysique : non point la certitude de telle vérité déterminée, mais la certitude générale de l'existence d'un agent qui lui est supérieur,

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