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foi dans les phénomènes du monde, ni dans l'idée de son esprit; il élève son regard vers l'idéal sacré de son idée, vers l'archétype divin. Il croit en la parole de Jésus-Christ qui lui révèle la Trinité-Dieu; il y croit, parce que l'Évangile la lui annonce, parce que l'Église la lui enseigne; et cette parole et cet enseignement lui donnent plus de lumière que toutes les lois de la nature, plus de certitude que toutes les analogies du monde. Oui, si vous admettez avec simplicité, avec candeur, cette parole qui vous dit le mystère de Dieu et de l'Éternité, elle se développera dans votre âme; la lumière divine qu'elle renferme se dégagera de sa forme littérale, elle luira dans vos ténèbres et fécondera votre intelligence. Elle se répandra jusque dans vos facultés inférieures; car lorsque l'œil est pur et en rapport avec la lumière, tout l'homme est éclairé. Et c'est alors, et alors seulement, quand votre raison sera illuminée, fortifiée et sanctifiée par la lumière de la foi, que vous pourrez reconnaître l'expression des vérités et des lois divines dans toute la nature, en vous, comme hors de vous.

VINGT-TROISIÈME LETTRE.

ADOLPHE AU MAITRE.'

MON cher maître, dans un entretien que j'ai eu dernièrement avec nos amis israélites, on a soulevé une question fort intéressante, qui nous a paru d'une haute importance, mais qu'aucun de nous n'a pu résoudre. Je m'en suis occupé sérieusement depuis, et n'ai pu trouver ce que je cherchais. Habitué que je suis à recourir à vous dans toute espèce de difficultés scientifiques, je viens encore en cette occasion vous prier de me donner quelques éclaircissemens, que je puisse communiquer à mes amis.

Nous parlions en toute confiance et avec abandon, de religion et de philosophie; car, depuis que la lumière de l'Évangile a pénétré dans leur esprit, depuis qu'ils comprennent ce qu'est l'Église chré

'ADOLPHE CARL, alors élève en médecine et chargé de l'enseignement de l'histoire au Collége-Royal; plus tard, docteur ès-lettres et en médecine, et ensuite prêtre et directeur du Petit-Séminaire de Strasbourg.

tienne dans le monde, ils se sentent fortement attirés vers elle; et nos entretiens se portent presque toujours sur cet objet. Nous avons été conduits à rechercher la cause de l'opposition, qui se montre presque partout entre les hommes qui s'honorent du titre de philosophes, et ceux qui passent pour des hommes religieux; opposition qui me paraît d'autant plus singulière, que c'est la philosophie qui m'a ramené au Christianisme dont je m'étais écarté ; et que c'est elle encore qui a excité en nos amis juifs un ardent désir de le connaître et de l'embrasser. Je crus d'abord la réponse facile, sachant qu'on a décoré du nom de philosophie des doctrines fausses et impies qui certainement ne méritent point ce titre : ce sont ces doctrines, me disais-je, évidemment en contradiction avec l'Évangile, que l'homme religieux, que le Chrétien doit repousser. Mais en considérant avec plus d'attention ce qui se dit et se fait autour de nous, je n'ai pu me dissimuler que, si d'un côté les sages du monde ne veulent pas de la religion, de l'autre côté les hommes religieux ne veulent pas de la philosophie. A entendre les premiers, la doctrine catholique ne soutient pas l'examen d'une raison exercée ; et à en croire ceux qui se disent théologiens, les sciences philosophiques sapent la foi, et conduisent à l'incrédulité; en sorte que les hommes du monde et les hommes de l'Église semblent s'accorder en ce point, que la religion et la philosophie sont contraires

l'une à l'autre, qu'elles s'excluent ou se détruisent mutuellement.

Frappé d'un fait si évident, mais que contredit ma propre expérience, j'ai été porté à réfléchir sur ce qui s'est passé en moi, quand votre enseignement a touché mon âme, éclairé mon intelligence et réveillé ma foi engourdie et presque éteinte. L'effet de cet enseignement est encore tout vivant dans mon intérieur, et à en juger par les fruits qu'il a produits en moi, il est loin d'être contraire à la doctrine chrétienne et à son esprit. Les développemens philosophiques que j'entendais, ne m'apprenaient rien de nouveau au fond, ne me donnaient point d'idées nouvelles ; mais ils réveillaient dans mon intelligence les souvenirs d'autres leçons que j'avais reçues dans un âge plus tendre, par l'organe d'un saint et savant évêque, mon parent1. Cette instruction purement religieuse, qui m'avait été donnée comme à tout enfant chrétien, avec plus d'affection, plus d'onction et plus de science peut-être qu'il n'arrive d'ordinaire, n'était pourtant que l'enseignement du Catéchisme, l'exposition et l'explication des dogmes, de la morale, du culte et de la discipline de l'Église. Eh bien! votre parole philosophique n'avait un si haut intérêt pour moi, que parce que je la sentais se verser, pour ainsi dire, en des formules qui s'étaient conservées dans ma mémoire, et

'Mgr. Louis-Joseph Colmar, évêque de Mayence, né à Strasbourg le 22 juin 1760, et mort le 15 décembre 1818.

par lesquelles j'avais appris dans mon enfance à professer ma foi. Cette parole me rappelait des analogies admirables, prises dans l'homme et la nature, pour me faire mieux comprendre les vérités chrétiennes ; enfin elle se trouvait en parfaite harmonie avec les formes religieuses, auxquelles j'avais été habitué dans mon premier âge. Je compris alors que ces souvenirs de mon enfance seraient favorables à mes études philosophiques, qu'ils seconderaient mon avancement et mes succès; et, en effet, vous le savez, mon cher maître, ce sont ces réminiscences qui m'ont valu des couronnes, et ce qui est bien plus précieux, la conception plus facile et la conviction plus profonde de la vérité de votre doctrine; et par-dessus tout cela, c'est à elles encore que je dois ce qui fait aujourd'hui mon bonheur: votre estime et votre amitié! Je dois ajouter qu'avant d'avoir entendu vos leçons, les dogmes de la religion étaient en moi comme une lettre close, ou comme des germes précieux, mais latens. Votre parole m'a expliqué la lettre, elle en a fait sortir l'esprit ; elle a fait jaillir la vie du germe; en un mot, ce que vous m'enseigniez sous le nom de doctrine philosophique, confirmait pleinement ce que j'avais appris sous le nom de doctrine religieuse.

Mais, et voici maintenant mon embarras, quel nom faut-il donner à cet ensemble de connaissances et de convictions, qui s'est formé dans mon esprit par l'union de ces deux enseignemens ? Est-ce de la

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