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NOTICES.

CETTE Correspondance ayant eu pour but d'amener au Christianisme quelques jeunes Israélites, et ce but ayant été atteint, nous avons cru que le récit simple et naïf de leur conversion pourrait avoir une heureuse influence sur d'autres âmes encore fermées à l'admirable lumière de l'Évangile, comme l'était la leur, et aussi peut-être sur d'anciens Chrétiens dont la foi est languissante et la charité refroidie. C'est par ce motif que nous les avons déterminés à exposer publiquement les plus intimes secrets de leur vie, l'histoire de leur retour vers Dieu. L'exemple de S. Augustin, dont les confessions leur ont fait tant

de bien, les y a vivement encouragés ; et ils ont pensé qu'il n'y avait ni honte, ni orgueil à faire comme ce grand Saint.

Chacune des notices suivantes se rapporte à un des personnages de la Correspondance, et a été écrite par lui. Nous croyons que les lecteurs non prévenus seront touchés par ces tableaux de l'opération de la grâce divine en plusieurs cœurs, et que les lettres du maître leur seront plus faciles à comprendre et plus douces à lire, quand ils auront d'abord fait connaissance avec les disciples.

ADÉODAT.1

Ma vie passée m'apparaît aujourd'hui comme un rêve pénible; il me faut des efforts de mémoire pour m'en rappeler les faits principaux.

Appartenant à l'ancienne famille Cerfberr, qui occupait le premier rang parmi les Juifs de la province, je fus élevé, sinon dans la religion, du moins selon les traditions et les mœurs judaïques; je ne reçus d'autres principes moraux que les exemples d'une mère vertueuse, et d'autres leçons dogmatiques que celles qui me parlaient de la foi en un Dieu unique qu'il fallait craindre et adorer, en attendant la venue du Messie qui devait ramener notre nation triomphante dans la Terre-Sainte. Dans ma simplicité enfantine, j'attendais en effet ce Messie, et je désirais son avénement; mais plus tard, ne pouvant comprendre pourquoi il devait venir, ni pourquoi il ne venait point; et d'ailleurs, me trouvant fort bien sur le sol natal, je n'attachai plus d'importance à ce dogme. A me

' THÉODORE RATISBONNE, avocat; puis prêtre, professeur au petit Séminaire et vicaire à la Cathédrale de Strasbourg.

sure que ma raison se fortifia, je secouai le joug des observances religieuses; et le peu de dignité que je reconnaissais à la Synagogue et aux hommes que j'y voyais réunis, donnèrent ample matière à mes sarcasmes et à ma critique. Bientôt le nom de Juif me fit rougir, et je me retirai de leur assemblée. Mon père, quoique Président du Consistoire, ne s'y rendait lui-même que lorsqu'il y était obligé par quelque fête solemnelle. Il me laissa toujours libre. Par une protection divine toute spéciale, la première partie de ma jeunesse se passa sans écarts et sans orages: j'étais retenu par une espèce de vertu instinctive, fondée uniquement sur les paroles et les exemples de ma mère que je chérissais tendrement; son seul souvenir m'était une égide contre le mal. J'avais seize ans quand j'eus le malheur de la perdre; et, quoique seul alors à Paris, libre et sans surveillance, dans une des princi-pales maisons de banque, je vécus plusieurs années, éloigné des plaisirs du monde et de ses dangers; je fuyais la société, je refusais toutes les distractions, tant était vive et continuelle l'affliction que m'avait causée la mort de ma mère! Ce deuil profond de mon cœur contribua beaucoup à me donner le goût des choses sérieuses, et à m'inspirer de l'aversion pour celles qui passent et ne laissent trop souvent que des remords. C'était au point que les fêtes, les spectacles, la musique, auxquels plus tard je dus prendre part, m'attristaient jusqu'aux larmes.

Oh, qu'à cette époque une parole religieuse m'eût été nécessaire! Combien je souffrais d'un indéfinissable malaise! J'avais besoin d'aimer, et j'étais facile à m'enflammer pour toute âme aimante; je m'attachais fortement à mes amis, à mes maîtres, aux personnes avec lesquelles je vivais, de

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