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le maître abfolu de créer d'abord les hommes dans cet état, & de les y fixer à jamais.

II.

J'avoue qu'on ne peut point démontrer par la nature de no tre ame ni par les regles de l'ordre fuprême, que Dieu n'ait point mis tout le genre humain dans cet état d'une heureuse & fainte néceffité, Il faut convenir qu'il n'y a qu'une volonté entierement libre & arbitraire en Dieu, qui ait décidé pour faire l'homme libre c'est-à-dire éxempt de toute néceffité, fans le fixer dans une heureuse néceffité de vouloir toûjours lę bien.

III.

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Ce qui décide, eft la conviction intime où nous fommes fans ceffe de notre liberté. Notre raison ne confifte que dans

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nos idées claires. Nous ne pouvons que que les confulter at

tentivement

pour conclure qu'une propofition est vraie ou fauffe. Il ne dépend pas de nous de croire que le oür eft le non, qu'un cercle eft un triangle qu'une vallée eft une montagne, que la nuit eft le jour. D'où vient qu'il nous eft abfo lument impoffible de confondre ces chofes ? C'eft que l'exercice de la raison fe réduit à confulter nos idées, & que l'idée d'un cercle eft abfolument différente de celle d'un triangle ; que celle d'une vallée exclut celle d'une montagne; & que celle du jour eft oppofée à celle de la nuit. Raifonnez tant qu'il vous plaira, je vous défie de former aucun doute férieux contre aucune de vos idées claires. Vous ne jugez jamais d'aucune d'elles

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mais c'est par elles que vous jugez, & elles font la regle immuable de tous vos jugemens. Vous ne vous trompez qu'en ne les confultant pas avec affez d'éxactitude. Si vous n'affirmiez que ce qu'elles préfen. tent fi vous ne niïez que ce qu'elles excluent avec clarté vous ne tomberiez jamais dans la moindre erreur. Vous fufpenderiez vôtre jugement, dès que l'idée que vous confulteriez ne vous paroîtroit pas affez claire; & vous ne vous rendriez jamais qu'à une clarté invincible. Encore une fois tout l'éxercice de la raison se réduit à cette confultation d'idées. Ceux qui rejettent speculativement cette regle, ne s'entendent pas eux-mêmes, & fuivent fans ceffe par néceffité dans la pratique, ce qu'ils rejettent dans

la fpeculation. Le principe fon

damental de toute raison étant pofé, je foutiens que notre libre arbitre eft une de ces véritez, dont tout homme qui n'extravague pas, a une idée fi claire, que l'évidence en eft invincible. On peut bien difputer du bout des lévres, & par paffion, contre cette vérité dans une Ecole comme les Pyrrhoniens ont difputé ridiculement fur la vérité de leur propre éxistence, pour douter de tout fans exception; mais on peut dire de ceux qui contestent le libre arbitre, ce qui a été dit des Pyrrhoniens : C'est une fecte, non de Philofophes, mais de menteurs. Ils fe vantent de douter, quoique le doute ne foit nullement en leur pouvoir. Tout homme fensé qui fe confulte, & qui s'écoute, porte au dedans de foi

une décision invincible en faveur de fa liberté. Cette idée nous répréfente qu'un homme n'eft coupable que quand il fait ce qu'il peut s'empêcher de faire, c'est-à-dire, ce qu'il fait par le choix de fa volonté, fans y être déterminé inévitablement & invinciblement par quelque autre cause distinguée de fa volonté. Voilà, dit S. Augustin, une vérité, pour l'éclairciffement de laquelle on n'a aucun besoin d'approfondir les raifonnemens des Livres. C'est ce quela nature crie,c'est ce qui eft empreint au fond de nos cœurs par la libéralité de la na ture; c'eft ce qui eft plus clair que le jour; c'est ce que tous les hommes connoiffent depuis l'Ecole où les enfans apprennent à lire jufqu'au trône du fage Salomon; c'est ce que les bergers,

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