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Ils fe font honneur de reconnoître un Dieu Createur, dont la fageffe faute aux yeux dans tous fes ouvrages: mais, felon eux ce Dieu ne feroit ni bon, ni fage, s'il avoit donné à l'homme le libre arbitre, c'eft-à-dire, le pouvoir de pécher, de s'égarer de fa fin derniere, de renverfer l'ordre, & de fe perdre éternellement. Selon eux l'homme s'impose à lui-même, quand il s'imagine être le maître de choifir entre deux partis. Cette illufion flateufe, difent-ils, vient de ce que la volonté de l'homme ne peut être contrainte dans fon propre acte, qui eft fon vouloir. Elle ne peut être déterminée que par fon plaifir, qui est son unique reffort. Entre divers plaifirs, c'eft toûjours le plus fort qui la détermine invinciblement. Ainfi elle ne veut jamais

que ce qui lui plaît davantage de vouloir. Voilà ce qui forme une ridicule chimere de liberté. difent-ils encore,

L'homme eft fans ceffe néceffité à vouloir un feul objet, tant par la difpofition intérieure de fes organes, que par les circonftances des objets extérieurs en chaque occafion. Il croit choisir, pendant qu'il eft néceffité à vouloir toûjours ce qui lui offre le plus de plaifir. Suivant ce fyftême, en otant toute réelle liberté, on fe débaraffe de tout mérite, de tout blâme, & de tout enfer. On admire Dieu fans le craindre, & on vit fans remords au gré de fes paffions. Voilà le fyftême qui charme tous les libertins de notre tems.

3o. Vous avez raifon de demander des motifs de croire la Religion, qui foient propor

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tionnez aux efprits les plus fim ples & les plus groffiers. La difficulté de trouver ces raifons proportionnées & convainquantes, vous tente de croire que Dieu ne prépare le falut, qu'aux feuls Elûs, qu'il conduit par le cœur,& non par l'efprit;par l'attrait de la feule Grace, & non par la lumiere de la raison. Mais remarquez, s'il vous plaît, deux inconveniens de ce fyftême. Le premier eft, que fi on fuppofoit que la Foi vient aux hommes par le cœur feul fans l'efprit,& par un instinct aveugle de grace, fans un raifonnable difcernement de l'autorité à laquelle on fe foumet pour croire les myfteres, on courroit rifque de faire du Chriftianifme un phanatifme, & des Chré tiens des Enthoufiaftes. Rien ne

feroit plus dangereux pour le repos & pour le bon ordre du

genre humain. Rien ne peut rendre la Religion plus méprifable & plus odieufe. Le fecond inconvenient eft, que fuivant ce fyftême, Dieu damneroit prefque tous les hommes , parce qu'ils ne croyent pas, & parce qu'ils n'obfervent pas tous fes Commandemens. Quoique la Foy & les Commandemens leur fuffent réellement impoffibles, faute de fecours proportionnez à leur befoin pour croire & croire & pour obferver les Commandemens évangeliques, ce feroit tourner la Religion en fcandale, & foulever contr'elle le monde entier. que d'en donner une idée fi contraire à la bonté de Dieu.

4o. S. Auguftin, qu'on ne peut point accufer de relâchement fur les queftions de la Grace, a crû ne pouvoir juftifier la bonté & la juftice de Dieu con

tre les blafphémes des Manichéens, qu'en avouant qu'aucun homme ne doit jamais à Dieu que ce qu'il en a reçû.Il en conclut deux chofes: l'une eft, que tout homme a reçû un fecours pré: venant, & proportionné à fon befoin, pour vaincre les tentations de fa concupifcence, pour éviter tout mal, & pour pratiquer tout bien, conformément à fa raison. L'autre eft, qu'il a reçû de quoi vaincre fon igno rance en cherchant avec foin & pieté, s'il le veut, ce qui lui manque pour la foi; auquel cas la Providence lui fourniroit des moyens convenables, pour parvenir de proche en proche à la foi des myfteres, aux vertus évangeliques & au falut. Les moyens de Providence tant intérieurs qu'extérieurs font ineffables, & d'une varieté infinie,

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