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idées, c'est-à-dire la voix de la raifon, & que de s'obstiner à foûtenir ce qu'on eft contraint de démentir fans, ceffe dans la pratique, pour établir une doctrine qui renverse tout ordre & toute police, qui confond le vice & la vertu, qui autorise toute infamie monstrueuse, qui éteint toute pudeur & tout remords, qui dégrade & qui défigure fans reffource tout le genre humain? Pourquoi veut-on ér touffer ainfi la voix de la raifon? C'est pour fecoüer le joug de la Religion, c'eft pour alle guer une impuiffance flatteufe en faveur du vice contre la vertu. Il n'y a que l'orgueil & les paffions les plus déréglées qui puiffent pouffer l'homme jufqu'à un fi violent excès contre fa propre raison. Mais cet excès lui-même doit ouvrir les

yeux à l'homme qui y tombe. L'homme ne doit-il pas fe défier de fon cœur corrompu, & se recuser soi-même pour juge, dès qu'il apperçoit que le goût effrené du mal le porte jufqu'à fe contredire foi-même, & à nier fa propre liberté, dont la conviction intime le furmonte à tout moment? Une doctrine fi énorme & fi emportée (comme parle Ciceron de celle des Epicuriens) ne doit point être examinée dans l'Ecole mais punie par les Magistrats.

i VIII.

Ön' demande comment estce que l'Etre infiniment parfait, qui tend toûjours, felon fa nature, à la plus haute perfection de fon ouvrage, a pú créer des volontez libres, c'eft-à-dire, laiffées à leur propre choix entre

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le bien & le mal, entre l'ordre & le renversement de l'ordre ? Pourquoi les auroit-il abandonnées à leur propre foiblesse, prévoyant que l'ufage qu'elles en feroient, feroit celui de fe perdre, & de dérégler tout l'ouvrage divin?

Je réponds que ce qu'on veut nier eft inconteftable. D'un côté on avoue qu'il y a un Etre infiniment parfait qui a créé les hommes, d'un autre côté la nature entière crie que nos volontez fontelibres. Qu'on me montre l'homme qui n'a pas de honte de le nier je le Tui ferai affirmer trente fois par jour dans toutes les affai res les plus férieuses, la vé rité lui echappera malgré lui, tant il en eft plein, lors même qu'il veut la combattre. Il est donc évident que l'Etre infini

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ment parfait nous a créez avec des volontez libres. Le fait clair comme le jour eft décifif. On a beau fubtiliser pour prouver que l'Etre infiniment parfait n'a pas pû mettre cette imperfection & cette fource de défordre dans fon ouvrage. La réponse est courte & tranchante. L'Etre infiniment parfait fçait beaucoup mieux que nous ce qui convient à fa perfection infinie. Or il eft évident que l'homme qui eft fon ouvrage, eft libre, & on ne peut le nier fans contredire fa propre raifon. Donc l'Etre infiniment parfait a trouvé que la liberté de l'homme pouvoit s'accorder avec l'infinie perfection du Créateur. Il faut donc que l'intelligence finie fe taife & s'humilie, quand l'Etre infiniment parfait décide dans la pratique toute la quef

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tion; fans doute il n'a pas violé l'ordre. Or eft-il qu'il a fait l'homme libre, puifque l'homme ne peut lui-même étouffer la voix de fon cœur fur fa liberté, donc Dieu a pû faire l'homme libre fans violer l'ordre. Si l'homme borné ne peut pas comprendre comment cette liberté, fource de tout défordre, peut s'accorder avec l'ordre fuprême dans l'ouvrage de Dieu, il n'a qu'à croire humblement ce qu'il n'entend pas: c'eft fa raison même qui le tient fans ceffe fubjugué par cette impreffion invincible de fon libre arbitre: quand même il ne pourroit pas comprendre par fa raifon une vérité dont fa raifon ne fouffre aucun doute, il faudroit regarder cette vérité comme tant d'autres de l'ordre naturel, qu'on ne peut ni éclair

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