Images de page
PDF
ePub

indigne d'accepter la charge pastorale. Aussi quand Pierre fut interrogé s'il aimoit le Seigneur plus que les autres, il se garda bien de se préférer à ceux-ci dans sa réponse, il se contenta d'affirmer qu'il aimoit véritablement le divin Maître.

Je réponds aux arguments: 1 Le Seigneur savoit déjà par expérience que Pierre étoit apte, même sous tous les autres rapports, à gouverner son Eglise; et il se contenta de l'interroger sur la force de son amour, pour nous montrer que lorsqu'un homme est d'ailleurs apte au gouvernement de l'Eglise, on doit surtout s'enquérir de la grandeur de sa charité.

2o Le texte invoqué dans l'argument doit s'entendre du zèle de celui qui est constitué en dignité; il doit s'appliquer à être tel qu'il domine les autres par la science et la sainteté. Voilà pourquoi saint Grégoire dit, Pastor., II, 1 : « La conduite du prélat doit l'emporter autant sur celle du peuple, que le genre de vie du berger l'emporte sur le genre de vie du troupeau. » Mais on ne doit pas lui faire un sujet de reproche de ce qu'il n'a pas été parfait avant son élévation, ni s'emparer de cela pour le mépriser et l'avilir.

3° L'Apôtre dit, I Cor., XII, 4: « Il y a diversité de graces, de ministères et d'opérations. » Rien n'empêche donc qu'on ne soit apte à diriger les autres, tandis qu'on n'excelle pas précisément en sainteté. Mais il en est autrement dans l'ordre de la nature; ici l'être que la nature elle-même a fait supérieur aux autres, possède dès-lors l'aptitude la plus grande pour régir les ètres inférieurs.

mere prælationis officium. Unde licet Petrus interrogatus esset an Dominum plus cæteris diligeret, in sua responsione non se prætulit cæteris, sed simpliciter respondit quòd Christum amaret.

Ad primum ergo dicendum, quòd Dominus in Petro sciebat ex suo munere esse idoneitatem, etiam quantum ad alia, gubernandi Ecclesiam. Et ideo eum de ampliori dilectione examinavit, ad ostendendum quòd ubi ahas invenitur homo idoneus ad Ecclesiæ regimen, præcipuè attendi debet in ipso eminentia divinæ filectionis.

Ad secundum dicendum, quòd auctoritas illa est intelligenda quantum ad studium illius qui in dignitate constitutus est; debet enim ad hoc intendere ut talem se exhibeat, ut cæteros et

scientia et sanctitate præcellat. Unde Gregorius dicit in Pastor. (part. II, cap. 1) : « Tantu a debet actionem populi actio transcendere præsulis, quantum distare solet à grege vita pastoris. » Non autem ei imputandum est, si ante prælationem excellentior non fuit, ut ex hoc debeat vilissimus reputari.

Ad tertium dicendum, quòd sicut dicitur I. ad Cor., XII: « Divisiones gratiarum et ministrationum et operationum sunt. » Unde nihil prohibet aliquem magis esse idoneum ad officium regiminis qui tamen non excellit in gratia sanctitatis. Secus autem est in regimine naturalis ordinis, in quo id quod est superius ordine naturæ, ex hoc ipso habet majorem idoneitatem ad hoc quod inferiora disponat.

ARTICLE IV.

Un évêque peut-il licitement abandonner sa charge épiscopale pour entrer en religion?

Il paroît qu'un évêque ne peut pas licitement abandonner sa charge épiscopale pour entrer en religion. 1° Il n'est permis à personne de quitter un état plus parfait pour passer à un autre qui l'est moins; car c'est là regarder en arrière, ce que le Seigneur a condamné quand il dit, Luc, IX, 62: « Celui qui, mettant la main à la charrue, regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu. » Or l'état des évêques est plus parfait, a-t-il été démontré plus haut, que celui des religieux. Ainsi donc, comme il n'est pas permis de quitter l'état religieux pour rentrer dans le siècle, il ne l'est pas non plus d'abandonner l'épiscopat pour entrer en religion.

2o L'ordre de la grace est encore plus beau que celui de la nature. Or, selon l'ordre de la nature, le même objet ne sauroit avoir des mouvements contraires; par exemple, la nature voulant que la pierre se meuve de haut en bas, elle ne peut pas vouloir qu'elle se meuve de bas en haut. Mais, dans l'ordre de la grace, on peut passer de l'état religieux à celni des évêques. Donc on ne sauroit suivre le mouvement inverse, c'est-à-dire revenir de l'épiscopat à l'état religieux.

3° Rien ne doit demeurer inutile et inactif dans les opérations de la grace. Or celui qui a été consacré évêque possède à jamais le pouvoir spirituel de conférer les ordres et de remplir les autres fonctions relatives à la charge épiscopale; et ce pouvoir demeure inutile et paralysé entre les mains de celui qui abandonne cette charge. Donc il paroit qu'un évêque ne sauroit licitement renoncer à ses fonctions, pour embrasser l'état religieux.

ARTICULUS IV.

Utrùm episcopus possit licitè curam episcopalem deserere ut ad religionem se transferat. Ad quartum sic proceditur. Videtur quòd episcopus non possit licitè curam episcopalem deserere ut ad religionem se transferat. Nulli enim licet de statu perfectiori ad minus perfectum statum transire; hoc enim est retrò respicere, quod est damnabile, secundum Domini sententiam dicentis Luc., IX: « Nemo mittens manum ad aratrum, et respiciens retrò, aptus est regno Dei. » Sed status episcopalis est perfectior quàm status religionis, ut suprà habitum est (qu. 187, art. 1). Ergo sicut non licet de statu religionis redire ad sæculum, ita non licet de statu episcopali ad religionem transire.

2. Præterea, ordo gratiæ est decentior, quàm ordo naturæ. Sed secundum naturam non movetur idem ad contraria: putà, si lapis naturaliter deorsum movetur, non potest naturaliter à deorsum redire in sursum. Sed secundum ordinem gratiæ licet transire de statu religionis ad statum episcopalem. Ergo non licet è converso de statu episcopali redire ad statum religionis.

3. Præterea, nil in operibus gratiæ debet esse otiosum. Sed ille qui est semel in episcopum consecratus, perpetuò retinet spiritualem potestatem conferendi ordines, et alia hujusmodi faciendi, quæ ad episcopale officium pertinent; quæ quidem potestas otiosa remanere videtur in eo qui curam episcopalem dimittit. Ergo videtur quòd episcopus non possit curam episcopalem dimittere et ad religionem transire.

Mais c'est le contraire qu'il faut dire. On n'oblige pas quelqu'un à faire une chose illicite par elle-même. Or ceux qui demandent à résilier leur charge épiscopale, y sont par là même contraints, selon les principes du Droit canonique, Extra de renunt., cap. Quidam. Donc il paroît bien qu'il n'est pas défendu de renoncer à la charge épiscopale. (CONCLUSION. Un évêque peut, mais seulement pour une cause légitime et avec l'autorisation du souverain pontife, abandonner la charge épiscopale pour entrer en religion.)

La perfection de l'état épiscopal consiste en ce que, sous l'impulsion de la divine charité, on contracte l'obligation de se consacrer au salut du prochain. On est donc obligé de garder la charge pastorale tout le temps qu'on peut en remplir le but en travaillant efficacement au salut de son troupeau; et l'on ne doit pas négliger ce travail, pour goûter le repos de la contemplation, puisque l'Apôtre consentoit pour le bien de ses enfants à voir différer le jour de son entrée dans la contemplation réelle du ciel, comme il le dit lui-même aux Philippiens, I, 22: « Je ne sais ce que je dois choisir; je suis pressé d'un double sentiment, du désir de briser ces liens et d'être avec le Christ, ce qui me seroit infiniment plus avantageux, et du désir aussi de demeurer dans la chair, ce qui est nécessaire pour vous; et dans cette persuasion je sais que je resterai encore. » Un évêque ne doit pas non plus abandonner son œuvre pour éviter un mal quelconque, ou réaliser n'importe quel gain; car, comme le dit le Sauveur lui-même, Joan., X, 11, «le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis.» Mais un évêque peut se voir entraver dans son œuvre par bien des obstacles: quelquefois par un défaut personnel ou un désordre de conscience, comme s'il étoit tombé dans l'homicide ou la simonie ; quelquefois par un défaut purement corporel, comme quand il est vieux ou infirme; quelque

Sed contra nullus cogitur ad id quod est | secundum se illicitum. Sed illi qui petunt cessionem à cura episcopali, ad cedendum compelluntur, ut patet Extra De renuntiat., cap. Quidam (1). Ergo videtur quòd deserere curam episcopalem, non sit illicitum.

(CONCLUSIO. Non licet episcopo, ut ad regionem transeat, episcopatum dimittere, nisi ex legitima causa et summi Pontificis auctoritate.) Respondeo dicendum, quòd perfectio episcopalis status in hoc consistit, quòd aliquis ex divina dilectione se obligat ad hoc quod saluti proximorum insistat. Et ideo tamdiu obligatur ad hoc quod curam pastoralem retineat, quandiu potest subditis sibi commissis proficere ad salutem; quam quidem negligere non debet, neque propter divinæ contemplationis quietem

(cum Apostolus propter necessitatem subditorum etiam à contemplatione futuræ vitæ se differri patienter toleraret, secundum illud ad Philippenses I: « Ecce, quid eligam ignoro; Coarctor autem è duobus, desiderium habens dissolvi et esse cum Christo, multo magis melius; permanere autem in carne necessarium est propter vos, et hoc conâdens, scio quia manebo); » neque propter quæcumqueadversa vitanda vel lucra conquirenda; quia, sicut dicitur Joan., X, « Bonus pastor ponit animam suam pro ovibus suis. » Contingit tamen quandoque quòd episcopus impeditur procurare subditorum salutem multipliciter : Quandoque quidem propter defectum proprium, vel conscientiæ, sicut si sit homicida vel simoniacus; vel etiam corporis, puta si sit senex

(1) Ex Concilio Lateranensi IV, sub Innocentio III, can. 28, ubi de Episcopis expressè non dicitur, sed generatim de omnibus qui animarum curam habent.

fois par un défaut de science, de la science nécessaire pour remplir ses fonctions; ou par une irrégularité, comme s'il a été marié deux fois. Quelquefois cela tient aux dispositions de son troupeau, auprès duquel il ne pourra plus faire aucun bien; et de là ce que dit saint Grégoire, Dialog., II, 3: « On supporte les méchants avec égalité d'ame quand on trouve encore des bons à seconder dans le bien; mais quand on n'a plus même aucun fruit de ce côté, ce qu'on peut faire pour les méchants demeure entièrement inutile; et de là vient que des hommes parfaits, voyant ainsi la stérilité de leurs efforts, se retirent sur un lieu élevé pour y travailler au moins avec fruit pour eux-mêmes (1). » Quelquefois les obstacles viennent d'un tiers; c'est ce qui a lieu quand les fonctions épiscopales exercées par un tel individu sont une cause de scandale; et à cela se rapporte cette parole de saint Paul, I Corinth., VIII, 13: « Si ce que je mange scandalise mon frère, je m'abstiendrai à jamais de manger de la chair. » Il ne faudroit pas cependant que le scandale provint de la malice de ceux qui veulent opprimer la foi ou la justice. On ne doit certes pas abandonner la charge pastorale pour un tel scandale; c'est le cas d'appliquer cette parole du Sauveur, Matth., XV, 14: «Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent d'autres aveugles; » ce qu'on doit entendre de ceux qui se scandalisent de la vérité de sa doctrine. Toutefois, de même qu'on ne prend la charge pastorale que sur la promotion d'un prélat supérieur, de même ne doit-on l'abandonner qu'avec son autorisation et pour les causes que nous venons d'assigner. Nous lisons dans le Droit,

(1) La théologie tou he ici de toutes parts au droit canon. Une étude sérieuse des lois ecclésiastiques touchant l'élection, la démission ou la déposition des évêques peut seule donner une idée nette et raisonnée des diverses hypothèses à peine indiquées par notre saint docteur et des principes qu'il pose seulement d'une manière succincte et générale Il est une autre connoissance indispensable pour bien comprendre le travail résumé du grand théologien; c'est la connoissance de l'histoire ecclésiastique. La pratique constante de l'Eglise nous montre, dans tous les temps, l'esprit qui l'a guidée. Les décisions des papes, celles des conciles généraux ou particuliers, les exemples donnés par les plus éminents personnages, par ceux-là surtout qui ont été placés sur les autels, font autorité en pareille matière. La législation est inscrite dans les faits, et la science théologique nous en offre ensuite la synthèse et la théorie.

vel infirmus; vel etiam scientiæ quæ sufficiat | cujus scandalum suscitatur; nam, ut Apostoad curam regiminis; vel etiam irregularitatis, lus dicit I. ad Cor., VIII, « si esca scandaliputà si sit bigamus; quandoque autem propter defectum subditorum, in quibus non potest proficere; unde Gregorius dicit in lib. II, Dialog. (cap. 3): « Ibi æquanimiter portandi sunt mali ubi inveniuntur aliqui qui adjuventur boni; ubi autem omnino fructus de bonis deest, fit aliquando de malis labor supervacuus. Unde sæpè agitur in animo perfectorum, quòd cum laborem suum sine fructu esse considerant, in locum altum ad laborem cum fructu migrant. » Quandoque autem contingit ex parte aliorum, putà cùm de prælatione ali

zat fratrem meum, non manducabo carnes in æternum. » Dum tamen scandalum non oriatur ex maltia aliquorum volentium fidem aut justitiam Ecclesiæ conculcare. Propter hujus nodi enim scandalum non est cura pastoralis dimittenda, secundum illud Matth., XV : « Sinite illos (scilicet qui scandalizabantur de veritate doctrinæ Christi), cæci sunt et duces cæcorum. » Oportet tameu quòd, sicut curam regiminis assumit aliquis per providentiam superioris prælati, ita etiam per ejus auctoritatem ex causis prædictis deserat susceptam. Unde Extra

Extra de renunt., cap. Nisi cum, ces paroles que le pape Innocent III adressoit à un évêque : « Bien que vous ayez des ailes pour songer à vous envoler dans la solitude, ces ailes sont néanmoins tellement liées par les nœuds de nos saintes règles, que vous ne pouvez pas prendre librement votre vol, à moins que nous ne vous ayons rendu votre liberté. » Le pape seul, en effet, a le droit de dispenser du vœu perpétuel par lequel on s'astreint au soin de son troupeau quand on accepte l'épiscopat.

Je réponds aux arguments: 1° La perfection des religieux et celle des évêques se présentent sous des aspects bien différents : la perfection religieuse implique surtout le zèle qu'on doit avoir pour sa propre sanctification; et la perfection épiscopale a principalement pour objet le zèle à déployer pour le salut du prochain. Tant qu'on peut donc être utile à cette dernière œuvre, ce seroit retourner en arrière que de vouloir se réfugier dans l'état religieux pour s'y occuper uniquement de son propre salut, alors qu'on s'étoit obligé à procurer celui du prochain, sans se négliger précisément soi-même. C'est ce qui fait dire à Innocent III, dans la décrétale citée plus haut: « On accorde plus facilement à un moine de s'élever à la prélature, qu'à un prélat de se faire moine. » Mais quand on ne peut plus procurer le salut des autres, il convient assurément de s'occuper de son propre salut.

2o Il n'est aucun obstacle qui doive empêcher un homme d'avoir soin de son salut, ce qui forme, comme nous l'avons dit, l'essence de l'état religieux; mais il peut y avoir des obstacles qui nous empêchent de travailler au salut des autres. Voilà pourquoi un moine peut être élevé à l'épiscopat, puisque là encore il pourra et devra s'occuper de son salut; et de même un évêque peut passer à l'état religieux quand un obstacle l'empêche de travailler efficacement au salut dprochain, et quand l'obs

quod non solum suam salutem, sed etiam aliorum procuraret. Unde Innocentius III dicit in Decretali prædicta, quòd « facilius indulgetur, ut monachus ad præsulatum ascendat, quam præsul ad monachatum descendat. » Sed si salutem aliorum procurare non possit, conveniens est ut suæ saluti intendat.

De renuntiatione ( cap. Nisi cum pridem) | suæ saluti insisteret, qui se obligavit ad hoc ad episcopum quemdam dicit Innocentius III: « Et si pennas habeas, quibus satagas in solitudinem avolare, ita tamen astrictæ sunt nexibus præceptorum, ut liberum non habeas absque nostra permissione, volatum. » Soli enim Papæ licet dispensare in voto perpetuo, quo quis se ad curam subditorum astrinxit, episcopatum suscipiens.

Ad primum ergo dicendum, quòd perfectio religiosorum et episcoporum secundum diversa attenditur : nam ad perfectionem religionis pertinet studium quod quis adhibet ad propriam salutem; ad perfectionem autem episcopalis status pertinet adhibere studium ad proximorum salutem. Et ideo quandiu potest esse aliquis utilis proximorum saluti, retrocederet si ad statum religionis vellet transire, ut solum

Ad secundum dicendum, quòd propter nullum impedimentum debet homo prætermittere studium suæ salutis, quod pertinet ad religionis statum; potest autem esse aliquod impedimentum procurandæ salutis alienæ. Et ideo monachus potest ad statum episcopatus assumi, in quo etiam suæ salutis curar agere potest. Potest etiam episcopus, si impedimentum alienæ salutis procuranda interveniat, ad religionem transire, et, impedimento cessante, potest ite

« PrécédentContinuer »