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jusqu'au culte de l'être corporel et visible, par oubli du premier. Au contraire, ici l'homme adore son Dieu où il voit s'exercer son action puissante, et il place dans la cause visible l'origine suprême et primitive de tous les effets qu'il lui voit produire. Ce ne fut que longtemps après qu'il imagina le besoin d'une cause supérieure, et il la chercha partout où il ne voyait rien, et où il ne pouvait rien voir. Car s'il l'eût vue, elle eût cessé d'être cette cause, et elle eût rentré dans l'ordre du monde visible. Cette marche que je suppose à l'esprit, est entièrement conforme au grand axiome, que toutes nos idées nous viennent des sens; mais elle est l'inverse de celle que l'on fait communément tenir aux hommes, dans l'opinion des Juifs et des Chrétiens. Il résulte seulement de là, qu'ils ont tort, et qu'ils ne sont en contradiction avec moi, que parce qu'ils le sont avec le bon sens et avec la nature elle-même. Les conséquences, qui peuvent suivre de nos principes, n'entrent pas dans 'notre plan. Le principe seul doit être bien établi; le reste suit nécessairement, et le plus ou moins d'opinions et d'idées renversées ne peuvent entrer en calcul aux yeux de la raison. Eh! aurais-je jamais écrit, si j'eusse, à chaque pas, regardé les conséquences? Posons les principes; le lecteur tirera les conséquences. C'est à elles à changer et à détruire les fausses opinions, et non pas à celles-ci à les arrêter dans leur marche. Il est dur, je le sais, de revenir sur ses pas; mais il est encore plus humiliant de n'oser jamais abjurer de longues erreurs. Nous sommes tous nés pour sentir l'impression de la vérité; et l'éducation, qui nous dégrade, nous livre tous à l'imposture, Osons penser par nous-mêmes, et nous serons les vrais enfans de la Nature,

J'ai d'abord fixé l'idée qu'on a dû attacher à ce mot

Dieu, et qu'il doit réveiller en nous; persuadé que je suis, que les définitions précises sont nécessaires quand on veut s'entendre, surtout quand il s'agit d'idées abstraites, telles que celle de cause. La nature entière et seule s'est présentée tout-à- conp pour remplir cette grande idée de cause universelle ou de Dieu. Les hommes fameux par leur puissance, et respectés pour leurs bienfaits envers l'humanité, ont aussitôt disparu devant ce nom auguste, et les effets n'ont pu usurper les titres sacrés de la cause; à plus forte raison, les animaux et les simulacres ont-ils dû être retranchés du nombre des Dieux. Tout ce qui ne porte pas le caractère d'être improduit et indestructible, et d'agent éternel, souverain, n'ayant jamais pu être pris par aucune nation, par aucun homme pour Divinité, dans le sens que j'ai cru devoir donner à ce mot, et qui est le seul qu'il puisse avoir, il n'est donc resté que l'Univers lui-même, qui pût soutenir l'immense idée que le nom de Dieu doit présenter. L'Univers-Dieu ou cause et regardé comme tel, voilà mon premier chapitre. Cette conclusion, qui a résulté nécessairement de la définition posée en principe dans ce chapitre, a reçu une entière confirmation dans les chapitres suivans du -même livre. J'y ai prouvé, par les témoignages historiques de tous les peuples du monde, par l'inspection de leurs monumens religieux et politiques, par les divisions et distributions de l'ordre sacré et de l'ordre social; enfin, par l'autorité des anciens philosophes, que c'est à l'Univers et à ses parties, que primitivement et le plus généralement les hommes ont attribué l'idée de la Divinité. Ainsi ce qui a dû être se trouve avoir été effectivement. Cette vérité, qui a déjà été aperçue par d'autres, m'a conduit à une seconde, qui paraît leur avoir échappé, quoiqu'elle fût cependant une consé

quence nécessaire de la première; c'est que le premier moyen d'explication, et celui que plus généralement on puisse employer, doit être de rapporter au jeu des causes naturelles les anciennes fictions sur la Divinité. Les Dieux étant la Nature elle-même, l'histoire des Dieux est donc celle de la Nature; et comme elle n'a point d'autres aventures que ses phénomènes, les aventures des Dieux seront donc les phénomènes de la Nature mis en allégories. Cette conclusion, qui me paraît incontestable, m'a conduit naturellement aux principes du système véritable d'explications, qui, malgré ses difficultés, est néanmoins le seul qu'il soit permis d'’admettre, d'après la nature même de l'ancienne religion du monde, et qui est encore la moderne; car, presque rien n'a changé. Cette assertion étonnera encore, mais j'en démontrerai la vérité par la suite. A cette première partie de mon ouvrage, où j'ai tâché d'établir la nécessité d'un système d'explications, qui s'appuyât sur la physique et sur l'astronomie, succède une seconde partie, qui contient les principes du système, et trace la marche qu'il faut suivre.

C'est dans la Nature elle-même que j'ai puisé les idées fondamentales de ma nouvelle méthode. J'ai mis l'homme en présence avec elle, dans le premier chapitre de cette seconde partie, et j'ai fait passer sous ses yeux les différens tableaux qu'offre l'Univers dans ses divisions les plus marquées, et dans le jeu de ses principaux agens. Le premier spectacle que je lui ai présenté, est celui de la lumière et des ténèbres, qui sont dans un éternel contraste; celui de la succession des jours et des nuits, l'ordre périodique des saisons et la marche de l'astre brillant qui en règle le cours; celle de la lune, sa sœur et sa rivale, qui prend en main le - sceptre de l'Olympe, lorsque celui-ci l'a abandonné,

pour porter la lumière et la vie dans l'hémisphère inférieur, que couvrait la nuit, tandis que le soleil nous dispensait le jour. La nuit et les feux innombrables qu'elle allume sur l'azur des cieux; la révolution des astres, plus ou moins longue sur notre horizon, et la constance de cette durée dans les étoiles fixes; sa variété dans les étoiles errantes, ou les planètes; leur marche directe ou rétrograde, leurs stations momentanées, les phases de la lune croissante, pleine, décroissante, et dépouillée de toute lumière; le mouvement progressif du soleil de bas en haut, et de haut en bas, d'où résulte la variation de la chaleur, de la durée des jours, et des différentes températures de l'air; l'ordre successif des levers et des couchers des étoiles fixes, qui marquent les différens points de la course du soleil, tandis que les faces variées que prend la terre, marquent ici-bas les mêmes époques du mouvement annuel du soleil; la correspondance de celle-ci dans ses formes avec les formes célestes, auxquels s'unit le Soleil; les variations que subit cette même correspondance, durant une longue suite de siècles; la dépendance passive, dans laquelle la partie sublunaire du monde se trouve vis-à-vis la partie supérieure à la lune; enfin, la force éternelle, qui agite toute la nature d'un mouvemement intérieur, semblable à celui qui caractérise la vie. Tous ces différens tableaux, exposés aux regards de l'homme, ont formé le grand et le magnifique spectacle dont je l'environne au moment où je suppose qu'il va se créer des dieux, ou donner ce nom aux causes éternelles des effets merveilleux, qui, sans cesse, se reproduisent sous ses yeux. Je dis que la Nature elle-même les lui avait indiqués, en lui parlant ce langage si pittoresque, et en lui montrant ces tableaux enchanteurs. Je prouve ensuite qu'il l'a entendue, et qu'il ne s'est point mépris sur la toute-puissance et sur

la variété de ces causes partielles, qui composent la cause universelle. Pour le prouver, j'ai ouvert des livres où l'homme a, dès la plus haute antiquité, consigné ses réflexions sur la Nature, et j'ai fait voir qu'aucun de ces tableaux n'a été oublié. Donc c'est là ce qu'il a chanté; c'est là ce qu'il a adoré; et c'est là le sens que nous devons donner aux savantes allégories qu'il a jetées, comme un voile sacré, sur tous ces tableaux. J'ai fait voir qu'il a été frappé de l'action du ciel sur la terre, des rapports qui les unissaient l'un à l'autre, et qu'il a établi dans la cause universelle la distinction de la cause passive et de la cause active; ce qui a placé le ciel et la terre, Uranus et Ghê à la tête de toutes les cosmogonies; c'est le sujet de mon second chapitre. Je donne la subdivision de ces deux grandes causes dans leurs parties principales, d'où naît la généalogie des dieux, enfans des deux premières causes, ou du ciel et de la terre. C'est la matière du troisième et du quatrième chapitre, dans lesquels j'ai recomposé toute la science ancienne, et sur-tout l'astronomie sacrée. Je donne aussi l'exposé des principes, d'après lesquels la partie active est censée modifier et subjuguer l'autre. De la division des causes, je passe à celle des principes, qui se partagent en principe de lumière et de bien; et en principe de ténèbres et de mal; ce qui comprend le système fameux des deux principes, Dieu et le diable, qui font la base de toutes les religions. C'est le sujet de mon cinquième chapitre. L'univers étant ainsi organisé et subdivisé dans ses parties principales, je lui donne une âme, qui produit tous ses mouvemens, et qui répand l'activité et la vie dans tous les corps où elle se manifeste. Cette âme immense, étant souverainement intelligente, devient la source d'une foule innombrable d'intelligences dans toutes les parties actives de la na

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