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HARVARD COLLEGE LIBRARY
FROM THE LIBRARY OF

FERNANDO PALHA
DECEMBER 3, 1928

N

HISTOIRE

DE MON TEMPS

LIVRE SEIZIÈME

1. Mort de Mme Adélaïde. Mort de M. Bresson. Soumission et internement d'Abd-el-Kader. Débats de l'adresse dans les deux Chambres. II. Affaires d'Italie. Premières réformes de Pie IX. Leur contre-coup en Toscane, en Piémont, dans les duchés de Lucques et de Modène. Soulèvement à Palerme. Bombardement. Résistance de l'insurrection. Concessions de Ferdinand II à la Sicile. Elles sont repoussées. Attitude menaçante de Naples. Le roi change son ministère et accorde une Constitution. Son exemple est suivi par les souverains du nord de l'Italie. Premières hésitations de Pie IX. - III. Suite des débats de l'adresse. MM. Thiers, de Rémusat, Duvergier de Hauranne. Banquet du Xlle arrondissement. Réunion préliminaire des députés de l'opposition. Discours de M. de Lamartine. Résolution adoptée d'assister au banquet. Manifeste des journaux républicains. Le banquet est interdit par le gouvernement. Agitation dans Paris. -IV. Journées des 22 et 23 Février. Incidents divers. Le roi fait appeler le comte Molé. Aspect de Paris. Décharge meurtrière sur le boulevard des Capucines. Le tombereau et les cadavres. Le tocsin. M. Thiers aux Tuileries. Le maréchal Bugeaud est chargé du commandement. Ministère Thiers-Barrot. Révocation des pouvoirs du duc d'Isly. Scène aux Tuileries. Le roi se montre à cheval dans le Carrousel. Démoralisation générale. Abdication de Louis-Philippe. Son départ. V. La duchesse d'Orléans à la Chambre des députés. Séance du 24 février. Invasion du peuple dans la salle. Discours en sens divers. Les deux gouvernements provisoires à l'Hôtel-de-Ville. — VI. La duchesse d'Orléans aux Invalides. Sa fuite. Incidents du départ de M. le duc de Nemours. Le prince Louis-Napoléon sur le sol

français. Ses premières lettres au gouvernement provisoire. Il se retire momentanément à Londres. Fuite de Louis-Philippe. Épreuves nombreuses. Il parvient à s'embarquer pour l'Angleterre. Réunion à Claremont de tous les membres de la famille royale.

I

L'année 1848 commença sous de funèbres auspices pour la famille d'Orléans: Mme Adélaïde1, sœur du roi, succomba le 1er janvier aux atteintes d'une maladie de courte durée, dont l'issue ne semblait pas d'abord devoir être si funeste, et cette perte fut amèrement ressentie par Louis-Philippe. Mme Adélaïde était en effet plus qu'une sœur pour le roi de 1830; c'était un ami, c'était un conseil.

Elle s'était efforcée de calmer l'irritation de son frère contre les membres de l'opposition parlementaire qui avaient organisé la campagne des banquets. Elle avait blàmé, mais sans pouvoir toutefois la faire supprimer, la phrase suivante du discours que Louis-Philippe prononça le 28 décembre 1847 à l'ouverture des Chambres : « Au milieu de l'agitation que fomentent les passions ennemies ou aveugles, une conviction m'anime et me soutient, c'est que nous possédons dans la monarchie constitutionnelle, dans l'union des grands pouvoirs de l'État, les moyens les plus

1. Née le 23 août 1777.

assurés de surmonter tous les obstacles et de satisfaire à tous les intérêts moraux et matériels de notre chère patrie. Maintenons fermement, selon la Charte, l'ordre social et toutes ses conditions; garantissons fidèlement, selon la Charte, les libertés publiques et leurs développements. Nous transmettrons intact aux générations qui viendront après nous le dépôt qui nous est confié; elles nous béniront d'avoir fondé et défendu l'édifice à l'abri duquel elles vivront heureuses et libres. >>

Assurément Louis-Philippe ne calomniait personne en parlant des passions ennemies ou aveugles qui fomentaient dans le pays une agitation dangereuse; c'était l'expression la plus juste, la plus exactement vraie que pût employer le chef de l'État pour caractériser l'attitude de cette opposition de toutes nuances qui semblait n'être d'accord que sur un point, le renversement à tout prix d'une administration qu'elle détestait. Cependant les organisateurs de banquets crièrent bien haut à l'injure, et se servirent de ce prétexte pour redoubler d'intrigues et de colères. Mme Adélaïde avait donc eu raison de prêcher la modération, cette grande vertu politique, et de réclamer avec instance la suppression de la phrase célèbre.

Le roi fut très-frappé de la mort de sa sœur non-seulement parce qu'il fit un retour sur luimême, mais parce qu'il aperçut un vide auprès du

trône. La nouvelle d'une autre mort moins illustre, mais également regrettable, était venue récemment le surprendre M. Bresson, l'agent dévoué et habile du mariage de M. le duc d'Orléans, le négociateur heureux de l'union de M. le duc de Montpensier avec l'Infante, avait été nommé ambassadeur à Naples. Son humeur s'était altérée, sa pensée s'était assombrie sous l'impression de quelque mécontentement secret. Peut-être ne sétait-il pas cru suffisamment récompensé des services notables qu'il venait de rendre à la monarchie de 1830, peut-être aussi, comme on l'a dit alors, était-il ulcéré contre Louis-Philippe, qui lui avait fait connaître assez durement combien il désapprouvait certaines paroles peu favorables à la politique autrichienne, suivie en ce moment par M. Guizot, paroles qu'il avait laissé échapper à son passage à Florence. Toujours est-il que, cédant à la déplorable idée du suicide, imitant le funeste exemple de lord Castlereagh, M. Bresson, homme d'avenir, diplomate plein de ressources, avait soudainement mis fin à ses jours.

Cette mort de M. Bresson, regrettable en tout temps, empruntait une gravité particulière aux circonstances au milieu desquelles elle se produisait; les événements dont l'Italie était alors le théâtre, et que nous allons mentionner tout à l'heure, exigeaient en effet la sûreté du d'œil,

coup

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