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nation agit pour le bien de la nation, tout autant que le permettent les règles de la morale et les lois du pays, et sans qu'aucun avantage pour lui personnellement, ou pour aucun de ceux avec qui il a des relations, puisse le détourner de ce devoir. C'est cette qualité qui fait qu'il se tient principalement en garde contre ceux qui disposent des plus grands moyens de séduction, qui distribuent l'argent et le P uvoir.

Qu'entendez-vous par l'intelligence requise dans un représentant?

¿∙J'entends la faculté de juger sainement les propositions soumises à sa décision, et de peser équi tablement les motifs qui militent pour elles ou contr'elles, en réduisant à leur valeur les sophismes par lesquels l'intérêt personnel cherche à obscurcir les questions.

Qu'entendez-vous par le talent?

; ou

C'est la capacité de se tirer bien des diverses opérations auxquelles est appelée une assemblée, politique ; telle que de mettre en avant ou de soutenir une mesure favorable à la nation par de bonnes raisons, d'en écarter une qui lui serait contraire; telles encore que de faire un rapport, recueillir des faits ou des témoignages, et présenter un exposé naïf et simple qui permette à la chambre de prendre un parti eclairé, etc.

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Voilà un exemple des questions et des réponses. Viennent ensuite les moyens de parvenir aux fins qu'on a dû se proposer. Nous ne pouvons que donner quelques exemples de ceux qui sont indiqués par l'auteur, d'après la nature de l'homme et des choses.

Par exemple, quand il s'agit de choisir des représentans qui se tiennent en garde coutre les séductions du pouvoir et de l'argent, le catéchisme montre qu'il faut écarter ce qu'il appelle les hommes à places, les hommes qui occupent ou recherchent des emplois, ou des titres. On peut supposer que, sauf les exceptions d'après lesquelles il serait insensé de se régler, des hommes dans cette situation sacrifieront les intérêts du public, qui ne donnent qu'un emploi temporaire et sans émolumens, aux intérêts du pouvoir, qui donne une place lucrative ou honorifique, qui peut ôter cette place, ou bien en donner une plus élevée, suivant qu'on lui est moins ou plus agréable.

Des élections annuellement renouvelées ouvriraient plus de chances à la probité politique. Chaque membre remplira probablement mieux sa mission si chaque année il est exposé à n'être pas renouvelé au cas qu'il trahisse les in térêts de ses commettans. Une courte élection

réduit à si peu l'espace de temps où un membre peut donner son vote en faveur des ministres que son appui ne vaut pas d'être acheté par eux. Les achats de votes seraient trop dispendieux s'il fallait les renouveler tous les ans. Des fonctions de représentans, qui ne dureraient qu'un an, ne laisseraient pas assez de ressources aux intrigans pour qu'ils les postulassent vivement; il y aurait donc plus de chances pour qu'elles tombassent dans des mains honnêtes.

Des élections annuelles seraient favorables à la capacité, parce que les représentans, plus exposés à perdre la confiance des électeurs, feraient plus d'efforts pour la mériter.

La publication prompte et fidèle des discours et travaux des membres, est une garantie que les membres se conduiront bien. C'est par-là qu'ils peuvent recevoir la plus noble des récompenses, l'approbation publique (1). C'est aussi par-là que s'éclaire l'opinion nationale qui réagit sur les représentans.

(1) En France, c'est la publication faite par l'inexorable Moniteur, des discours de Messieurs tels en faveur, tantôt d'un régime, tantôt d'un autre, mais jamais de la nation, qui les a couvert de plusieurs couches d'un mé pris ineffaçable.

Ce serait en vain qu'un membre du parlement aurait de la probité et de la capacité, s'il n'est pas assidu aux séances, s'il ravit à ses commettans le service qu'ils retireraient de ces qualités. Bentham propose divers moyens de s'assurer de l'assiduité aux séances, comme de publier chaque année à la suite du nom de chaque membre, le nombre de séances auxquelles il a assisté; comme de faire déposer à chaque membre une somme qui serait répartie à chaque séance entre les seuls membres présens. Ces moyens et d'autres peuvent être discutés; mais ce qui est incontestable, ce sont les inconvéniens qu'il développe et qui sont la suite de la non assiduité aux séances.

La même méthode est suivie dans la recherche des moyens de diminuer les inconvéniens relatifs à la manière d'élire, au recensement des votes, aux jugemens portés sur la validité des élections, etc. Ce n'est jamais le point de droit que l'auteur cherche ; c'est l'utilité réelle et les moyens indiqués par la nature des choses pour parvenir au but proposé. C'est ce qui constitue la métode moderne, non celle du dix-huitième siècle (J. J. Rousseau cherchait toujours le point de droit), mais celle du dix-neuvième siècle, la seule qui puisse conduire à des résultats pratiques.

Après avoir déploré la situation des esprits en Angleterre, la corruption des gens en place et de ceux qui veulent y parvenir, l'ignorance de la nation sur ses vrais intérêts et au milieu des intérêts étrangers, Bentham se demande comment on pourrait se flatter de voir s'introduire un système plus favorable au bien public; comment pourrait se changer la marche d'une nation qui suit une route dont le terme est un abîme.... Peut-on croire que les whigs, les membres de l'opposition, se rallieront au bien public, et voudront sincèrement une réforme qui les priverait de l'espérance d'exploiter le public à leur tour? Bentham n'ose s'en flatter, quoique l'opposition compte parmi ses membres des hommes éminens en vertus comme en talens, et vraiment citoyens; mais ce sont des exceptions; et le gros du parti est guidé, non par des vues élevées, mais par des passions, ou ce qu'on croit être l'intérêt du parti.

Comme le système suivi de tourner les sacrifices de la nation au profit des privilégiés est de nature à s'étendre et à croître sans cesse, parce qu'on est toujours obligé de soutenir un abus par un autre, il se peut que la part de souffrance de chaque individu venant à surpasser la chance qu'il espère en retirer en parvenant à prendre sa part des abus, il se décide à se débarrasser de

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