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délit; la loi n'a pas distingué; et il ne nous est pas permis de faire de distinction, prouvons qu'elle n'a pas dû distinguer.

» Les réfutations produisent peu d'effet ce genre monotone rebute facilement l'attention du lecteur. Il arrive qu'on lit l'ouvrage et non la réfutation (1) ».

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Au reproche d'être incomplète, adressé à la réfutation, M. l'avocat du Roi ajoute celui d'être faite dans un sens républicain; il assure que les prévenus veulent des institutions républicaines, et qu'ils reprochent à Bonaparte d'avoir détruit celles qui existaient quand il s'empara du gouvernement.

« L'auteur du manuscrit, ajoute-t-il, avait yonlu ériger le drapeau revêtu des signes du gouvernement impérial. Nous ne dirons pas quel est le drapeau que MM. Comte et Dunoyer ont voulu ériger à sa place; nous laisserons le tribunal décider cette question; mais nous ajouterons que ce n'est pas l'étendard des lis. »

M. l'avocat du Roi, après avoir invoqué l'in

(1) Il résulte de ce système qu'il n'est pas permis, dans un ouvrage de raisonnement, de prévoir les objections; ear les objections ne sont que des' opinions qu'on croit. fausses et qu'on veut réfuter.

dulgence des juges, finit par conclure contre les auteurs à l'application des peines portées par la loi du 9 novembre 1815, s'en rapportant, pour 9 la quotité, à la prudence du tribunal; et contre l'imprimeur à une amende de 1000 francs, attendu qu'il leur a délivré des exemplaires avant que d'avoir reçu le récépissé du dépôt fait au ministère de la police (1).

Le tribunal renvoie la continuation de la cause à l'audience du 5 août suivant.

A cette audience, M. Mérilhou, avocat des prévenus, a examiné d'abord les exceptions dont le but était d'écarter l'action du ministère public. Il a ensuite examiné l'accusation, en se renfermant, comme il en avait été prié par le ministère public, dans les passages critiqués à l'audience.

Parlerons-nous ici des exceptions? Mais ce mot seul effraie déjà le lecteur; c'est un mot barbare qui n'est fait que pour les gens de chicane, et qui n'est d'aucun usage parmi les gens de bonne compagnie on veut être touché, : à quelque prix que ce soit ; et y a-t-il rien au monde de moins touchant que des exceptions?

(1) Les conclusións de M. Vatimesnil se trouvent presqu'en entier dans le Moniteur du 31 juillet. ́.

Ne vaudrait-il pas mieux une servitude bien sentimentale et bien amusante, qu'une liberté farouche qu'il faudrait acheter par de l'ennui? Cela vaudrait mieux, en effet, pour les person→ nes qui voudraient trouver des héros de roman jusques dans les salles du palais, ou devant les cours prévôtales. Mais, comme nous n'avons nulle envie de jouer un tel rôle, nous en venons droit à notre affaire et aux dispositions de nos lois.

Tant que la censure arbitraire des écrits a été exercée avant l'impression, il a existé une administration connue sous le nom de direction de la librairie. Aussitôt que la censure a été supprimée, la police, naturellement disposée aux envahissemens, s'est emparée de ses attributions, et les imprimeurs ou les écrivains ont été tenus de remplir à son égard, les obligations qu'ils devaient remplir à l'égard de la direction de la librairie.

Ces obligations consistent, 1o en ce que nul écrit ne peut être imprimé avant que la décla-ration en ait été faite au ministère de la police, et avant que le reçu de la déclaration ait été délivré; 2o. en ce que nul écrit imprimé ne peut être livré au public, avant que cinq exemplaires en aient été déposés à la police, et avant qu'elle ait délivré le récépissé du dépôt.

Comme une des attributions principales de la police est de prévenir les crimes et les délits, et qu'il est possible de commettre des délits où des crimes au moyen de ses écrits, la police ne délivre le récépissé des exemplaires qu'on a déposés entre ses mains, qu'après qu'elle en a fait faire la vérification par ses agens. Elle est même dans l'usage de distribuer les cinq exemplaires aux ministres qui peuvent également les faire examiner. Ainsi, la censure qui s'exerçait autrefois avant l'impression', s'exerce aujourd'hui avant la publication ; et comme c'est la publication et non l'impression d'un livre, qui peut être dangereuse, la censure actuelle prévient les délits avec beaucoup plus de facilité que l'ancienne, puisqu'il est bien plus facile d'examiner un ouvrage primé qu'un manuscrit:

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Maintenant, il se présenté une question : c'est de savoir si l'imprimeur et l'écrivain qui se conforment en tout à la loi dont l'objet est de prévenir les délits et de les rendre impossibles, et qui ne manifestent aucune intention frauduleuse. peuvent être punis comme s'ils avaient commis le mal qu'ils ont prévenu en livrant des exemplaires de leur ouvrage à la police, avant d'en publier aucun. Il n'y a point de délit sans intentien de le commettre ; et peut-il y avoir intention.

de le commettre, lorsqu'on donne soi-même à la police le moyen de le prévenir?

Si des malfaiteurs se réunissaient pour con→ certer le renversement du gouvernement, ou l'envahissement de la France par l'ennemi, ou l'émission de fausse monnaie, ou la contrefaçon des sceaux de l'état, et qu'avant l'exécution du complot, un d'entre eux en portât les preuves à la police, il serait affranchi de toutes peines telle est la disposition des articles. 103, 138 et 144. du Code pénal. Or, l'écrivain qui se sert d'expressions peu mesurées, en parlant des opérations du ministere; mais qui, avant de les pu→ blier, fait porter des exemplaires de ses écrits à la police, et attend, pour les mettre en circulation, qu'ils aient été examinés, et que le récépissé du dépôt lui en ait été délivré, doit-il être traité avec plus de défaveur qu'un faussaire, un conspirateur, un ennemi public? Critiquer avec peu de respect les opérations d'un ministre, estce un crime plus grave que de former un complot dont l'objet serait l'assassinat de la famille royale et l'invasion de la France? Nous avons soutenu que cela ne pouvait pas être; mais on nous a prouvé que nous avions tort, et que nous entendions mal la liberté de la presse.

Une autre objection a été faite. Si

avons

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