Images de page
PDF
ePub

l'écrivain qui serait jugé n'être pas répréhensible aurait le droit de réclamer son ouvrage.

Il a été reconnu, en fait, que le 6 juin, M. Reverdin, juge d'instruction, avait donné l'ordre de saisir le troisième volume du Censeur Européen ; que la saisie avait été faite le même jour et le lendemain, et que, ni l'ordre, ni les procèsverbaux de saisie n'avaient jamais été notifiés aux parties. De ces faits, nous avons tiré la consé→ quence que le ministère public avait renoncé à poursuivre, et que cette renonciation avait opéré la nullité ou la péremption de l'ordre et des procès-verbaux de saisie, aux termes de la première partie de la loi du 28 février.

Nous avons ajouté que la saisie étant nulle, nous avions acquis le droit de demander la restitution de notre ouvrage, puisque le tribunal ne pouvait plus la maintenir, et que, suivant la dernière disposition de la même loi, toute saisie qui ne peut pas être maintenue, doit être suivie de la restitution de l'ouvrage saisi; que ce droit une fois acquis, n'avait pas pu nous être enlevé,; enfin, que l'obligation établie la loi de nous restituer l'ouvrage, était une présomption légale qu'il ne renfermait rien de répréhensible, et que par conséquent aucune poursuite ne pouvait être dirigée contre les auteurs.

par

*

L'objet de cette exception était de savoir, comme on voit, si la loi du 28 février aurait quelqu'effet en faveur des écrivains dont les ouvrages auraient été saisis. Si le défaut de notification de l'ordre et des procès-verbaux de saisie, et l'omission de prononcer dans les délais fixés par la loi, n'emportent pas l'obligation de rendre l'ouvrage aux auteurs, ou, ce qui est la même chose, si le ministère public qui a fait saisir l'ouvrage, peut opérer arbitrairement l'extinction de cette obligation, et priver ainsi les auteurs du droit qui leur a été acquis, il est évident qu'il n'y a plus de garantie pour eux, et que la loi du 28 février doit être considérée comme non avenue. Qu'importe, en effet, lorsqu'un ouvrage a été saisi, et qu'on n'a laissé à la partie aucun acte qui en constate l'enlèvement, que le ministère public s'abstienne de faire notifier l'ordre et les procès-verbaux de saisie, et de faire prononcer dans la huitaine, à compter du jour de l'opposition, s'il conserve la faculté de renouveler les actes de la procédure autant de fois qu'il lui aura plu de les laisser périmer, et de retenir l'ouvrage que la loi l'obligeait de rendre?

{

Si, lorsque les poursuites sont éteintes par l'abandon qu'en a fait le ministère public, et que les auteurs ont acquis le droit de se faire resti

tuer les ouvrages saisis, il est permis de les recommencer, et.de et.de reprendre les ouvrages saisis au moyen d'un simple acte de procédure, autant vaut-il déclarer qu'elles n'ont jamais été éteintes. Alors la loi du 28 février peut être rendue en

ces termes :

Lorsqu'un écrit aura été saisi,..... l'ordre de saisie et le procès-verbal seront, sous peine de nullité, notifiés à la partie saisie, qui pourra y former opposition.

» En cas d'opposition, le procureur du Roi fera toute diligence pour que, dans la huitaine, à dater du jour de l'opposition, il soit statué sur la saisie.

» Le délai de huitaine expiré, la saisie, si elle n'est maintenue par le tribunal, demeurera, de plein droit, périmée et sans effet, et tous dépositaire de l'ouvrages saisi seront tenus de le remettre au propriétaire.

ככ

Néanmoins, si l'ordre et le procès-verbal de saisie n'ont point été notifiés, ou si le procureur du Roi n'a pas fait maintenir la saisie dans la huitaine, les poursuites pourront être recommencées indéfiniment, et l'ouvrage ne sera rendu au propriétaire que du consentement du ministère public, c'est-à-dire, des ministres qui auront fait faire la saisie.

כל

Lorsque les poursuites seront périmées, et que les auteurs auront acquis le droit de demander la restitution de leurs ouvrages, le procureur du Roi pourra recommencer les poursuites, et éteindre le droit des auteurs, en faisant déclarer aux volumes déposés au greffe qu'on les saisit de nouveau, et en notifiant cette déclaration aux parties. Cette déclaration aux volumes, et cette notification aux parties, pourront être renouvelées à perpétuité. »

[ocr errors]

Si la loi avait été ainsi rédigée, ceries on n'aurait pas accusé le ministre, qui en présenta le projet, de tendre un piége aux chambres législatives, et le ministre lui-même ne se serait pas écrié : « Si la condition humaine et l'infirmité qui en est l'appanage, eussent été présentes à l'esprit du noble duc, cùt-il cru pouvoir juger avec tant de hauteur, avec tant d'assurance, des intentions sur lesquelles il est toujours si aisé de se méprendre? Pourquoi veut-il que nous cherchions à donner le change? Pourquoi supposet-il à la loi discutée un autre but que celui qu'elle présente? Et quand il proteste si hautement de sa bonne foi, pourquoi refuse-t-il de croire à la nôtre?..... La loi proposée a été présentée, au nom du Roi, comme une garantie de plus; elle a été reçue avec reconnaissance

pour

par l'autre chambre, et pas une voix ne s'est élevée la combattre. On peut dire qu'elle a été accueillie par l'opinion publique, qui a vu dans cette cONCESSION ROY ALE, une nouvelle preuve de la ferme volonté du Roi, pour coм

PLÉTER et COORDONNER toutes nos institutions et les lois qui s'y rattachent. Le noble duc en a pensé autrement. Il a vu un PIÉGE dans ce bienfait (1). »

Le second moyen tendant à écarter l'action du ministère public, était donc fondé sur la petite loi du 28 février, sur cette concession royale donnée comme une garantie de plus, pour compléter nos institutions, et reçue avec reconnaissance par l'autre chambre et par l'opinion publique.

Le troisième moyen reposait sur la même loi et sur les règles de la procédure ordinaire.

Dans la poursuite des crimes et des délits, un magistrat, appelé juge d'instruction, est chargé, comme le mot l'indique, d'instruire les affaires qui doivent être portées en police correctionnelle ou devant la cour d'assises. Quand l'ins

(1) Discours du ministre de la police à la chambre des pairs. Procès-verbal de la séance du mardi 25 février 1817, pages 893 et 394.

« PrécédentContinuer »