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truction est complète, il fait son rapport à la chambre du conseil, composée de trois juges au moins, et cette chambre décide, à huis clos et sans entendre de défenseurs, s'il y a lieu de mettre les prévenus en liberté, ou de les envoyer soit devant un tribunal de simple police, soit devant un tribunal de police correctionnelle, soit devant une cour d'assises. Ce sont là toutes ses attributions.

Lorsque la loi du 28 février fut présentée, un membre de la chambre des pairs manifesta la crainte que le ministère voulût faire prononcer le maintien des saisies des écrits par cette chambre: il dit que si les juges pouvaient maintenir les saisies à huis clos, et sans entendre ni les auteurs ni leurs défenseurs, il n'y aurait pas une saisie qui ne fût maintenue, et que le ministère public s'entendrait pour cela avec les juges.

« Par une fiction de droit, toute nouvelle 'disait-il, c'est le livre saisi qui devient l'objet de la poursuite, c'est contre ce prévenu d'un nouveau genre qu'on instrumente et qu'on procède, c'est sur sa mise en liberté qu'il doit être statué dans la huitaine. La loi ne dit pas ce qui arriverait si le tribunal ordonnait son élargissement. Il est probable que le procureur du Roi interjeterait appel de cette décision; et, comme la

cour royale n'est assujétie dans ses jugemens à aucun délai, la saisie tiendrait état, et se prolongerait indéfiniment. Ce résultat, contraire au but manifeste de la loi, ne donnerait pas une haute idée de la prévoyance de ses rédacteurs, s'il était possible de leur supposer une autre intention que celle de détourner l'attention et de faire prendre le change. On conçoit aisément ce qui les a déterminés à substituer ainsi un livre à un homme. Celui-ci parle, et peut quelquefois embarrasser ; l'autre se laisse condamner sans mot dire. Qui d'ailleurs prend intérêt à un livre, quelle opinion publique réclame en sa faveur ? Aussi ne peut-on douter que la confirmation IN GLOBO de toutes les saisies ne devienne bientôt une affaire de forme. Aucun juge n'aura ni la volonté, ni le courage de désobliger M. le procureur du Roi (1). »

Ces craintes paraissaient peu fondées; car, puisque la loi ne mettait pas dans les attributions de la chambre du conseil de prononcer sur le maintien des saisies, il était naturel de penser que les tribunaux ordinaires pourraient seuls les maintenir, et qu'il ne les maintiendraient qu'en audience publique, et après avoir entendu les

(1) Procès-verbal précité, pag. 885 et 886.

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auteurs ou leurs défenseurs. C'est, en effet, ce que fit observer à la chambre des pairs le ministre qui présentait le projet de loi.

«Il s'agit ici, disait-il, d'un jugement qui peut être préparatoire sans doute, mais qui n'en devra pas moins être rendu à la pluralité des voix. Il n'est pas plus exact de dire que ce jugement sera rendu à huis clos et sans entendre de défenseurs l'audience des tribunaux correctionnels, comme celle des cours d'assises, n'est-elle pas publique ? Jamais la parole y a-t-elle été refusée à un accusé, et n'est-ce pas pour que l'auteur ou l'imprimeur puissent se défendre, que la saisie leur soit notifiée dans les trois jours (ce délai a été réduit à vingt-quatre heures), et que dans ce délai, ils puissent y former opposition? Les craintes manifestées à cet égard n'ont donc pas de fondement. »

Voici comment les choses se sont passées sur le maintien de la saisie du troisième volume du Censeur Européen. Le juge d'instruction à fait son rapport à la chambre du conseil ; le ministère public a donné ses conclusions pour faire maintenir la saisie; et la chambre, sur ces conclusions et sur ce rapport non communiqués aux parties, a maintenu la saisie, à huis clos et sans entendre de défenseurs. Cette chambre a

donc excédé ses pouvoirs; son ordonnance devait donc être annullée.

Mais que pouvait-il résulter de l'annullation de cette ordonnance? Il devait en résulter que, le délai de huitaine fixé pour maintenir la saisie étant expiré sans que la saisie eût été maintenue, l'ouvrage saisi devait être rendu aux propriétaires, et qu'aucune poursuite ne pouvait plus dès-lors être dirigée contre eux.

Enfin, le dernier moyen destiné à écarter l'action du ministère public, était pris de ce que les faits pour lesquels la chambre du conseil avait ordonné la mise en jugement, n'étaient pas qualifiés délits par la loi; que le ministère public n'ayant pas interjeté appel de son ordonnance, comme il le pouvait aux termes de la loi, y avait par cela même acquiescé, et ne pouvait plus changer les faits, ou y ajouter des circonstances qui les rendraient criminels.

que

Ces moyens étant exposés, M. Mérilhou a passé à l'examen du fond. Il a développé les principes sur la liberté de la presse ; il a établi les auteurs du Censeur Européen n'en avaient fait qu'un légitime usage, et il les a ainsi disculpés des faits qui leur étaient imputés (1).

(1) Le discours de M. Mérilhou a été recueilli et publié.

M. Vatimesnil a répondu aux moyens préjudiciels et aux moyens tirés du fond. Il a d'abord manifesté quelque étonnement que les prévenus se permissent de faire usage de moyens qui tendaient à écarter l'action de la partie publique. Il a dit qu'il s'était fait une idée de la manière dont il convenait aux prévenus de se défendre ; que les auteurs du Censeur Européen auraient dû régler leur conduite d'après cette idée; que l'exemple leur en avait été donné par un imprimeur qui s'était soumis à une condamnation parce que son avocat, vir probus dicendi peritus, Ma. Gicquel, lui avait fait sentir les inconvéniens attachés à la défense de ces sortes d'affaires.

Passant à l'examen des moyens préjudiciels, il les a successivement analysés, à l'exception du troisième sur lequel il a gardé le silence, sans doute pour ne pas contredire formellement le discours du ministre de la police à la chambre des pairs.

Sur le moyen tiré de ce qu'on ne devait encourir aucune peine, lorsqu'on se soumettait religieusement à la loi destinée à prévenir les délits, et qu'on manifestait ainsi l'intention de s'abstenir de tout acte nuisible, M. l'avocat du Roi a observé que cette doctrine tendait à produire les plus grands désordres. « Ce serait, a

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