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et à l'éditeur d'un ouvrage. Il suffit qu'ils aient connu la nature de l'ouvrage et les intentions de l'auteur, pour qu'ils soient punis comme l'auteur lui-même.»

La cause ainsi discutée, le tribunal en a ren voyé la continuation à huitaine pour entendre les prévenus. A cette audience, l'un et l'autre ont été entendus; M. Dunoyer a d'abord pris la parole en ces termes :

MESSIEURS,

» Rien n'est plus propre à hâter parmi nous les progrès de la vraie liberté, que des contes

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tations de la nature de celle qui est soumise

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en ce moment à votre tribunal. C'est peu que d'avoir des droits reconnus et des garanties consacrées dans le recueil de nos lois constitutionnelles; il faut encore nous être approprié par la pratique et ces garanties et ces droits; il nous faut, en quelque sorte, avoir traduit le droit en fait; il faut nous 'être bien assurés que nous pouvons jouir des facultés que la loi nous reconnaît, et avoir appris dans quelle mesure il nous est permis d'en faire usage. Tant que nous n'avons pas encore réclamé devant les tribunaux l'exécution des lois qui garantissent nos droits publics, nous ne savons pas encore si ces droits

existent, et, dans quelle mesure ils existent. Ce n'est que par des débats juridiques que nous pou vons l'apprendre; de tels débats peuvent seuls en constater l'existence et en déterminer l'éten due leur effet naturel est de mettre nos institutions à l'épreuve.

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>>Et remarquez, Messieurs, qu'une telle épreuve ne peut jamais avoir que d'heureux résultats; car de deux choses l'une ou la décision qui intervient est favorable à la liberté, ou elle lui est contraire. Si elle lui est favorable, la décision rendue en faveur d'un seul citoyen devient un gage de sécurité pour tous; il est constaté que les institutions n'offrent pas de vaines garanties, et le peuple, prend confiance en elles. Si, au contraire, elle lui est fatale, le jugement rendu contre un individu est un avertissement au public que les institutions destinées à le protéger présentent quelque vice; il acquiert la preuve légale de ce vice, et il peut en demander la répres sion à la législature. Dans les deux cas, le procès a donné à des discussions sur des matières d'un intérêt général, une publicité qu'elles auraient difficilement obtenue sans cela. Le public a prêté à ces débats une attention qu'il n'aurait peut-être pas accordée aux meilleures dissertations consignées dans des ouvrages, et il s'est ainsi beau

coup mienx instruit de choses qu'il lui importé essentiellement de ne pas ignorer. Enfin, er même temps qu'il a appris à connaitre ses droits, il a appris aussi à les défendre, et à les défendre par des voies légales : trois choses également favorables aux progrès de la vraie liberté. Des contestations de la nature de celle dans laquelle nous sommes engagés devant vous, sont donc, de toute -manière, extrêmement utiles à l'avancement de la liberté publique.

.. » C'est le sentiment de cette vérité, Messieurs, qui nous a soutenus dans le cours de cette procédure. Il a adouci l'amertume des peines inséparables de notre situation. Nous avons presque oublié les rigueurs de la captivité, en songeant au bien qu'il était possible de faire sortir du pro cès que nous intentait le ministère, et notre unique pensée a été de tirer de ce procès le parti le plus favorable à l'établissement des franchises nationales. Dans cette vue, autant que par respect pour nous-mêmes, et pour ne perdre aucune des garanties que les lois nous donnaient, nous avons élevé toutes les questions dont la solution se liait immédiatement à notre défense, et la nécessité de repousser les attaques du ministère, nous a conduits à celle de faire déterminer. par vous l'étendue précise des garanties

qu'offrent à la liberté de la presse les lois du 28 février et du 21 octobre. Votre décision, à cet égard, Messieurs, est destinée à fournir de précieux documens à la législature.

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» Parmi les questions que nous vous avons soumises, un assez grand nombre tendent à écarter les poursuites qui sont dirigées contre nous. Celles-ci sont déjà éclaircies ou acheveront de l'être. Je ne me propose d'examiner iei que celles qui naissent du fond de la contestation ; et parmi ces dernières même, je n'examinerai que celles auxquelles donnent lieu les reproches qui nous sont adressés au sujet de notre travail sur la loi des finances. Je vais commencer par remettre sous vos yeux les passages de ce travail qui servent de base à la prévention : vous vous rappelez qu'ils se trouvent aux pages 109, 113 137 et 138.

Page 109.« Dans tout pays où il n'y a point d'esclaves, dans tout pays où le gouvernement ne peut exiger de services gratuits d'aucune classe d'individus, le despotisme ne peut s'excr cer qu'au moyen des finances. Les hommes en possession de l'autorité, dans un tel pays, ont beau jouir d'une immense prérogative, ils ont beau cumuler tous les pouvoirs, s'ils n'ont pas, en même temps, celui de faire contribuer le pu

blic, tous les autres leur manquent par cela même, toute leur puissance se réduit à une vaine dénomination. C'est peu que d'avoir le droit de s'entourer de commis, de prévôts, de gendarmes; il faut encore avoir celui de prendre dans les revenus des particuliers, de quoi faire vivre tout ce monde-là, sans quoi le droit de s'en entourer serait certainement fort illusoire. Or, si le gouvernement ne peut puiser dans les revenus des particuliers que de leur consentement, s'il est obligé de solliciter de leur libéralité les fonds dont il a besoin pour exercer ses pouvoirs, il est manifeste que, malgré tous ses pouvoirs, il se trouve véritablement dans leur dépendance. » Mais pour qu'une nation puisse

Page 113. trouver dans cette faculté de voter l'impôt les forces qu'elle doit naturellement y puiser, une condition est indispensable, c'est qu'elle n'en délègue pas l'exercice à des hommes intéressés, par leur position, à l'exercer à son détriment. Il est bien manifeste que, si elle veut s'en servir pour obliger son gouvernement à modérer l'excès de ses dépenses, elle ne doit pas en confier l'usage aux hommes qu'enrichissent les dépenses de son gouvernement; il est manifeste que, si elle veut s'en servir pour diminuer les forces du pouvoir, ce n'est pas à des agens du pouvoir qu'elle doit

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