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en remettre l'exercice. Voilà pourtant ce que fait la nation française. Jamais peuple, assurément, n'a été autant administré que celui-là; jamais peuple n'a autant senti le besoin de modérer l'action qu'exercent sur lui les hommes. qui l'administrent. Un moyen lui est ouvert pour cela, celui de déterminer lui-même la quantité d'argent que son gouvernement pourra lui prendre. Sait-on à qui il va confier l'exercice de ce droit? C'est de préférence à des gens du gouvernement. Il se récrie avec humeur contre les' dépenses exorbitantes de l'armée, et il délégue le droit de voter l'impôt à des militaires; il est révolté de l'abus qu'on fait des pensions et des graces, et c'est à des hommes affamés de grâces et de pensions qu'il donne la mission d'aller empêcher qu'on les prodigue; le conseil d'état, les préfectures sont des institutions dispendieuses et despotiques qu'il sent le besoin de faire réformer par la représentation nationale, et il nonme pour représentans, des préfets et des conseillers d'état. Il est surprenant que, desirant comme il le fait l'abolition des Cours prévotales, il n'ait pas encore choisi de prévôts pour le représenter (1). Il faut s'étonner que, voulant jouir de '

(1) C'est à tort que nous lui reprochions de n'avoir

la sûreté individuelle et de la liberté de la presse, il n'ait élevé aux fonctions de députés, ni censeurs, ni commissaires de police, ni gendar mes (1). C'est un oubli que nous lui faisons apercevoir, et qu'il réparera sans doute aux élecs tions prochaines. La haute police, la censure,› les Cours prévôtales sont de nobles et libérales institutions, dans lesquelles il ne pourra manquer de trouver d'excellens défenseurs de ses franchises; et nous ne voyons pas pourquoi il donnerait à ces branches du pouvoir une exclu-: sion qu'il n'a donnée à aucune autre. On sait, en effet, qu'il n'est point une administration dans laquelle il n'ait choisi quelques-uns des hommes auxquels il délégue le pouvoir d'aller contrôler les actes et les dépenses de l'administration ;' et il suffit de parcourir la liste de ses deux cent quarante députés, pour voir qu'elle se compose, aux trois quarts, au moins, de lieutenans généde maréchaux de camp, de colonels, de conseillers d'état, de maîtres des requêtes, de chefs de direction, et d'administration, de pro-›

raux,

pas élu de prévôtsi yan avait dix-sept à la chambre. des députés de 1816, 192

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(1) Il y avait aussi des gendarmes à la chambre des députés,

eureurs généraux, de procureurs royaux, et de plusieurs autres sortes d'agens du gouverne

ment. »

Pages 237 et 238. «Avant d'examiner si les frais que nous faisons pour l'entretien d'une armée sont proportionnés à la force et aux besoins de cette armée, il y aurait peut-être une première recherche à faire, ce serait de savoir si l'armée elle-même ne serait pas inutile à notre sûreté, et si, sous ce rapport, la dépense entière ne serait pas superflue.

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L'expérience a déjà assez démontré l'insuffisance des armées permanentes pour résister aux grandes invasions. Contre ce que nous pourrions avoir à redouter de la part des gouverneniens qui nous tiennent sous le séquestre, la nôtre se rait évidemment impuissante. Nous ne saurions même en entretenir une assez forté pour écarter les périls qui pourraient nous venir de ce côté ; et, le pussions nous, il serait insensé de faire les dépenses qu'exigerait l'entretien d'une telle armée, pour écarter des périls que nous devons re garder comme imaginaires.

» D'ailleurs, pour nous prémunir et pour se prémunir contre de tels périls, le gouvernement a un bien meilleur, moyen, que d'entretenir de nombreuses armées; c'est de nous intéresser à le

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défendre; c'est de nous traiter plus doucement que ne ferait l'ennemi; c'est, dans une année de détresse, de ne pas prendre 1100 millions sur nos revenus; c'est de ne pas nous donner, en retour, des lois d'exception et des cours prévôtalés; c'est de ne pas payer, de nos deniers, 93 millions de pensions à des hommes qu'en général nous ne connaissons pas, à qui peut-être nous sommes fort peu redevables, qui, dans tous les cas, ne sont pas plus à plaindre que la plupart de nous, et qui, comme nous, pourraient bien peut-être travailler pour vivre ; c'est enfin de défendre 25 millions d'hommes laborieux contre l'avidité de quelques milliers d'intrigans, et de conquérir ainsi l'affection et l'appui de ces vingt-cinq millions d'hommes.

» Voilà des moyens qui lui donneraient assurément plus de forces réelles que l'entretien de la plus grande force armée. »

.

» Le ministère public vous a signalé dans ces passages la qualification d'institutions despotiques données au conseil d'état et aux préfectures; des attaques indirectes dirigées contre les cours prévôtales, la gendarmerie et les lois de sûreté; mais il vous a signalé sur-tout les phrases suivantes des pages 137 et 138. « D'ailleurs, pour nous prémunir et pour se prémunir contre de

tels périls, le gouvernement a un bien meilleur moyen que d'entretenir de nombreuses armées; c'est de nous intéresser à le défendre, c'est de nous traiter plus doucement que ne ferait l'ennemi. » M. l'avocat du Roi a conclu de ces derniers mots, que nous accusions le gouvernement de nous traiter plus mal que ne ferait l'ennemi, et il a vu dans cette imputation des injures et des caloninies dirigées contre le Roi, et tendant à affaiblir le respect dû à son autorité, délit prévu l'art. 5 de la loi du 9 novembre 1815. Voilà dans toute sa force, si je ne me trompe, ne me trompe, la prévention élevée sur cette partie de notre ouvrage.

par

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» Admettons, pour un moment, que les passages qui servent de base à cette prévention, présentent, en effet, le sens qu'on leur prête; cela suffira-t-il pour qu'on puisse nous accuser du délit qu'on nous impute? Si, par hasard, le sens entier de notre ouvrage protestait clairement contre le sens particulier qu'on a cru voir dans certaines phrases, suffirait-il du sens aperçu dans ces phrases, pour nous faire supposer des intentions qui seraient nettement démenties par l'ouvrage entier ? Si l'ouvrage entier tendait d'une manière très-directe à affermir le gouvernement, pourrait-on conclure de quelques passages tronqués que nous avons le dessein de l'affaiblir. Si l'es

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