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prit révolutionnaire et démagogique y était systé matiquement combattu, pourrait-on, avec quelque bonne foi, nous accuser sur des phrases isolées, d'être des révolutionnaires, de tendre en secret à renverser l'ordre établi? C'est donc Messieurs, l'esprit de l'ouvrage entier qu'il faut connaître pour avoir le sens véritable des phrases, 'qu'on incrimine. C'est dans l'ouvrage entier qu'il faut d'abord chercher nos véritables intentions. Nous pourrons examiner ensuite si ces intentions sont démenties par les passages particuliers du troisième volume qui ont servi de base à la pré

vention.

» Un des effets les plus déplorables de nos révolutions, c'est d'avoir excité les gouvernemens de l'Europe à donner à leurs moyens d'action une force et des développemens sans mesure. La violence des attaques qu'ils ont eu à repousser, les a fait naturellement recourir à des mesures violentes; et plus ils se sont vu menacés, plus ils ont cru devoir réunir dans leurs mains de ces moyens qu'on appelle de conservation, et qu'il serait peut-être plus juste d'appeler des moyens de ruine.

» L'effet de cette conduite était déjà très-remarquable à l'époque du 31 mars 1814; il l'est devenu davantage depuis. Après la chute de Bo

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naparte, les divers gouvernemens Européens n'ont pas vu sans effroi le mouvement qui agitait les peuples par suite de l'impulsion qu'ils avaient été forcés de leur donner pour abattre leur eunemi. Cet effroi a redoublé quand ils ont vu les événemens du 20 mars. Ils ont cru, dès ce moment, devoir travailler à modérer cet élan des peuples qu'ils avaient d'abord favorisé, et c'est dans cette vue que paraît avoir été conçue la coalition de 1815. Cette entreprise a mis dans leurs mains des forces physiques immenses. Ils ont eru de leur sagesse de s'en servir pour arriver à leur fin. Ils ont placé au centre de l'Europe un corps de troupes de 150 mille hommes; its ont tous retenu sur pied de grandes armées; ils ont imposé à la France des contributions extraor dinaires; ils ont continué à lever, chacun dans leurs états, les mêmes impôts que pendant la guerre, et quelques-uns même des impôts plus forts; certains ont retardé l'établissement des garanties promises; d'autres ont suspendu l'action des garanties existantes; tons enfin ont cru devoir donner à leurs moyens d'agir la plus grande extension possible.

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Nous ne pensons pas, Messieurs, que les gouvernemens, en prenant ces mesures, aient eu le dessein d'attaquer la liberté des peuples. Mais

pre

il nous a semblé qu'ils se trompaient en les nant; que leur politique allait contre leur but; qu'elle leur donnait de faux appuis pour leur en ôter de véritables, et qu'ainsi elle compromettait leur sûreté qu'ils voulaient préserver de toute atteinte, et allait au-devant des révolutions qu'ils se proposaient si sagement de prévenir. — Il est nécessaire, Messieurs, que nous vous rendions raison de cette opinion.

» Nous avons dit souvent dans nos ouvrages, que le monde se partageait naturellement eu deux classes: celle des oisifs, et celle des hommes laborieux, celle des ambitieux et celle des producteurs, celle des individus qui veulent vivre en travaillant sur les choses, et celle des individus qui veulent vivre en travaillant sur les hommes. Or, quel est l'effet des grands pouvoirs, des grands impôts, de tous les grands moyens d'action accumulés dans les mains des gouvernemens? Cet effet, Messieurs, nous parait être, d'une part, de diminuer la masse des producteurs et de la détacher du gouvernement; d'une autre part, d'augmenter, dans une proportion effrayante, celle des ambitieux, de les attirer autour du gouvernement, et de faire naître ainsi antour de lui. des factions qui menacent et troublent sans cesse son existence. Il importe de bien observer ce

phénomène ; car il nous semble que les conséquences en sont terribles, et font mieux sentir que tout ce que nous pourrions vous dire le mal que se font, à notre sens, les gouvernemens, en réunissant dans leurs mains de grands moyens d'action.

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trop

>> Nous disons que l'effet des grands pouvoirs, des grands impôts, etc., c'est d'augmenter et d'attirer vers le gouvernement la masse des oisifs, des ambitieux, des intrigans de toute sorte. Un passage du manuscrit attribué à Bonaparte, exprime ceci d'une façon très énergique; «< L'esprit de l'empire, dit-il, était le mouvement ascendant; ce mouvement agitait toute la nation : elle se soulevait pour s'élever. » La raison de ce mouvement était bien simple; Bonaparte la donne lui-même « J'avais, dit-il, placé au sommet, de grandes récompenses. » Bonaparte commençait par piller l'Europe et la France; il enlevait, à l'industrie presque tout le fruit de ses travaux ;, et, quand il avait accumulé autour de lui les, trésors du monde, il créait de grandes récom-, penses, il multipliait, il variait à l'infini les em-, plois lucratifs; et de toute part on s'agitait pour, en obtenir. Or, ce qui arrivait sous, Bonaparte, doit arriver sous tout gouvernement[ qui lève de grands impôts, qui crée de nombreux

emplois, et qui y attache de forts salaires. A l'as pect de ces biens, la tourbe des ambitieux et des fainéans se soulève pour s'élever; l'industrie dépouillée périodiquement des biens qu'elle fait naitre, et n'offrant plus que des fatigues sans profit, se voit abandonnée d'une multitude d'hommes qui vont se ranger à la file des aspirans au pouvoir; de toutes parts, on se précipite vers le gouvernement qui a tout et qui est tout. Mais qu'arrive-t-il après? Le gouvernement est-il bien fort parce qu'il a donné beaucoup d'argent, beaucoup de places, et que tout le monde lui en demande Bien au contraire. Comme il y a toujours dix fois plus de concurrens qu'il ne peut avoir d'emplois à distribuer, il arrive que, pour un heureux, il fait dix mécontens; que, pour un appui qu'il se donne, il se crée dixobstacles; en un mót, qu'il fait naître autour de lui une foule de partis au milieu désquels il va se trouver violemment froissé, et qui ne s'accorderont que pour le renverser peutêtre. Que fera-t-il alors? appellera-t-il à son secours la masse industrieuse? Il l'appellerait en vain, il l'a sacrifiée, et elle s'est détachée de lui; elle restera neutre, elle l'abandonnera à la merci des factions qu'il a si imprudemment soulevées. Il se trouvera donc seul avec ses agens entre une nation inerte et des ennemis-furieux; et cela pour

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