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contre le Roi, et toute critique dirigée contre le Roi pouvant être punissable aux termes de la loi de 1815, il est manifeste que le Roi n'a pas à craindre d'être atteint par les attaques dirigées contre son gouvernement, puisque son gouvernement ne peut plus être attaqué. Mais alors une autre difficulté s'élève; c'est de savoir ce que devient la responsabilité du gouvernement du Roi, consacrée en principe par principe par la charte?

» A cet égard, voici la réponse de M. l'avocat du Roi. «Quoique le gouvernement et l'autorité. royale soient une seule et même chose, et qu'attaquer les actes du gouvernement ce soit attaquer l'autorité du Roi, il ne s'ensuit nullement que. le gouvernement soit inviolable, qu'on ne puisse critiquer les actes du gouvernement. On peut les critiquer et les critiquer tous ; cela ne fait aucun doute; mais il faut les critiquer avec la mesure, et le respect qu'on doit à des actes émanés du Roi. Et qu'est-ce que critiquer les actes du gou-: vernement avec respect et mesure ? C'est les critiquer autrement que par des injures et des ca-1 lomnies. >>

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>>M. l'avocat du Roi dit donc qu'on peut eritiles actes du gouvernement; mais il observe qu'il faut les critiquer comme des actes émanés du Roi; qu'il faut les critiquer d'une manière

respectueuse et mesurée ; qu'il faut les critiquer autrement que par des injures et des calomnies; enfin, qu'il faut les critiquer ainsi pour ne pas tomber dans le cas prévu par la loi du 9 novembre. Il a ajouté qu'à la différence des actes du gouver nement, les opérations particulières des ministres et de leurs subalternes, peuvent être censurées de la manière la plus offensante, sans que pour cela on se, rende passible des peines prononcées par la loi du 9 novembre; qu'on ne peut encourir, dans ce cas, que les peines prononcées par les lois ordinaires sur l'injure et la calomnie. Telle est la doctrine de M. l'avocat du Roi, sur la responsabilité du gouvernement.

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>> Là-dessus il y a deux questions à faire : d'abord est-il vrai que, dans la critique qu'on peut se permettre de faire des actes du gouvernement, de tous les actes revêtus du sceau de l'autorité royale, on doive considérer ces actes comme actes émanés du Roi ? Est-il vrai ensuite que, quand on ne critiquerait pas les actes du gouvernement avec le respect qu'on doit à des actes émanés du Roi, on tomberait dans le cas prévu par la loi du o novembre ? Est-il vrai que cette loi ait voulu étendre au gouvernement du Roi les garanties qu'elle donne au Roi lui-même ? Eu un mot, la responsabilité nécessaire du gouver

nement du Roi, est-elle compatible avec une législation qui obligerait de considérer les actes du gouvernement comme émanés de l'autorité royale, qui ne permettrait de les critiquer que comme des actes émanés du Roi, et qui punirait comme tendant à affaiblir le respect dû à l'autorité du Roi, toute critique des actes du gouvernement qui ne serait pas faite avec la mesure et le respect qu'on doit à des actes directement émanés monarque? Telles sont, Messieurs, les questions que présente à résoudre la doctrine de M. l'avocat du Roi.

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» La solution de ces questions ne sera pas trèsdifficile à trouver. Elle sort tout naturellement des questions elles-mêmes.

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» D'abord, il est manifeste que si l'on est obligé de considérer les actes du gouvernement comme actes émanés du Roi, la responsabilité du gouvernement est détruite. En effet, cette responsabilité ne pèse pas seulement sur les actes particuliers des ministres et des agens inférieurs de l'administration, elle pèse encore sur les actes généraux du gouvernement, sur des actes revêtus du sceau royal, sur des ordonnances, des projets de loi et autres. Il est incontestable, par -exemple, qu'un ministre peut être décrété d'ac cusation et mis en jugement pour une ordonCens. Europ.-TOм. V. 14

nance, un projet de loi, ou tout autre acte signé du Roi et revêtu de son sceau, par lequel ce ministre se serait rendu coupable de trahison ou de concussion : c'est la disposition formelle de l'article 56 de la charte. Or, je demande comment il sera possible de poursuivre un ministre à l'occasion d'un tel acte, si, comme le, prétend M. l'avocat du Roi, les actes du gouvernement, les actes revêtus du sceau de l'autorité royale, doivent être considérés comme émanés du Roi ? Si ces actes sont l'oeuvre du Roi, comment pourra-t-on, sans l'outrager, en faire l'objet d'une poursuite criminelle ? Comment pourrat-on seulement en faire l'objet de reproches un peu sévères contre le gouvernement? Sera-t-il permis de mettre en question si le gouvernement sert un parti? Sera-t-il permis de l'accuser de mensonge et d'artifice? Sera-t-il permis de dire qu'il tend à ravir les droits des sujets? Non, sans doute du moment que les actes du gouvernement sont les actes du Roi, non-seulement on ne peut plus poursuivre le gouvernement à l'occasion de ces actes, mais on ne peut pas même les lui reprocher d'une manière offensante; car l'offense atteindrait le monarque, et affaiblirait le respect dû à sa personne ou à son autorité. Le gouvernement serait tout à la fois traître

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et concussionnaire qu'on ne pourrait pas le dire; car cela ne saurait se dire d'une manière polie ; et de quelque manière qu'on en fit la preuve, on affaiblirait nécessairement le respect dû à l'autorité royale.

»Voilà, Messieurs, où l'on arrive en voulant considérer les actes du gouvernement comme des actes du Roi on détruit par la base la responsabilité du ministère. Vous devez donc tenir pour constant que les actes du gouvernement, par cela seul qu'ils sont soumis à la responsabilité, peuvent très-bien, encore qu'ils soient revêtus de la signature et du sceau du Roi, ne pas être considérés comme émanés de l'autorité royale, et ne pas être critiqués avec la mesure et le respect qu'on doit à des volontés du Roi lui-même; il serait impossible, sans cela, de concevoir la responsabilité des ministres

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»En second lieu, il faut nécessairement admettre qu'on peut attaquer ces actes d'une manière forte et sévère, sans tomber pour cela dans

le cas prévu par la loi du 9 novembre; car si l'on se rendait passible des peines que cette loi prononce, parce qu'on reprocherait fortement au gouvernement des actes coupables, nous demandons comment il serait possible d'exercer

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