Images de page
PDF
ePub

considéré en lui-même; et c'est ainsi qu'à la suite d'une dissertation critique ou philosophiils ont vu le ministère public invoquer contre eux l'application des lois pénales, quoiqu'ils pussent n'avoir eu aucune intention cri

que,

minelle.

כל

» De part et d'autre, on a paru croire que les principes de la législation ordinaire,[soit en matière civile, soit en matière criminelle, n'étaient point applicables aux écrivains; et cette erreur, qui est capitale, a conduit aux conséquences les plus étranges. On a' dit qu'on pouvait être puni comme calomniateur, quoiqu'on n'eût jamais eu l'intention de calomnier personne, et qu'on pouvait être puni comme complice d'un individu réputé séditieux, quoiqu'on eût fait tous ses efforts pour s'opposer à luj.'!

» C'est particulièrement l'erreur qui a conduit à ces conséquences, que je me propose de combattre; et, si je parviens à la détruire et à démontrer que les principes généraux de la législation sont applicables aux causes de la nature de celle qui nous occupe, il résultera, je l'espère, des vérités que j'aurai établies, que nulle poursuite n'a pu être dirigée contre nous au sujet de notre troisième volume.

Pour qu'un fait constitue un délit ou un

crime, trois conditions sont nécessaires: il faut que le fait ait causé ou pu causer quelque dommage; que celui qui l'a commis ait eu et la volonté de le commettre, et la connaissance du mal qui pourrait en être la suite; enfin, que la loi l'ait déclaré punissable.

» Si un fait nuisible est commis involontairement ou dans l'ignorance du mal qui peut en résulter, la loi n'en déclare pas l'auteur punissable, seulement elle l'oblige à réparer le mal qu'il a causé par son imprudence ou par son ignorance : les faits de cette nature sont qualifiés quasi-délits. Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, dit l'art. 1382 du Code civil, oblige celui, par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. L'article 1383 ajoute, que chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

» L'intention d'exécuter un fait qu'on sait être nuisible, n'est, ni un crime, ni un délit, si elle n'a été manifestée par aucun acte extérieur, ou si l'exécution n'en a été suspendue que par la volonté de celui qui avait conçu le dessein de l'exécuter. Dans ce cas, non-seulement il n'existe, ni crime, ni délit, il n'y a pas même lieu à des dommages, puisqu'aucun dommage n'a été causé.

ככ

Depuis la réformation de nos lois pénales jusqu'à la promulgation du Code d'instruction criminelle de 1810, les tribunaux criminels ont été obligés de poser aux jurés deux questions: l'une, sur l'existence du fait; l'autre, sur l'intention de celui qui en était l'auteur. A cette époque, la question intentionnelle a été supprimée; ou, pour mieux dire, on a fait entrer l'intention dans la définition du délit ou du crime imputé aux accusés. Ainsi, l'action de tuer un homme involontairement, a été qualifiée homicide; l'action de le tuer volontairement, mais sans préméditation, a été qualifiée meurtre; l'action de le tuer volontairement et avec préméditation, a été qualifiée assassinat. La question sur l'homicide, l'assassinat ou le meurtre, a donc renfermé la question intentionnelle. On a suivi la même méthode les autres genres de délits.

pour tous

>> Il est donc possible d'exécuter un fait nuisible, sans se rendre pour cela coupable d'un délit ou d'un crime. Mais est-il également possible de divulguer des pensées nuisibles sans se rendre criminel? Oui, si l'on peut les divulger sans avoir la volonté de nuire. Prenons un exemple: Un journaliste annonce que tel jour il a vu une personne qu'il désigne, remplissant telle ou telle

fonction publique. Sur cette annonce, le ministère public, sachant qu'au temps indiqué cette personne avait été destituée, et qu'elle avait eu une connaissance officielle de sa destitution, la fait mettre en jugement, comme s'étant rendu coupable du délit prévu par l'article 197 du Gode pénal; mais il échoue dans sa poursuite faute de preuves. La personne accusée étant acquittée, traduit le journaliste en justice, comme coupable de calomnie. Celui-ci devra-t-il être condamné? L'annonce qu'il a faite a été nuisible à la personne inculpée, puisqu'elle lui a fait essuyer une procédure criminelle : elle suffit donc pour motiver une condamnation en dommages-intérêts. Mais elle ne suffit pas pour motiver une action en calomnie, si l'auteur de la publication ne connaissait pas la destitution de personne dont il a parlé. On parlé. On peut bien dire qu'il a publié un fait faux et nuisible; mais on ne peut pas dire qu'il l'a imputé. Or, l'imputation est un des caractères essentiels de la calomnie, ainsi que nous le verrons bientôt.

la

Prenons un autre exemple. Un journaliste annonce que tel jour, tel homme a contracté mariage avec une personne dont il indique let nom. Sur cette annonce, le ministère public instruit que cet homme était déjà marié, et que sa Cens. Europ. TOM. V.

G

15

[ocr errors]
[ocr errors]

première femme était encore vivante, le fait arrêter comme coupable du crime de bigamie; mais l'instruction démontre que l'annonce du journaliste est fausse, et qu'il n'y a pas eu de second mariage, contracté. L'individu qui a été arrêté, et qui, par conséquent, peut avoir éprouvé des dommages considérables par suite d'une fausse annonce, pourra-t-il en attaquer l'auteur comme coupable de calomnie? Oui, si le journaliste savait qu'il se trouvait engagé, dans les liens d'un premier mariage; non, ne le savait pas. Dans ce dernier cas, cependant, il devra être civilemen; responsable des dommages qui auront été la suite de son erreur. Il aura encore publié un fait faux et nuisible, mais il ne l'aura pas imputé is ons as

D

ser

s'il

» Il est donc possible de nuire à des particuliers para par la divulgation de ses pensées, sans se rendre pour cela coupable d'injure ou de calomnie. On peut aussi nuire au public par le même moyen, sans se rendre coupable d'aucun crime. Cela pourrait arriver, par exemple, si, par erreur et sans malveillance, on annonçait ou la mort de tel personnage, ou l'apparition de tel autre, et si, par suite de cette annonce, il s'opérait une révolte ou une sédition : si, faute de bien counaître la situation des esprits, on annonçait des

:.

1

« PrécédentContinuer »