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proposé, au contraire, de raffermir le gouvernement et de le rendre plus respectable aux yeux

des citoyens, en diminuant les impôts qui pèsent moins évident que il n'est la loi qui

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sur eux,

quel que

pas

punit la tentative d'affaiblir le respect dû à l'autorité du Roi, ne peut pas nous être appliquée, soit le moyen que nous avons employé. » De même, si l'auteur du manuscrit venu de Sainte-Hélène a eu des intentions criminelles en composant cet ouvrage, et s'il l'a publié dans les mêmes intentions qu'il l'avait composé, il doit être considéré comme coupable: rien n'est plus évident. Mais, si les éditeurs ont eu des intentions contraires, s'ils ont cru faire une chose utile au public et au gouvernement lui-même, ils ne sauraient être réputés criminels. On peut les aecuser d'avoir mal jugé; on peut, s'il se sont trompés, former contre eux une action civile pour les obliger à réparer le dommage qu'ils ont causé, şi, en effet, ils ont causé quelque dommage; mais là doit s'arrêter l'action de la justice.

Ce peut être une question de savoir si les moyens que nous avons proposés, pour donner de la force et de la stabilité au gouvernement, sont propres à produire le résultat que nous avons voulu obtenir. Les hommes qui reçoivent de gros salaires du public, pour lui rendre de petits

n'a

moyen

services, peuvent penser que le gouvernement pas de meilleur de se rendre respectable et fort, que de lever des impôts immenses, et de les distribuer, sans mesure, à des gens en place. Ceux qui paient les impôts peuvent croire, au contraire, que le meilleur moyen pour un gouvernement de conquérir l'affection et l'appui de la nation, est de lui faire supporter le moins de charges possibles, et de la mettre à l'abri des vexations. Mais toute discussion, à cet égard, est hors du domaine des tribunaux : l'objet de la justice est de réprimer les délits, et non de relever les erreurs.

» Ce peut être aussi une question de savoir si le manuscrit venu de Sainte-Hélène peut provoquer à l'invocation du nom de Bonaparte ou de son fils. Mais cette question est toute entière dans le domaine des écrivains politiques. Les uns peuvent penser que Bonaparte s'y montre comme un grand génie dont les exploits commandent l'admiration; les autres peuvent croire, au contraire, qu'il s'y montre comme un esprit désordonné qui forme des projets gigantesques, sans avoir le moyen de rien exécuter de durable. Ceux-là peuvent voir en lui un génie audacieux qui ne calcule rien pour arriver à son but; ceuxçi, une âme étroite qui fait des sacrifices immenses.

pour obtenir des résultats mesquins ou absurdes ; une âme essentiellement dépravée qui a perdu le sentiment de tout ce qui est honnête, et qui lui fait avouer ses vices et ses crimes avec une impudence sans exemple. On peut avoir, à cet égard des opinions, différentes; mais quelle que soit celle qu'on adopte, on ne peut en tirer aucune conséquence dans la cause qui nous occupe. La question n'est pas d'examiner quel effet le mémoire aurait pu produire; mais quel est l'effet que les éditeurs en ont attendu, quel est l'effet qu'ils ont voulu qu'il produisit ; car c'est leur volonté seule qui peut donner quelque moralité à leur action, et qui peut la rendre digné d'éloges ou de blâme.

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Lorsque le manuscrit de Sainte-Hélène commença à se répandre dans Paris, une personne qui joint à une rare modestie, des lumières très-étendues, une grande élévation dans les sentimens, et le dévouement le plus désintéressé pour son pays; une personne qui, par conséquent, fut toujours opposée au gouvernement impérial, nous prêta un exemplaire de ce manuscrit. Lorsque je le lui rendis, cette personne, dont l'amitié nous honore, me demanda si je pensais que ce manuscrit fût en effet de Bonaparte. Oui, répondis-je; car il n'y a que l'homme qui a fait

tant d'infamies, qui puisse avoir voulu les justifier des infamies nouvelles. Hé bien ! me répar pliqua-t-elle, je ne suis point de votre avis. J'ai de Bonaparte l'opinion que vous en avez ; mais cet écrit le montre sous un jour si odieux, il fait voir en lui une telle bassesse d'ame, une telle privation de raison et de sentiment, que, pour que je l'en crusse l'auteur, il faudrait qu'il en eût été convaincu par jugement.

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» Supposons que cette personne, pleine de l'idée que le manuscrit de Sainte-Hélène allait dessiller les yeux des hommes qui peuvent éprouver des regrets sur la chute du gouvernement impérial, eût livré, dans cette vue, ce manuscrit à l'impression; pensez-vous, Messieurs, qu'il y aurait eu lieu de diriger contre elle une action criminelle, si ses intentions eussent été bien reconnues? Pensez-vous qu'il y aurait eu lieu de l'accuser d'avoir voulu provoquer à l'invocation du nom de l'usurpateur ou de son fils, s'il avait été prouvé que son intention avait été d'éteindre les regrets que l'un ou l'autre pouvaient avoir laissés? Non, sans doute; car vous ne pouvez pas croire que celui qui agit dans l'intérêt de ses concitoyens et de son gouvernement, doive être puni comme celui qui agirait dans un sens contraire.

» Pour apprécier une action, quelle qu'elle soit, il est donc nécessaire d'examiner la question intentionnelle; car c'est toujours de la solution de cette question que dépend l'innocence ou la criminalité des accusés. Cela étant reconnu, il ne s'agit plus que d'examiner si, dans la partie de notre volume où nous avons parlé des finances, nous avons eu pour objet, non de faire diminuer les impôts, mais d'affaiblir le respect dû à l'autorité du Roi, et de l'affaiblir par des injures et des calomnies ; et si, dans la réimpression du manuscrit venu de Sainte-Hélène, nous nous sommes proposé de provoquer les citoyens à l'invocation du nom de Bonaparte ou de son fils, et non d'éteindre les regrets que le régime impérial pouvait avoir laissés chez quelques personnes peu éclairées. Or, bien loin que nous avons eu aucun de ces deux objets en vue, nous avons au contraire, manifesté constamment des intentions opposées : nous avons employé tous nos moyens, soit à rechercher comment il serait possible de donner au gouvernement toute la force possible, soit à combattre le système du gouvernement impérial (1).

(1) Voyez les deux premiers volumes du Censeur Européen.

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