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» J'ai précédemment fait observer que, pour qu'un fait puisse être considéré comme un délit, trois conditions sont nécessaires la première, que ce fait ait causé ou pu causer quelque dommage; la seconde, que celui qui l'a commis ot qui a tenté de le commettre, ait eu la volonté de l'exécuter, avec la connaissance du mal qui en serait la suite; la troisième, que la loi ait prévu le fait, et qu'elle l'ait déclaré punissable. J'ai ajouté que, si le fait avait été commis par erreur où dans l'ignorance du mal qui en serait la suite, ou si la loi ne l'avait pas prévu et déclaré punissable, il ne pouvait donner lien qu'à une action civile en dommages-intérêts. Enfin, j'ai fait remarquer que la question intentionnelle, depuis la publication du Code pénal actuel, se trouvait renfermée dans la définition même des crimes ou des délits.

La lecture des dispositions de la loi pénale sur la calomnie et l'injure, va vous convaincre que le législateur n'a pas fait d'exception à la règle générale pour ces deux genres de délits.

«Sera coupable du délit de calomnie, dit l'ar»ticle 367 du Code pénal, celui qui, soit dans » des lieux ou réunions publiques, soit dans un >> acte authentique et public, soit dans un écrit imprimé ou non qui aura été affiché, vendu Cens. Europ. TOM. V.

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» ou distribué, aura imputé à un individu quel>> conque des faits qui, s'ils existaient, expose>> raient celui contre lequel ils sont articulés à » des poursuites criminelles ou correctionnelles, » ou même l'exposeraient seulement au mépris » ou à la haine des citoyens.

» La présente disposition n'est point applicable >> aux faits dont la loi autorise la publicité, ni à >> ceux que l'auteurde l'imputation était, par la » nature de ses fonctions, obligé de révéler ou >> de réprimer.

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» Telle est la définition que l'art. 367 du Code pénal a donné de la calomnie; voici comment l'article 375 a défini l'injure :

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Quant aux injures ou aux expressions outrageantes qui ne renfermeraient l'imputation » d'aucun fait précis, mais celle d'un vice dé» terminé, si elles ont été proférées dans des » lieux ou réunions publiques, ou insérées dans » des écrits imprimés ou non, qui auraient été » répandus et distribués, la peine sera une » amende de seize à cinq cents francs. »

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>> On doit remarquer que, dans la définition de l'injure et de la calomnie, le législateur, en parlant des faits qui concourent à les constituer, n'a pas employé les mots publier, divulguer, ou reprocher; parce que ces mots n'annoncent

aucune intention criminelle. Il a employé le mot imputer qui, par lui-même, annonce l'intention, la volonté de nuire.

» La différence qui existe entre la publication, le reproche et l'imputation d'un fait, est sensible: on publie un fait toutes les fois qu'on se borne à l'annoncer, sans aucune accusation et sans mal veillance; on le reproche très-souvent par intérêt même pour la la personne à laquelle on l'attribue', et pour l'engager à ne pas le commettre de nouveau ; on l'impute toutes les fois qu'on l'attribue à quelqu'un en forme d'accusation, et dans le dessein de lui nuire.

» Nous avons cité plusieurs exemples où la publication d'un fait pouvait exposer celui auquel on l'attribuerait, au mépris public ou même à' des poursuites criminelles, sans donner lieu à une action en calomnie : nous avons dit que, dans les cas où cela aurait lieu, la personne lésée n'au rait qu'une action en dommages-intérêts à exercer; nous avons fondé cette opinion sur l'esprit et sur le texte même de nos lois.

» On pourrait citer égalenient plusieurs exemples où le reproche d'un fait pourrait être muisible à celui à qui il aurait été adressé, sans être cependant punissable; cela aurait lieu toutes les fois qu'il serait prouvé que le reproche a été fait

par un sentiment d'affection pour celui à qui il aurait été adressé, et dans la vue de le préserver d'un danger. Ainsi, par exemple, un père qui reprocherait à son fils de fréquenter des lieux dangereux, dans la vue de l'en détourner, un ami qui le reprocherait à son ami dans la même vue, ou une femme qui ferait à son mari un reproche semblable, ne sauraient être considérés comme s'étant rendu coupables d'injure ou de calomnie, par la raison que leurs reproches n'auraient pas été faits dans le dessein de nuire. M. l'avocat du Roi a invoqué l'autorité d'un jurisconsulte anglais contre nous ; qu'il nous soit permis de lui répondre avec des autorités pareilles.

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» Les lois d'Angleterre punissent l'injure et la calomnie comme les lois de tous les pays mais jamais dans ce pays on ne s'est avisé de convertir en délit un reproche fait dans l'intérêt de la personne même à laquelle il s'adresse. Ainsi, quoique les lois punissent les injures ou les calomnies insérées dans des lettres non publiques, elles ne punissent point les reproches dictés par un sentiment d'amitié, quels que soient d'ailleurs les faits reprochés. Thomas Starkie, après avoir distingué plusieurs cas où l'accusé doit être absous, s'exprime, en effet, en ces termes :

» Sous cette division, on peut classer aussi tous.

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» les cas où le défendeur a agi en qualité d'ami. » envers le plaignant, et pour le corriger de: quelque vice réel ou supposé existant, soit en » écrivant à son père, soit à quelqu'un de ses pa» rens ou tuteurs, pour l'instruire des fautes des » personnes auxquelles on s'intéresse et qu'on » voudrait réformer. Comme les actes de cette » nature, dictés par l'amitié, ont pour but, non » de blesser les sentimens de la personne quien » est l'objet, ou de la diffamer, mais de lui être, utile, la loi ne les considère pas comme des » libelles. Cependant la présomption est, dans » tous les cas, sujette à être repoussée par la » preuve qu'on n'a pris le caractère d'ami que » dans la vue d'exécuter la diffamation (1).

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Ce principe dicté par le simple bon sens, et consacré par la jurisprudence anglaise, est professé par un autre écrivain de la même nation dans un traité spécial sur la même matière. Cet auteur, après avoir rapporté une espèce dans

(1) Under this division also may be classed all those cases in which the defendant has acted in a friendly character to the plaintiff, in attempting to reclaim him from any real or supposed vices, an by expostulating in a private letter, or by writing to a father or other relation or guardians, to acquaint him with the faults of those in whose welfare he has an interest; for the purpose of their

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