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térêt du gouvernement et celui du public. Mais si l'on convient que nous avons eu ce but, il est absurde de prétendre que nous avons voulu affaiblir le respect dû à l'autorité royale par des injures ou par des calomnies.

» J'ajouterai une réflexion qui ne me paraît pas sans importance dans les causes de la nature de celle qui nous occupe, sans prétendre toutefois qu'il y ait lieu d'en faire aucune application actuelle. Le législateur a puni l'imputation fausse de tout fait qui serait de nature à exposer celui à qui il serait imputé, à des poursuites correctionnelles ou criminelles, ou seulement à la haine ou au mépris publics. Il a réputé fausse toute imputation à l'appui de laquelle la preuve légale ne serait pas rapportée, et il n'a considéré, comme preuve légale, que les actes authentiques. Mais, en punissant les imputations calomnieuses, le législateur n'a pas voulu laisser les crimes impunis, en en empêchant la dénonciation: il a fait, au contraire, aux citoyens un devoir de dénoncer aux magistrats les crimes ou les délits dont ils auraient connaissance (1); et, quand même la dénonciation ne se trouverait pas fondée, il suf firait qu'elle eût été faite de bonne foi, pour que

(1) Code d'instruction criminelle, art. 30.

celui qui en serait l'auteur ne pût pas être poursuivi comme coupable de calomnie.

» Mais qu'arriverait-il, si le crime était commis par celui à qui la dénonciation devrait en être faite? Si, par exemple, un citoyen était dans la conviction qu'un ministre trahît son pays et son prince, à qui devrait-il le dénoncer? Au monarque? Toutes les avenues qui conduiraient à lui, seraient fermées, et celui qui voudrait prévenir l'exécution du crime serait arrêté avant qu'il eût pu en donner aucun avis. Il ne resterait qu'un moyen, ce serait de faire usage de la liberté de la presse; et la justice déciderait en-suite, si la dénonciation a été faite de bonne ou de mauvaise foi. Exiger, dans ce cas, qu'on suivît les formes prescrites pour les délits ordinaires, ce serait livrer l'état et le prince au ministère, et leur ôter tout moyen de défense.

› Beaucoup de personnes, et nous sommes de ce nombre, sont dans la persuasion, qu'en 1815, Bonaparte ne s'est emparé du pouvoir que par l'effet d'une trahison. Notre opinion est fondée,. à cet égard, sur la marche que suivit l'administration après la première restauration, et sur quelques faits dont il est inutile de parler. Le gouvernement s'était établi dans des circonstances difficiles. La famille royale avait quitté

la France depuis plus de vingt-cinq ans les hommes qui avaient pris une part active aux troubles de la révolution craignaient qu'on n'usat de représailles à leur égard; ceux qui avaient été élevés pendant ces temps d'orage, n'avaient aucune connaissance de l'ancien ordre de choses. Rien n'était donc plus facile que d'opérer un changement de dynastie, si le prince était environné d'hommes disposés à le trahir.

» Cette vérité fut énoncée dans le premier cahier du Censeur, en ces termes : « Jamais un > gouvernement ne fut plus intéressé à respecter >> et à faire respecter les lois, que celui qui vient de » s'établir en France. On ne peut se dissimuler » que les Français sont divisés en deux classes es

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sentiellement opposées. Ceux qui composent la » première tendent continuellement à renverser >> tout ce qui s'est fait depuis vingt-cinq ans; » ceux qui composent la seconde, s'opposent à » ce renversement, parce qu'ils craignent de » voir consommer leur ruine. Si, par des actes arbitraires, les ministres augmentent l'audace → des premiers et les craintes des seconds, ils » nous entraîneront infailliblement dans les horreurs d'une guerre civile dont tout le

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» Dans le troisième cahier, cette vérité fut

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énoncée d'une manière encore plus précise. Après avoir dit que la charte constitutionnelle était l'unique base du gouvernement, et qu'il ne pouvait y porter atteinte sans se détruire lui-même, nous supposons un homme connaissant la situation des esprits, et appelé à l'honneur d'éclairer le prince sur ses véritables intérêts, et nous le faisons parler en ces termes : « Méfiez-vous de ces hommes lâches qui se sont successivement vendus à tous les » gouvernemens, et qui viennent vous jurer fidélité sous la livrée même du dernier maître qu'ils ont trahi; méfiez-vous aussi de ces >> hommes qui ne cherchent qu'à surpendre vo» tre bonne foi pour abuser impunément de l'au>>torité que vous leur avez confiée dans la » crainte que du milieu de la foule il ne s'élève » quelque voix pour les accuser, ils voudront » vous obliger à condamner au silence la nation » toute entière: heureux si, pour vous prouver » la nécessité de la censure, ils ne fabriquent » pas dans les ténèbres des libelles contre vous, et » s'ils ne cherchent pas ensuite à les faire tom>> ber dans vos mains! Dans la crainte de perdre >> les faveurs du chef de notre dernier gouverne» ment, ils lui ont constamment caché la vérité, » et ils l'ont perdu pour faire fortune: Soyez » bien convaincu qu'ils vous la dissimuleront

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» avec le même soin, et qu'ils vous perdront » également si cela peut les arranger.»

Le ministère, pas ses fausses mesures, avait aliéné un nombre immense de propriétaires, de, magistrats, d'administrateurs ; il ne lui manquait, plus que d'aliéner l'esprit de l'armée: c'est ce qu'il ne tarda pas de faire. Nous vîmes, avec tout le monde, , que le gouvernement marchait à grand pas vers sa ruine, et nous essayâmes, mais vainement, de le retenir. Voici ce qu'on trouve dans le tome III du Censeur, pag. 238 et 239, de la 3. édition, au sujet d'un ordre du jour du ministre de la guerre :

« Voilà bien la mesure la plus odieuse, la plus, » arbitraire et la plus impolitique.

» Elle n'eût pas étonné, il y a un an, sous le » règne d'un chef militaire éminemment despote, et ombrageux..

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Mais, sous un Roi qui règne et ne veut régner, » que par les lois, qui connaît et apprécie le » caractère aimant et susceptible des Français, » d'un Roi qui honore la valeur, qui estime les, » militaires, qui aime à se voir entouré des chefs, » de l'armée....., on serait tenté de croire que » la mesure est prise par un LIEutenant de « Bonaparte, aspirant secrétement à préparer »le.retour de son ancien maître.

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