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et 1815; et ni l'un ni l'autre n'a été poursuivi.

» On a publié aussi des lettres de l'ex-ministre Fouché au lord Wellington. Ces lettres avaient une tendance bien plus dangereuse que le Manuscrit venu de Sainte-Hélène ; l'éditeur ni l'imprimeur n'ont cependant essuyé aucune poursuite.

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Enfin, un compilateur a recueilli tous les discours qui ont été prononcés dans les deux chambres pendant les cent jours, soit en faveur de Bonaparte ou de son fils, soit contre la famille royale. Sa compilation, imprimée chez Adrien Egron, se vend publiquement, et personne ne s'avise de prétendre que ce soit un écrit injurieux, calomnieux, ou provoquant à la révolte; quoique les pièces qu'il renferme aient pu, dans l'origine, avoir ce triple caractère. Je m'abstiendrai de citer ce que ces discours ont eu d'injurieux dans la bouche des personnes qui les ont prononcés ; mais j'espère que, dans vos délibérations, vous voudrez bien jeter les yeux sur les passages que j'ai notés, et les comparer avec les passages du manuscrit venu de Sainte-Hélène, que M. l'avocat du Roi vous a fait remarquer. Vous verrez qu'il existe une grande différence entre les uns et les autres.

>> Pour repousser les argumens que nous pou

vions tirer de ces faits en faveur de notre cause, M. l'avocat du Roi a fait un raisonnement qui nous a paru peu solide: «< Lorsque l'ouvrage, » vous a-t-il dit, a été légalement publié, on » peut, sans délit, le réimprimer; parce que

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l'ouvrage a obtenu toute la publicité dont il » était susceptible. S'il n'en a pas été débité un grand nombre d'exemplaires, c'est c'est que le pu»blic ne l'a pas voulu; dès-lors l'ouvrage a produit tout le bien comme tout le mal qu'il » était susceptible de produire : on ne peut ac»cuser celui qui le réimprime. Mais lorsque l'ouvrage n'a pas été publié légalement, lorsqu'il a été introduit en fraude, il n'a pas pro» duit tout son effet, puisque ceux qui l'ont in»troduit ont été obligés de se soustraire à la » surveillance, et n'ont pu parvenir à le faire >> arriver entre les mains de tous les individus » qui auraient pu le lire. >>

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» Vous remarquerez d'abord, Messieurs, que les raisons que vous a données ici M. l'avocat du Roi, pour établir une différence entre nous et les éditeurs qui n'ont pas dû être poursuivis, sont les seules qu'il vous ait données ; de sorte que, s'il est prouvé qu'elles sont dénuées de fondement, il sera prouvé, par-là même, que nous n'aurions pas dû être poursuivis.

» Premièrement, il est inexact de dire que, lorsqu'un ouvrage a été légalement publié, il a óbtenu toute la publicité dont il était susceptible. Lorsqu'on fait une nouvelle édition, ce n'est pas pour la garder en magasin : on croit que la pres mière n'a pas été suffisante pour le nombre des lecteurs qui se présentaient, et l'on espère que la publicité de l'ouvrage s'accroîtra dans la pros portion du nombre des exemplaires qu'on se dispose à jeter dans la circulation.

» En second lieu, lorsqu'un ouvrage a été légalement publié, il arrive de deux choses l'une? ou qu'il se vend jusqu'à ce que l'édition soit épuisée, ou qu'il reste dans les magasins du lis braire. Dans le premier cas, il n'est pas exact de dire que, s'il n'en a pas été débité un plus grand nombre d'exemplaires, c'est que le public n'en a pas voulu, et que l'ouvrage a reçu toute la publicité dont il était susceptible: il faut dire, au contraire, que, s'il n'en a pas été débité un plus grand nombre, c'est parce que l'édition a été épuisée. Dans le second cas, c'est-à-dire, lorsque l'ouvrage est resté pour le compte du li braire, il est vrai de dire que, s'il n'en a pas été vendu un plus grand nombre d'exemplaires, c'est que le public n'en a pas voulu ; mais il faut convenir que ce n'est point quand le public ne veut

plus d'un ouvrage, qu'on en fait de nouvelles éditions.

>> En troisième lieu, c'est une erreur de prétendre qu'un écrit qui a reçu la plus grande pu blicité possible, peut être innocemment réime primé et publié. Si Bonaparte, apparaissant tout à-coup sur nos côtes, venait nous apporter une seconde édition de ses proclamations et de ses décrets, je doute fort que M. l'avocat du Roi voulût en reconnaître l'innocence.

En quatrième lieu, la distinction établie entre les premières et les secondes éditions né répond point à l'objection que nous avons tiréé de la publication dés divers écrits que nous avons précédemment mentionnés, puisqu'il en est plusieurs qui ont été imprimés sur les manuscrits qui circulaient dans le public.

» Enfin, lorsqu'un écrit a été répandu avec une étonnante profusion dans tous des états voisins , que les lois n'offrent au ministère aucun moyen d'en empêcher l'introduction en France, et qu'on en voit circuler un très-grand nombre d'exemplaires, on peut fort bien le faire réimprimer pour le réfuter, sans se rendre pour cela coupable d'aucun crime, si la réimpression n'a pour but que d'en détruire l'effet,

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La distinction établie par le ministère pu

blic entre les ouvrages légalement publiés, et les ouvrages introduits en fraude, ne peut donc

pas être admise ; d'abord, parce qu'elle ne repose sur aucun fondement; en second lieu, parce qu'elle n'explique absolument rien, et enfin et enfin, parce qu'elle peut conduire à des résultats qui, nonseulement seraient contraires aux lois, mais qui seraient même destructifs de l'ordre public.

» Qu'est-ce d'ailleurs qu'un ouvrage légalement publié ? Si le ministère public entend par ces mots désigner un ouvrage dont l'auteur et l'imprimeur ont rempli les formes prescrites avant la publication, il s'ensuit que, lorsque ces formalités ont été remplies, l'auteur ni l'imprimeur ne peuvent plus être poursuivis ; car s'ils peuvent l'être, on ne voit pas comment il serait licite de réimprimer un livre dont l'auteur et l'imprimeur pourraient être livrés aux tribunaux criminels. M. Michaud, par exemple, a réimprimé le manuscrit venu de Sainte-Hélène, et sans doute, avant de le publier, il a rempli les formes prescrites par les lois; cependant M. l'avocat du Roi a prétendu qu'il avait trois ans pour le poursuivre. Un ouvrage publié avec toutes les formalités prescrites, peut donc, d'après le ministère public, donner lieu à une procédure criminelle contre l'auteur ou l'éditeur; mais, en

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