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core une fois, comment est-il possible de réimprimer innocemment un ouvrage qui peut donner lieu à une procédure criminelle ? Si le ministère public, entend par un ouvrage légalement publié, un ouvrage qui ne renferme rien de répréhensible, sa distinction n'a pas de sens; puisque, pour imprimer un ouvrage de cette nature, il n'est pas nécessaire qu'il ait été publié une première fois.

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Qu'est-ce ensuite qu'un ouvrage introduit en fraude? Il n'existe en France aucune loi qui donne au gouvernenient le droit d'exercer sur les ouvrages, qui viennent de l'étranger, une censure préalable et arbitraire; il n'existe pas non plus de loi qui interdise spécialement l'introduction de tel ou tel genre d'ouvrages: tout ce que peuvent faire les agens du gouvernement placés sur les frontières, c'est de percevoir un droit de douane sur les livres qu'on veut introduire en France; et il n'y a de livres introduits en fraude, que ceux qui n'ont pas payé les droits fixés par le tarif des douanes. Du moment que le Manuscrit venu de Sainte-Hélène a été imprimé en Angleterre, en Belgique ou en Allemagne, chacun a pu en faire venir en France, sans que

le

gouvernement ait pu en empêcher l'introduction, autrement qu'en en empêchant la circulation en pays étranger.

» Mais pouvait-il en effet en empêcher la circulation en pays étranger? Non-seulement il le pouvait, mais il le devait, si, comme il lé dit par l'organe du ministère public, cet ouvrage renferme des injures ou des calomnies contre la personne ou l'autorité du Roi. Nous avons vu, il y a peu de temps, un ministre de Russie faire poursuivre devant les tribunaux du royaume des Pays-Bas, un journaliste qu'il accusait d'avoir calomnié l'Empereur; un ministre prussien diriger une pareille poursuite contre un autre journaliste qui avait, disait-il, injurié ou calomnié le roi de Prusse; un ministre espagnol pours suivre un journaliste accusé d'avoir injurić le roi d'Espagne et les ministres français laissent réf pandre, dans tons les états de l'Europe, un écrit qui, si on veut les en croire, tend au renversement du gouvernement de France! un écrit qu'ils considèrent comme un libelle contre la personne et l'autorité du Roi! Ils ne dirigent aucune poursuite contre l'imprimeur qui le premier, l'a livré au public 4 Ils gardent le silence tant que cet écrit, répandu partout avec profusion, s'introdnit en France sans réfutation; et aussitôt que des écrivains connus par leur opposition au gou vernement impérial s'avisent de le faire réimprimer pour le réfuter, on s'empare de leurs personnes, on les jette dans les prisons, en les

livre aux tribunaux, on les aceuse de vouloir soutenir la concurrence dans la vente qui s'en fait! Les traiterait-on autrement à Sainte-Hélène?

» Mais les lois anglaises offraient-elles au ministère français le moyen de poursuivre le premier éditeur de cet écrit ?

>> Les ministres français le savaient bien, lorsqu'ils faisaient condamner lord George Gordon pour avoir calomnié la reine de France; les ministres de Russie ne l'ignoraient pas, lorsqu'ils faisaient condamner John Vint pour avoir calomnié l'empereur Paul; le comte de Guerchy, ambassadeur français à Londres, le savait bien aussi, lorsqu'il faisait condamner d'Eon de Beaumont pour l'avoir calomnié lui-même; enfin, les ministres de Bonaparte ne l'ignoraient pas, lorsqu'ils faisaient poursuivre Jean Pelletier, pour avoir calomnié leur maître (1). Comment donc les ministres français actuels auraient-ils pu l'ignorer? Et remarquez que toutes les poursuites dirigées en France contre l'éditeur d'un écrit, seront vaines, tant que cet écrit pourra être imprimé dans les états voisins, et introduit dans le royaume, sans que les ministres aient aucun moyen légal de l'empêcher.

(1) Voyez Ludlow Holt, pages 6 et suivantes. Thomas Starkie, pages 539 et suivantes.

Que dirait-on d'un ministère qui ferait poursui vre à Paris l'éditeur d'un ouvrage imprimé avec une réfutation, et qui le laisserait imprimer à Versailles sans réfutation, sachant bien qu'il ne pourra pas empêcher qu'on l'introduise dans Paris? Hé bien ! le cas où nous nous trouvons est exactement le même : il n'y a de différence que quelques lieues de chemin et quelques droits de douanes de plus.

>> Les distinctions établies par le ministère public entre les ouvrages publiés légalement, et les ouvrages introduits en fraude; entre les ouvrages imprimés en France, et les ouvrages imprimés dans des pays où le gouvernement français peut exercer une action semblable à celle qu'il peut légitimement exercer sur le territoire français, ne signifient donc absolument rien. Ainsi, il faut en revenir aux principes que j'ai précédemment exposés; il faut reconnaître qu'on peut, sans se rendre coupable, ni d'injure, ni de calomnie, ni d'excitation à la révolte, rapporter des discours qui ont été injurieux, calomnieux ou séditieux dans la bouche de ceux qui les ont tenus. Cette vérité, dont l'évidence doit être frappante pour tout homme qui n'a pas l'esprit prévenu, a été établie par la disposition même des lois qu'on invoque contre nous, et par

les faits qui se passent journellement sous nos yeux. J'ajouterai qu'elle est admise sans la moindre contestation dans un pays où la liberté de la presse est mieux connue et par conséquent plus respectée que chez nous, et où l'on doit trouver bien extraordinaires les grands efforts que nous sommes obligés de faire pour établir des règles que le simple bon sens indique je veux encore parler de l'Angleterre.

:

» Un jurisconsulte anglais, que j'ai déjà cité, Thomas Starkie, rapporte, dans son Traité sur la calomnie, une foule d'exemples qui tous justifient les principes que j'ai précédemment établis. Dans le chapitre XII de son ouvrage, où il traite des cas où une personne répète la calomnie inventée par une autre, il s'exprime il s'exprime en ces termes, après avoir rapporté plusieurs exemples à l'appui de son opinion:

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« Il résulte de ces divers cas, que c'est une » règle de loi générale, qu'aucune action ne » peut être formée contre une personne qui ré» pète la calomnie d'une autre, annonçant en » même temps le nom de celui qui en est l'au»teur, et se servant des mêmes mots » de manière à offrir au plaignant le fondement » d'une action (1).

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que

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(1) From these cases it appears to be the general rule

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