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» Nous avons plusieurs fois accusé Bonaparte d'être l'auteur de toutes les calamités qui ont pesé sur la France, depuis le commencement de son règne. Or, il existe dans l'un de nos voluHics un passage qui peut servir à juger si, dans notre pensée, le fils' de Bonaparte aurait pu se maintenir sur le trône (1),

>> Ces réflexions se trouvent dans un volume antérieur à celui pour lequel nous sommes poursuivis ; mais elles ne s'en appliquent pas moins au passage sur lequel on a cherché à fixer l'attention du tribunal. Si M. l'avocat du Roi avait voulu se donner la peine de lire le premier et le second volume de notre ouvrage, il aurait trouvé peut être que nous avions réfuté d'avance le Manuscrit venu de Sainte-Hélène ; et alors il ne se serait pas plaint que la réfutation insérée dans le troisième volume était incomplète.

Je me suis arrêté beaucoup trop, sans doute,

(1) Ce passage, qui se trouve dans les pages 60 et 6. du tom. er, du Censeur Européen, se termine, ainsi qu'il suit?

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Si la justice des nations est tardive, elle n'en est pas moins sure. L'homme qui a reçu une injure la pardonne quelquefois l'espèce humaine est implacable; quand >> les oppresseurs lui échappent, elle se venge sur leur » mémoire, et les poursuit jusques dans les derniers de » leurs descendans. »

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sur l'imputation d'avoir provoqué, à l'invocation du nom de l'usurpateur et de son fils adressé par M. l'avocat du Roi, non point à nous, mais à quelques passages de l'écrit inséré dans notre volume. Car, lors même qu'il serait prouvé que ces passages pourraient avoir quelque danger, ce que nous sommes bien loin de penser, il suffirait que nous ne les eussions pas publiés dans l'intention d'en obtenir un résultat contraire aux lois, ou dans la prévoyance qu'ils le produiraient, pour que nous fussions à l'abri de tout reproche.

» M. l'avocat du Roi ne pouvant supposer à la réimpression du Manuscrit venu de SainteHélène, une cause honorable, a voulu n'y voir qu'une spéculation de librairie. « La réfutation, » a-t-il dit, n'est qu'un prétexte, à l'aide duquet ≫ on a espéré que l'ouvrage serait imprimé im » punément, et qu'on lui donnerait par-là une » vogue immense. Cela est si vrai, qu'on trouve placés au commencement et à la fin du Ma»nuscrit de Sainte-Hélène, les mêmes avertis> semens qui, dans l'édition véritable, se trou» vent en tête et à la fin de cet ouvrage ; de sorte

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» qu'il est évident qu'on a voulu pouvoir sou

» tenir la concurrence avec l'ouvrage véri

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>> Il est donc évident, aux yeux de M. l'avocat du Roi,qu'en faisant réimprimer le Manuscrit venu de Sainte-Hélène, nous avons voulu pouvoir soutenir la concurrence, mais, si cela est évident, il y a une chose qui doit l'être également : c'est que le Manuscrit venu de Sainte-Hélène se vendait en France, et qu'il s'y vendait à très-bas prix; car il n'y a pas de concurrence, là où il n'y a pas liberté dans le concours. Mais si, comme nous en avons la certitude, ce Manuscrit se vendait à très-bas prix avant que nous l'eussions donné à réinprimer, et s'il se vendait sans que personne fût recherché, ce n'est donc pás nous qui l'avons publié; et nous ne pouvons pas être coupables pour avoir voulu en détruire l'effet, à moins que les personnes avec lesquelles M. l'avocat du Roi dit que nous voulions soutenir la concurn'eussent reçu un privilége pour le vendre sans réfutation.

rence,

» Si un de ces hommes qui spéculent sur le scandale, ou sur la curiosité du public, nous eût reproché d'avoir cédé à un mouvement de cupidité, en insérant ce mémoire dans notre ouvrage, Hous en eussions été peu surpris et peu affectés : ce n'est pas la faute des gens s'ils ne peuvent s'élever qu'à des pensées basses. Mais que M. l'avocat du Roi, qui a des pensées et des sentimens

si élevés, nous ait adressé un semblable reproche, c'est ce qui nous a surpris et affligés. Permettez-nous, Messieurs, de vous donner quelques explications qui, je l'espère, feront disparaître les soupçons que M. l'avocat du Roi a voulu faire peser sur nous.

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Lorsque, vers la fin de 1815, nous discontinuâmes la publication du Censeur, cet ouvrage avait obtenu un succès assez considérable. Nous avions été obligés de faire plusieurs éditions des quatre premiers volumes; les volumes cinq, six et sept avaient été tirés à près de cinq mille exemplaires. Des réflexions faites pendant l'interruption de nos travaux, nous ayant fait apercevoir que les dangers qui menaçaient la liberté publique, venaient encore plus du côté du peuple que du côté du gouvernement, nous crûmes qu'il fallait donner un peu moins d'attention aux actes de l'autorité, qui nous paraîtraient mériter d'être critiqués et en donner un peu plus aux fausses idées ou aux passions populaires. Cela déplaçait l'objet de nos eritiques, et nous obligeait à les faire peser bien moins sur les hommes saisis du pouvoir, que sur les hommes qui s'y trouvaient soumis, et qui pouvaient aspirer à s'en emparer. Voici ce qu'on trouve, en effet, dans la page 3 de l'avant-propos placé en tête du premier volume du Censeur Européen.

La marche violente que les gouvernemens » ont quelquefois suivie, a pu faire croire que » tous les dangers auxquels les libertés des peu

ples se trouvent exposées, venaient tous du » côté des gouvernemens. Cette opinion a dû » diriger toutes les attentions et toutes les atta» qués vers les hommes en possession de l'auto

rité. Il est résulté de là qu'on n'a jamis vu que » la partie la plus faible des dangers, et que tous >> les efforts qu'on a faits pour conquérir la li»berté, ont presque toujours tourné au profit » du despotisme. Pour qu'un petiple soit libre, il ne suffit pas qu'il ait une constitution et » des lois; il faut qu'il se trouvé dans son sein » des hommies qui les entendent, d'autres qui veuillent les exécuter, et d'autrès qui sachent les faire respecter.

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» Le ministre qui a proposé une mauvaise ploi, n'est pas plus blamable que les hommes » qui l'ont sollicitée, que le conseil qui l'a pré

parée, que les chambres qui l'ont adoptée, >> et que le peuple qui n'a pas vu qu'elle était » mauvaise. Se plaindre, dans ce cas, du >> ministre seul, c'est une peine intitile, et quel» quefois dangereuse pour le public, puisqu'on » lui inspire le desir d'un changement sans lui faire voir comment il sera mieux.

Ainsi, au lieu de elercher à fixer-latten

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