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des peuples sont étroitement liés ensemble, nous avons cru faire une chose utile à tous, en réimprimant un mémoire qui était déjà connu dans tous les pays, et en démontrant que celui auquel on l'attribuait avait constamment fait la guerre à l'espèce humaine.

» Dans cette position, comment devions nous nous y prendre pour faire une réfutation qui produisit l'effet que nous voulions en obtenir ? Devious-nous chercher à prouver que le Manuscrit de Sainte-Hélène était contraire à la charte française, à la constitution du royaume des PaysBas, ou aux constitutions d'Allemagne ? Devionsnous chercher à prouver que celui qu'on en disait l'auteur, avait fait la guerre aux gouvernemens, en même temps qu'il avait opprimé les peuples, et qu'il était essentiellement ennemi de la légitimité? Cette preuve eût été fort utile, sans doute; mais je ne voudrais pas affirmer qu'elle eût détruit l'espèce de popularité que quelques hommes ont voulu donner à Bonaparte dans divers états de l'Europe. Pour détruire cet homme dans l'opinion, il fallait prouver qu'il était précisément le 'contraire de ce qu'on le croyait, et qu'il ne pouvait pas y avoir au monde un ennemi plus opiniâtre et plus dangereux que lui, de la liberté des peuples. Si M. l'avocat dụ Roi eût

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examiné la réfutation dans cet esprit, il ne l'aurait trouvé ni incomplète ni inconstitutionnelle.

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>> Ces reproches d'ailleurs ne sont pas aussi bien fondés que M. l'avocat du Roi a paru le croire. A proprement parler, il n'y a d'écrits inconstitutionnels que les écrits dont les auteurs sont punissables, ou qui peuvent donner naissance à une action civile; tous les autres ne sont que le résultat de l'exercice d'un droit garanti par la constitution elle-même, et il serait bien étrange que celui qui use d'un droit garanti par la constitution, pût être accusé pour cela d'avoir agi inconstitutionnellement. M. l'avocat du Roi trouve dans la réfutation des théories qu'il désapprouve; mais avant de les désapprouver, et de les présenter comme supplément de délit, il faudrait bien s'assurer qu'elles y sont : or, c'est ce qui paraît n'avoir pas été fait.

» On nous a reproché, par exemple, d'avoir établi en principe que le terrible droit de paix et de guerre ne doit pas faire partie de la prérogative royale, et l'on a ajouté que si ce droit n'était pas accordé au prince, il ne pouvait pas exister de véritable monarchie. Nous n'avons point à examiner ici l'utilité ou le danger qui pourrait résulter de ce principe, si en effet il était admis. La seule chose dont nous ayons à nous

occuper, c'est de vérifier si le fait qui sert de base à l'imputation, existe réellement dans la réfutation. Avant de vous donner lecture du passage dans lequel on a cru le voir, permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler que Bonaparte n'a jamais eu le droit de faire la paix ou la guerre ·á sa volonté; que la loi constitutionnelle de l'an 8, portait (art. 50) que les déclarations de guerre et les traités paix, d'alliance et de commerce, seraient proposés, discutés, décrétés et promulgués comme des lois; que le sénat, en le déposant, se fonda principalement sur la violation de cette disposition; enfin, que le passage qui sert de base à l'accusation avait pour objet de prouver que la nation française avait désavoué les envahissemens faits par Bonaparte, et que par conséquent elle n'avait pas mérité les rigueurs dont ses ennemis l'ont accablée. Voici donc ce passage:

« Si Bonaparte a détruit les principes de lé»gislation que la révolution avait établis, il n'a » pas mieux respecté les principes de politique extérieure. Par leur constitution de 1791', les Français avaient déclaré qu'ils renonçaient à entreprendre aucune guerre dans la vue de >> faire des conquêtes, et qu'ils n'emploieraient jamais leurs forces contre la liberté d'aucun peuple. Cette déclaration, faite par une assemblée

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qui ne reconnaissait aucune autorité au-dessus » de la sienne, était incontestablement l'expres>>sion du vœu national. Or, Bonaparte peut-il

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dire qu'ill'a respecté, lui qui, en paraissant en Italie, y prend le langage du maître ; qui pré» tend qu'il n'était pas seulement chargé de gou» verner la France, mais de lui soumettre le >> monde; qui donnait Venise à la Lombardie, » et le Tyrol à la Bavière ; qui asservissait des

'peuples pour les donner à ses frères ; qui s'em» 'para de l'Italie, de Naples, de la Hollande, du

Piémont, d'une partie de l'Allemagne, et qui » 'fit une guerre atroce à l'Espagne et à la Russie, »'parce que la première ne voulut pas recevoir » le roi Joseph, et que la seconde ne voulut pas » se laisser réduire à une complète nullité, et » prétendit rester maîtresse chez elle.»

On nous a blâmés, en outre, d'avoir reproché à Bonaparte la destruction des administrations communales et des administrations des départemens: on a cru voir dans ce reproche de l'admiration pour les institutions de l'assemblée constituante, et des sentimens républicains. Il est vrai que nous avons regretté et que nous regrettons encore les administrations municipales; mais. il n'est point exact de dire qu'elles sont nées de la révolution; il y avait six siècles qu'elles exis

taient, lorsque l'assemblée constituante les régularisa. La faculté de nommer leurs administrateurs avait été vendue à nos aïeux par le prince qui affranchit les communes ; et l'on conviendra que des hommes qui ne seraient pas plus républicains que Louis-le-Gros, ne seraient pas dangereux pour la monarchie (1).

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Enfin, nous avons regretté que Bonaparte eût tout envahi dans l'état, et certes, nos regrets ont été bien sincères : mais ces regrets, bien loin d'être contraires à la monarchie, sont au contraire dans ses intérêts; nous en avons pour garant l'auteur de l'Esprit des Lois, qui était un partisan très-zélé de cette forme de gouvernement. Voici comment il s'exprime

« Comme les démocraties se perdent, lorsque » le peuple dépouille le sénat, les magistrats et » les juges de leurs fonctions; les monarchies se » corrompent, lorsqu'on ôte peu à peu les prérogatives des corps et les priviléges des villes. » Dans le premier cas, on va au despotisme » de tous; dans l'autre, au despotisme d'un » seul. ».

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Ce qui perdit les dynasties de Tsin et de » Soui, dit un auteur chinois, c'est qu'au lieu

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(1) Voyez le préambule de la charte.

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