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vrait pour faire rectifier l'ordonnance de prévention, peut-il ensuite, à l'audience, demander que cette ordonnance soit modifiée ? Peut-il y faire entrer de nouveaux faits, ou ajouter à ceux qui s'y trouvent spécifiés, des circonstances qui Jes dénaturent, des circonstances qui les rendent punissables, tandis qu'ils ne le sont pas de la manière dont ils sont caractérisés dans l'ordonnance de prévention ?

» VI. L'art. 5 de la loi du 9 novembre 1815 qualifie délit la tentative d'affaiblir l'autorité royale par des injures ou des calomnies. Que faut-il entendre par les mots AUTORITÉ ROYALE dans le sens de cet article et dans celui de la loi de 1815 Ces mots signifient-ils la même chose que le mot GOUVERNEMENT? Toutes les attaques contre le gouvernement peuvent-elles être considérées comme des tentatives d'affaiblir

par

des injures ou des calomnies, l'autorité du Roi? S'il est constant qu'on n'a reproché au gouvernement que des faits vrais et prouvés, et qu'on ne lui a reproché ces faits que dans la vue de l'affermir, peut-on dire qu'en reprochant ces faits vrais au gouvernement, on a tendu, par des injures ou des calomnies, à affaiblir l'autorité du Roi?

» VII. Enfin, le tribunal à qui l'on défère un

ouvrage comme renfermant des injures ou des calomnies tendantes à affaiblir le respect dû à l'autorité du Roi, peut-il se dispenser de désiguer dans son jugement, les mots, les lignes, les passages où se trouvent ces injures ou ces calomnies, et peut-il ordonner la suppression de plus de mots, de lignes et de passages qu'il n'en signale éomme renfermant ces mêmes injures ou ces mêmes calomnies? Peut-il dire que l'ouvrage qu'on lui a déféré a une tendance générale à injurier ou à calomnier? Que les injures ou les calomnies résultent de l'ensemble de l'ouvrage, alors même qu'aucun fait injurieux ou calomnieux n'est articulé, et ordonner ainsi la suppression de l'ouvrage entier? Les auteurs ne pourront-ils pas le faire réimprimer pour le livrer au public, en en retranchant tout ce que le tribunal aura expressément signalé comme injurieux ou calomnieux?

» VII. Les lois générales, en matière civile et en matière criminelle, reconnaissent qu'on peut exécuter un fait dommageable, sans être tenu à autre chose qu'à réparer le dommage qu'on a causé; cela a lieu, soit que le fait nuisible ait été commis sans intention de nuire, ou qu'il n'ait pas été prévu et déclaré punissable par la loi.

» Cette règle souffre-t-elle exception toutes les fois qu'il s'agit du mal qu'on a pu causer

par

la divulgation de ses pensées, ou par la tentative de les divulguer? Tout écrivain qui publie des pensées qui peuvent être nuisibles, doit-il être considéré comme s'étant rendu coupable d'injure, de calomnie ou de provocation à la révolte, quoiqu'il n'ait été dans son intention de commettre aucun délit de cette nature?

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Lorsque le ministère public a reconnu qu'un écrivain n'avait pas eu l'intention de provoquer à tel ou tel acte, ou de commettre tel ou tel délit, peut-il, en faisant abstraction de la volonté de cet écrivain, rechercher en critique quel sera le résultat probable de son ouvrage, et demander qu'il soit puni comme s'il avait voulu obtenir ce résultat ?

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Lorsqu'un individu a commis ou tenté de commettre un délit au moyen d'un écrit,'celui qui, dans un autre temps, imprime ou fait imprimer cet écrit, se rend-il coupable du même délit ou du même crime que celui qui en a été l'auteur originaire, quoique la réimpression soit faite dans un but entièrement opposé ?

Sur ces questions, le tribunal a rendu le jugement suivant.

JUGEMENT.

«En ce qui touche les sieurs Comte et Du

noyer,

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Attendu, relativement aux moyens préjudiciels présentés par eux;

» Sur le premier, que la nullité de la première saisie par simple vice de forme, sans jugement au fond, n'entraînait pas l'anéantissement du droit de poursuivre le délit ; qu'ainsi il a pu être procédé à une seconde saisie; que cette seconde saisie ne peut être assimilée à un récolement, puisqu'il n'existe plus de saisie précédente; qu'elle a été faite sur les propriétaires, entre les mains d'un détenteur qui possédait pour eux, et eux dûment appelés; qu'elle est valable, et a été maintenue provisoirement dans le délai déterminé la loi;

par

» Sur le deuxième moyen préjudiciel, que quand la censure existait, ce n'était pas au dépôt et au récépissé du nombre des exemplaires prescrits, mais à l'approbation formelle des ouvrages constatée par un procès-verbal, qu'était attachée la décharge de la responsabilité des auteurs ; qu'aujourd'hui la censure étant supprimée, la condition à laquelle était attachée cette décharge

de responsabilité, ne peut plus être remplie ; que le dépôt et le récépissé ne peuvent remplacer le procès-verbal d'approbation; qu'au surplus, la loi étendant la suppression d'un ouvrage saisi et condamné à l'ouvrage entier, cette suppression ne peut être restreinte aux seuls passages jugés coupables; que les sieurs Comte et Dunoyer ne. peuvent même s'appuyer, pour obtenir cette restriction, sur ce qu'ils ont exécuté la loi ; puisqu'ayant reçu de l'imprimeur un certain nombre d'exemplaires de leur ouvrage avant que le récépissé du dépôt eût été délivré, il est établi qu'ils l'ont enfreinte ;

» Sur le troisième moyen préjudiciel', que l'ordonnance de prévention de la chambre du conseil qui a saisi le tribunal, est conforme à ce qu'exige l'art. 130 du Code d'instruction criminelle, propre à ces ordonnances; que le délit a d'ailleurs été qualifié d'une manière suffisante; qu'il n'était pas nécessaire d'ajouter qu'il avait été commis par injures et calomnies.

» Attendu, relativement au fond,

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Que la liberté de la presse emporte le droit de publier et de faire imprimer ses opinions sur toutes sortés de matières, de discuter et d'examiner tous les actes du gouvernement sans exception, tant

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