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qu'un effort de plus semblait devoir les renverser de leurs places; ils étaient leurs amis quand un succès venait les y raffermir, et que leurs rivaux n'avaient à espérer qu'un partage.

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Lorsque le chef des anciens conquérans, Charles Stuart, fut prisonnier des sujets d'Angleterre, les sujets s'applaudissaient d'avoir, au milieu d'eux, un représentant de tout le parti contraire, avec qui ils pouvaient, sans délais et sans longues formalités, traiter et s'entendre sur la paix. On avait négocié, on était tombé d'accord, le pacte allait se conclure, on n'y stipulait qu'une réduction du pouvoir; c'était-là tout ce que voulaient les libéraux; mais les saints intervinrent; leur colère se déchaîna à la fois contre leurs amis et contre le roi; le roi périt (1); ils subjuguèrent leurs amis, et disputèrent à ceux dont ils avaient tué le chef, la possession du sol et des hommes de l'Angleterre.

Alors disparurent en un seul coup toutes les espérances de la liberté. Les saints triomphèrent;

(1) Nous avons dit, dans la première partie de ce récit, que Charles Fer. fut condamné au nom des sujets. Cette attestation de leur volonté n'était qu'une fiction; la mort du roi ne fut pas leur ouvrage. Ceci peut paraître maintenant une énigme; mais la suite l'expliquera.

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les Anglais furent leur conquête. La mer leur avait jadis apporté leurs premiers vainqueurs ; maintenant, c'était le sol même de la patrie qui leur produisait des maîtres.

Nous devons retourner sur nos pas pour aller chercher dans leur principe les événemens dé cette triste histoire. Cette seconde tâche nous sera plus pénible que la première. Dans le récit que nous avons achevé, nous poursuivions de nos vœux ceux qui combattaient pour être libres, et nous n'avions pas même à trembler pour les hommes de l'autre cause; la liberté ne veut point de malheureux. Désormais, nous n'offrirons à la vue que des massacres sans fruit pour l'humanité, la liberté trahie, les hommes foulés aux pieds par des hommes de la mêmè patrie et de la même civilisation.

(1642-1644.) Du moment que l'étendard des maîtres, arboré à Nottingham, avait donné le signal de la guerre, les députés des sujets, représentans et guides du peuple dans la lutte d'opinion qu'il venait de soutenir, restèrent ses guides dans la nouvelle lutte qui s'ouvrait ; ils prirent l'épée et ils marchèrent, ralliant à eux les hommes qui ne pouvaient plus vivre sans

liberté. Une partie des députés veillait dans les camps, l'autre partie veillait dans la ville, ohservant de là tous les mouvemens, assignant les postes, distribuant les travaux, prenant conseil sur les mesures, rassemblant et employant les sommes dont chacun contribuait pour la cause commune. Dans cette situation, les membres qui servaient dans les quartiers ne se regardaient point comme séparés de ceux qui servaient à Londres; tout se traitait en commun, chacun soumettait ses avis à la raison de tous les autres; celui qu'on rappelait de l'armée à la chambre, celui qu'on mandait de la chambre à l'armée, changeaient de rôle au premier avis et sans murmure. Mais il y eut des hommes auxquels cette promiscuité déplut, non par égard pour le bien public, mais à cause de leur intérêt; ils voulaient attirer la vue, et se rendre plus remarquables que tous les autres; pour cela, il fallait être fixé quelque part; il fallait avoir en propre quelque branche du service national.

Ces hommes, d'une profondeur d'esprit plus grande qu'il n'est nécessaire à ceux qui emploient leur force, dans le seul dessein de repousser une force qui les gêne, entreprirent de s'attribuer le privilége de conduire les sujets armés, et par suite le privilége de porter les armes pour les

sujets. C'était prendre en monopole toutes les sauve-gardés de la liberté. Pour ne donner aucune défiance, ils s'étaient mêlés à ce qu'il y avait de plus énergique parmi les défenseurs du pays; ils affectaient les mœurs et le dévouement d'une secte particulière, que son ardeur pour l'indépendance avait fait appeler du nom même de l'indépendance, et dans laquelle figurait Henri Vane, l'un des plus beaux caractères de ce temps (1)..

C'était la première fois qu'on voyait un parti se former au milieu des sujets; jusques-là tout avait paru commun, les desseins et les vœux, comme les dangers. Olivier Cromwell, membre du parlement et lieutenant-général, semblait être le chef et le mobile de la faction. Cet homme, dans ses assauts de zèle avec les indépendans, poussait souvent ses propos jusqu'à une exagération qui laissait soupçonner des vues étrangères à l'objet du combat. « Rien ne sera fait, disait, il, tant qu'un seul des maîtres existera (2). » Ainsi il proscrivait toute espèce d'accord. Les

(1) Hume's history of England, chap, LvII.

(2) He told, that it never would be well with England till there were ne'er a lord or peer in the kingdom.

(Hume's history of England, chap. LVII.):

pauvres sujets n'en demandaient pas tant ; moins de servitude leur eût suffi à défaut de l'extrême liberté. D'ailleurs cette extermination des conquérans à laquelle il se montrait acharné, ce n'était pas comme une œuvre des sujets qu'il la desirait, mais comme son œuvre et celle de ses amis ; la nation le génait, s'occupant de sa délivrance; il voulait lui persuader de poser les armes et de confier à d'antres mains le soin de son affranchissement. » Si la nation cessait d'être une armée et laissait créer une armée hors d'elle, on pourrait gagner cette armée, et avec cette armée gagner la nation : » tel était son raisonnement secret. Cromwell essayait ses projets en les laissant quelquefois paraître. « Liez-vous aux honnêtes gens, disait-il à Manchester, et bientôt vous serez des premiers dans une troupe devant qui plieront les maîtres et les sujets (1) ».

Ceux qui voulaient que les armes de la nation leur fussent remises, firent répandre des bruits fàcheux sur la double fonction qu'exerçaient plusieurs députés à l'armée et au conseil. On disait

(3) « Yf you will stick firm to honest men, you shall find yourself at the head of an army, which shall give law both to the king and parliament. »

(Hume's history of England, chap. LVII.)

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