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INNOCENT PP. XI.

INNOCENTIUS PP. XI.

Venerabilis Frater, salutem, et apostolicam benedictionem. Rationem ac methodum, quâ præclaram Delphini indolem optimis artibus, ab ineunte ætate, imbuendam suscepit Fraternitas tua, et feliciter adolescentem in præsens imbuit; eleganter copiosèque descriptam in tuis litteris, dignam judicavimus, cui perlegendæ curis subtraheremus. Et quidem jacta à te, quasi tempus aliquod gravissimis christianæ reipublicæ in fertili solo, semina virtutum in ejus Principis animo, quem maximi et clarissimi imperii hæredem olim futurum jam suspicit, et sub inclyti parentis disciplinà defensorem propagatoremque fidei expectat Ecclesia universa, uberem publicæ felicitatis ac lætitiæ messem pollicentur. Inter plurima autem liberalis doctrinæ, et veræ sapientiæ monita, quibus regiam Delphini mentem informas, illa in primis laudanda, ac sæpius inculcanda videntur, quæ regni rectè administrandi regulas, et utilitatem populorum, cum regis ipsius rationibus ac laude conjunctam respiciunt : quem industriæ ac pietati tuæ scopum propositum à te fuisse non dubitamus. Intelliget profectò suo tempore, et magno sanè cum fructu reipublicæ, grataque haustæ à te disciplinæ recordatione Delphinus, non tam pulchrum et præclarum esse regiâ edi sorte, quàm uti sapienter : nihil regia dignitate ac magnitudine dignius quàm traditam à Deo amplissimam potestatem non ad explendas cupiditates suas, et ad inanis gloriæ ambitum, sed in præsidium ac patrocinium generis humani unicè conferre: nihil cogitare, nullum opus aggredi quod vel ab æquitatis et

Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique. La méthode que vous vous êtes proposée pour former dès ses plus tendres années aux bonnes choses le Dauphin de France, et que vous continuez d'employer avec tant de succès auprès de ce jeune prince, pendant qu'il s'avance à un âge plus mir, nous a paru mériter que nous dérobassions quelque temps aux importantes affaires de la chrétienté, pour lire la lettre où vous avez si élégamment et si pleinement décrit cette méthode. La félicité publique sera le fruit de la bonne semence que vous jetterez, comme dans une terre fertile, dans l'esprit d'un prince que toute l'Église respecte déja comme l'héritier d'un si grand royaume, et qu'elle voit, sous la conduite d'un illustre père, se rendre digne non seulement de protéger la foi catholique, mais encore de l'etendre. Entre tant d'instructions de la véritable sagesse, dont vous remplissez l'esprit du Dauphin, celles-là sans doute sont les plus belles et les plus dignes d'ètre inculquées sans cesse, qui apprennent à unir ensemble comme choses inséparables, les intérêts et la gloire des rois avec le bien de leurs peuples, et les règles d'un bon gouvernement. Le prince que vous instruisez connoîtra un jour, avec un grand accroissement du bien public et un agréable ressouvenir de l'éducation qu'il aura reçue de vous, qu'il n'est point si beau ni si glorieux d'être né dans la royauté, que de savoir s'en bien servir, et que le plus digne emploi qu'un prince puisse faire de cette puissance souveraine qu'il reçoit de Dieu, c'est de la faire uniquement servir, non pas à contenter ses passions ou le desir d'une gloire vaine, mais à procurer le bonheur du genre humain. Il connoitra qu'il ne doit jamais former de desseins ni commencer d'entreprises qui s'éloignent de la voie de la justice, et qui ne se rapportent à l'avan-justitiæ semità deflectat, vel ad divini honoris cement de la gloire de Dieu, pensant souvent en lui-même que les biens dont nous jouissons en cette vie, comme ils sont des presents de Dieu, doivent être rapportés à celui qui nous les a donnés, et devant qui s'élèvent ou tombent comme il lui plaît les plus triomphants et les plus florissants empires. Au reste, pour ce qui regarde le Siége apostolique, nous espérons que ce prince sera puissamment excité à lai donner dans toutes les occasions des marques d'une obéissance filiale, tant par l'exemple des rois de France ses prédécesseurs, qui, par le respect qu'ils ont toujours eu pour le saint Siége, ont attiré sur ce royaume d'infinis trésors de la libéralité du ciel; que par la tendresse et l'affection véritablement maternelle, que nous ressentons pour lui dans notre cœur. Cependant nous ne cessons de rendre graces à la bonté de Dieu qu'il se soit trouvé un homme tel que vous, digne d'élever et d'instruire un prince né pour de si grandes choses; et nous lui demandons soigneusement dans nos prières que cette

incrementum non dirigatur; animo identidem reputando, bona omnia quibus in præsenti vitâ fruimur, à Deo profecta in Deum ipsum refundi debere, ad cujus nutum oriuntur et occidunt invictissima ac florentissima quæque imperia. Porrò ad apostolicam Sedem colendam, et omnibus filialis observantia officiis prosequendam, magno illi incitamento semper fore confidimus, tum religiosissimorum Galliæ Regum majorum suorum exempla, unde perennes in istud regnum fluxere cœlestis beneficentiæ thesauri : tum mutuam ac plane maternam ejusdem Sedis in ipso amplectendo charitatem. Nos interim Dei benignitati debitas habemus gratias, quod tantæ spei adolescenti par educator institutorque contigerit et accuratas fundimus preces, ut anima bona, quam Delphinus sortitus est, multò etiam institutione curâque tuâ melior fiat; et pariter erudiantur omnes, quijudicant terram. Tibique,

ame naturellement portée au bien, que le Dauphin a reçue en partage, y fasse chaque jour, par vos instructions et par vos soins, de nouveaux progrès, et qu'ainsi puissent être instruits à l'avenir tous ceux qui gouvernent la terre. Quant à vous, vénérable Frère, nous vous donnons de bon cœur notre bénédiction apostolique, comme une marque de l'amitié que nous vous portons et de la grande estime que nous faisons de votre vertu.

venerabilis Frater, apostolicam, benedictionem, indicem amoris ergate nostri, animique præclarè de tuâ virtute existimantis, peramanter impertimur.

Datum Romæ apud S. Petrum, sub annulo

Donné à Rome à Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le 19 avril 1679, et le IIIe de notre pontificat. Piscatoris, die xix Aprilis M. DC LXXIX, pontificatûs nostri anni tertii. Signatum Et hæc erat inscriptio :

Signé

MARIUS SPINULA.

Et au dessus :

A notre vénérable frère l'évêque
de Condom.

MARIUS SPINULA. Venerabili fratri episcopo Condomensi.

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Ne croyez pas, Monseigneur, qu'on vous reprenne si sévèrement pendant vos études, pour avoir simplement violé les règles de la grammaire en composant. Il est sans doute honteux à un prince, qui doit avoir de l'ordre en tout, de tomber en de telles fautes; mais nous regardons plus haut quand nous en sommes si fâché; car nous ne blâmons pas tant la faute elle-même, que le défaut d'attention, qui en est la cause. Ce défaut d'attention vous fait maintenant confondre l'ordre des paroles; mais si nous laissons vieillir et fortifier cette mauvaise habitude, quand vous viendrez à manier, non plus les paroles, mais les choses mêmes, vous en troublerez tout l'ordre. Vous parlez maintenant contre les lois de la grammaire; alors vous mépriserez les préceptes de la raison. Maintenant vous placez mal les paroles, alors vous placerez mal les choses; vous récompenserez au lieu de punir, vous punirez quand il faudra récompenser, enfin vous ferez tout sans ordre, si vous ne vous accoutumez dès votre enfance à tenir votre esprit attentif, à régler ses mouvements vagues et incertains, et à penser sérieuse-ment en vous-même à ce que vous avez à faire.

SERENISSIMO DELPHINO..

Noli putare, Princeps, te liberalibus studiíš operantem adeo graviter increpari eo tantùm nomine, quòd præter grammaticæ leges, verba sententiasque colloces. Id quidem turpe Principi, in quo composita omnia esse decet. Verùm altius inspicimus, cùm his erratis offendimur. Neque enim tam nobis erratum ipsum, quàm errati causa, incogitantia, displicet. Ea namque efficit ut verba confundas; quæ si consuetudo invalescere atque inveterascere sinitur, cùm res ipsas, non jam verba, tractabis, perturbabis rerum ordinem. Nunc contra grammaticæ leges loqueris; tum rationis præscripta non audies. Nunc verba, tum res ipsas alieno pones loco; mercedem pro supplicio, pro præmio supplicium usurpabis. Denique perturbatè omnia facies, nisi à puero assuescas attendere animum, motus ejus vagos atque incompositos cohibere, rerumque agendarum sedulò tecum ipse inire ratio

nem.

Ce qui fait que les grands princes comme vous, s'ils n'y prennent sérieusement garde, tombent fa-simè caveatis, ipsa rerum copia inertiam ingeneAc vobis quidem Principibus, nisi diligentiscilement dans la paresse et dans une espèce de langueur, c'est l'abondance où ils naissent. Le besoin éveille les autres hommes, et le soin de leur fortune les sollicite sans cesse au travail. Pour vous, à qui les biens nécessaires non seulement pour la vie, mais pour le plaisir et pour la grandeur, se présentent d'eux-mêmes, vous n'avez rien à gagner par le travail, rien à acquérir par le soin et l'industrie. Mais, Monseigneur, il ne faut pas croire que la sagesse vous vienne avec la même facilité, et sans que vous y travailliez soigneusement. Il n'est pas en notre pouvoir de vous mettre dans l'esprit ce qui

rat animique mollitiem. Cæteros sane mortales
egestas acuit; curæ ipsæ sollicitant, et instigant,
neque animum sinunt conquiescere. Vobis, cùm
omnia sive quæ ad vitam necessaria,
sive quæ
ad voluptatem suavia, sive quæ ad splendorem
illustria sunt, ultro se offerant; neque tantùm
suppetant, sed supersint; nihil omnino est in
ejusmodi rebus, quod labore quæratis, quod
studio atque industrià comparetis. Atqui, Prin-
ceps, non ita tibi sapientiæ fructus sine tuo
maximo labore provenient. Neque hæc, quæ ad

sert à cultiver la raison et la vertu, pendant que vous penserez à toute autre chose. Il faut donc vous exciter vous-même, vous appliquer, vous efforcer, afin que la raison domine toujours en vous. Ce doit être là toute votre occupation; vous n'avez que cela à faire et à penser. Car comme vous êtes né pour gouverner les hommes par la raison, et que pour cela il est nécessaire que vous en ayez plus que les autres, aussi les choses sont-elles disposées de sorte que les autres travaux ne vous regardent pas, et que vous avez uniquement à cultiver votre esprit, à former votre raison.

:

Pensez-vous que tant de peuples, tant d'armées, une nation si nombreuse, si belliqueuse, dont les esprits sont si inquiets, si industrieux et si fiers, puissent être gouvernés par un seul homme, s'il ne s'applique de toutes ses forces à un si grand ouvrage? N'eussiez-vous à conduire qu'un seul cheval un peu fougueux, vous n'en viendriez pas à bout, si vous lâchiez tout-à-fait la main, et si vous laissiez aller votre esprit ailleurs combien moins gouvernerezvous cette immense multitude, où bouillonnent tant de passions, tant de mouvements divers! Il viendra des guerres; il s'élèvera des séditions; un peuple emporté fera de toutes parts sentir sa fureur. Tous les jours de nouveaux troubles, de nouveaux dangers. On vous tendra des piéges vous serez environné de flatteurs, de fourbes: un brouillon remuera des provinces éloignées; un autre cabalera jusque dans votre cour, qui est le centre des affaires : il animera l'ambitieux, il soulèvera l'entreprenant, il aigrira le mécontent. A peine trouverez vous quelqu'un à qui vous puissiez vous fier: tout sera factions, artifices, trahisons. Au milieu de l'orage vous croirez qu'il n'y a qu'à demeurer tranquille dans votre cabinet, espérant, comme dit un de vos poètes, que les dieux feront vos affaires pendant que vous dormirez. Vous seriez loin de la vérité, si vous le pensiez. « C'est en veillant, disoit » sagement Caton, ainsi que Salluste l'a rapporté, » c'est en agissant, c'est en prenant bien son parti, » qu'on a d'heureux succès. Mais livrez-vous à une » lâche indolence, vous implorerez en vain les >> dieux ; ils sont en colère et disposés à vous nuire.» Voilà en effet ce qui arrive. Dieu ne nous a pas donné pour n'en pas faire usage, le flambeau qui nous éclaire sans discontinuation, cette faculté de nous rappeler le passé, de connoître le présent, de prévoir l'avenir. Quiconque ne daignera pas mettre à profit ce don du ciel, c'est une nécessité qu'il ait Dieu et les hommes pour ennemis. Car il ne faut pas s'attendre, ou que les hommes respectent celui qui méprise ce qui le fait homme, ou que Dieu protége celui qui n'aura fait aucun état de ses dons les plus excellents.

Que tardez-vous donc, Monseigneur, à prendre votre essor? que ne jetez-vous les yeux sur le plus grand des rois, votre auguste père, dont la paix et la guerre font également briller la vertu ; qui

10.

virtutem rationemque excolendam pertinent,
incogitanti possumus infundere. Quò magis ne-
cesse est ipse te excites; ipse animum adhibeas,
summoque studio contendas ut in te ratio valeat
vigeatque. Hic tibi labor
dum cogitandumque est. Cùm enim ipsâ ratione
unus, hoc unum agen-
homines tibi regendi sint, adeoque necesse sit
iis ut ratione præstes, ideo provisum est ut tibi
reliquorum ferè laborum omnium quædam ces-'
satio esset, quò uni animo rationique informandæ
incumberes.

An verò existimas tot populos, tot exercitus,
tantam denique gentem, tamque bellicosam,
tam mobiles animos, tam industrios, tam fero
operi, totis ingenii viribus, adlaboret? Ne equum
ces, unius imperio contineri posse, nisi is tanto
quidem unum, paulò ferociorem, manu molli et
languida, solutoque animo regere et coercere
queas : quantò minùs immensam illam multitu-
dinem diversissimis motibus et cupiditatibus
æstuantem! Bella ingruent; seditiones exsur-
gent; plebs efferata passim sæviet: novi quotidie
motus existent; nova urgebunt pericula. Ille te
insidiis, hic blanditiis ac fraudibus petet; alius,
rerum novarum cupidus, provincias remotissi-
mas concitabit; alius ipsam adortus Aulam, hoc
est ipsum rerum caput, eam factionibus distra-
het; hujus ambitionem, hujus effrænem ac præ-
cipitem audaciam, hujus animum ægrum et
saucium commovebit. Vix quemquam invenias
satìs tibi fidum; adeo turbis, proditionibus, pes-
simisque artibus omnia miscebuntur. Tu mihi
interea domi tot inter tempestates securus ac
placidus desidebis, sperabisque, ut comicus tuus
ait, dormienti tibi omnia confecturos deos. Næ
tu, si id putas, falsus animi es. Præclarè Cato
apud Sallustium : « Vigilando, agendo, bene
» consulendo, prosperè omnia cedunt. Ubi so-
» cordiæ tete atque ignaviæ tradideris, necquic-
>> quam deos implores : irati, infestique sunt. »
Sic profectò res habet. Non frustra nobis Deus
indidit vividam illam aciem, atque indefessam
animi vim, quà et præterita recordamur, et præ-
sentia complectimur, et futura prospicimus. Id
cœlestc munus quicumque in se neglexerit,
Deum hominesque necesse est adversissimos ha-
beat. Neque enim aut homines verebuntureum,
quid id, quo homo est, aspernetur; aut adjuva-
bit Deus, qui jam amplissima dona contemp-
serit.

Quin tu igitur expergisceris, Princeps, atque intueris summum virum parentem tuum, Regum maximum? hic pace belloque juxtà bonus, re

ad exterorum Principum mandata respondet; suis ipse legatis quid fieri velit, ostendit, ac rerum tractandarum arcana docet; optimis legibus constituit rempublicam; alios aliò dirigit, alios ipse ductat exercitus, ac summam rerum mente complexus, singulis quoque curis adjicit animum. Atque ille quidem avet tecum communicare consilia, ac teneram ætatem regnandi artibus informare. Finge modò animum tantis bus acceperis, sed quantà vigilantiâ retinere rebus parem. Neque quantum imperium à majoriillud, ac tueri valeas, fac cogites; neque occupatissimam ac negotiosissimam vitam tuam ab incogitantiâ atque desidià inchoatam velis. His quippe initiis omnem animi lucem extinxeris, ac præclaro licèt natus ingenio, tantum Dei munus aut ipse ultrò amiseris, aut rebus gerendis prorsus inutile effeceris. Quò enim tibi arma, quamvis affabrè facta, nisi ad manum habeas? aut quò tibi animus atque ingenium, nisi eo diligenter utaris, ejusque aciem intendas? Scilicet ea tibi bona omnia peribunt: utque si à saltando aut scribendo desistas, ipsa desuetudo in impe

préside à tout; qui donne lui-même aux ministres | bus omnibus præest, consilia omnia moderatur; étrangers ses réponses, et aux siens les lumières dont ils ont besoin pour exécuter ses ordres; qui établit dans son royaume les plus sages lois; qui décide la marche de ses armées, et souvent les commande en personne; qui enfin, tout occupé des affaires générales, ne laisse pas d'embrasser les détails? Rien qu'il souhaite avec tant d'ardeur que de vous faire entrer dans ses vues, et de vous apprendre de bonne heare l'art de régner. Formez-vous un esprit qui réponde à de si hauts projets. Ne songez point combien est grand l'empire que vous ont laissé vos ancêtres; mais quelle vigilance il faudra que vous ayez pour le défendre et le conserver. Ne commencez pas par l'inapplication et par la paresse une vie qui doit être si occupée et si agissante. De tels commencements feroient qu'étant né avec beaucoup d'esprit, vous ne pourriez que vous imputer à vous-même l'extinction ou l'inutilité de cette lumière admirable, dont le riche présent vous vient du ciel. A quoi, en effet, vous serviroient des armes bien faites, si vous ne les avez jamais à la main? A quoi, de même, vous servira d'avoir de l'esprit, si vous ne l'employez pas, et que vous ne vous appliquiez pas? C'est autant de perdu. Et comme si vous cessiez de danser ou d'écrire, vous viendriez, manque d'habitude, à ou-ritiam desinat; ita planè nisi animum exerceas blier l'un et l'autre; de même, si vous n'exercez votre esprit, il s'engourdira, il tombera dans une espèce de lethargie; et quelques efforts que vous eus. siez alors envie de faire pour l'en tirer, vous n'y

serez plus à temps.

Alors il s'élèvera en vous de honteuses passions. Alors le goût du plaisir, et la colère, qui sont les plus dangereux conseillers des princes, vous porteront à toute sorte de crimes; et le flambeau qui seul auroit pu vous guider, étant une fois éteint, vous vous serez mis hors d'état de compter sur aucun secours. Vous comprenez aisément vous-même combien on seroit, dans une pareille situation, peu ca

pable de gouverner. Aussi n'est-ce pas à torì qu'un

homme emporté par ses passions est regardé comme n'étant plus maître de rien. Puisqu'il n'est pas son maître, comment le seroit-il des autres? esclave d'autant plus à plaindre, que sa servitude tombe sur cette partie de lui-même, sur cette raison, par la quelle Dieu a voulu que tous les hommes fussent libres. Qui voudra donc être maître, et tenu pour tel, qu'il commence par exercer sur lui-même son pouvoir qu'il sache commander à la colère que les plaisirs, malgré tout ce qu'ils auroient d'attrayant, ne le tyrannisent point qu'il jouisse toujours de sa raison. Or voilà ce qu'on ne doit attendre de personne, si ce n'est une habitude prise dans le bas âge.

Rappelez-vous, je vous en conjure, de quelle manière Denys le Tyran traita le fils de Dion, pendant qu'il l'eat en sa puissance. Tout ce qu'on peut imaginer de plus barbare, c'est ce que la haine qu'il avoit pour le père lui fit entreprendre contre le

et adtendas, is turpi veterno torpidus corrumpetur, neque cùm maximè velis languentem excitare, aut erigere jacentem, ullà industriâ pote

ris.

Interea fœdæ cupiditates exsurgent: libido, iracundia, perniciosissimi Principum consultores, te ad pessimum quodque facinus stimulabunt; atque obrutâ semel ingenii luce, ad eas pestes comprimendas nihil tibi auxilii reliqueris. Quod quàm alienum ab imperio sit, tute ipse per te facilè intelligas. Qui enim suis cupiditatibus rapitur, is meritò vocatur impotens. Neque valere quidquam ille putandus est, qui cùm cæteris imperet, ipse sui potens non est. Cujus sanè eò est gravior ac tristior servitus, quòd eâ parte serviat, quam omninò sui juris Deus esse voluit: ea est animus, ac mens. Igitur qui potens esse et haberi vult, is à se imperandi ducat initium; modum imponat iræ; voluptates quamvis blandientes coerceat, et castiget: animum denique suum habeat in potestate. Quod nemo sibi comparaverit, nisi seriò agere, atque ad rationis normam vitam exigere jam inde à puero instituerit.

Veniat in mentem, obsecro, Dionis filius, qui cùm in Dionysii Tyranni potestate esset, is parentis odio, acerbissima quæque in adolescentis perniciem cogitavit. Quid porrò fecerit, tui Cornelii

à

fils. Vous avez vu dans votre Cornelius Nepos, qu'in- | Nepotis prodit historia. Novum excogitavit ulventeur d'un nouveau genre de vengeance, il ne tira tionis genus: neque enim aut ferrum strinxit point l'épée contre cet enfant innocent, il ne le mit in puerum, aut in vincula conjecit, aut insonpoint en prison, il ne lui fit point souffrir la faim ou tem vexavit fame; verùm, quod luctuosius, la soif; mais, ce qui est plus déplorable, il corromanimi bona corrupit. Id autem quâ ratione perpit en lui toutes les bonnes qualités de l'ame. Pour fecit? nempe indulsit omnia, atque inconsultam exécuter ce dessein, il lui permit tout, et l'aban- adolescentiam suis permisit consiliis vivere. Itadonna, dans un age inconsidéré, à ses fantaisies, ses humeurs. Le jeune homme, emporté par le plai- brum prosiliit. Nemo regebat ætatem improvique adolescens, duce voluptate, in omne prosir, donna dans la plus affreuse debauche. Personne dam; nemo vitiis blandientibus repugnabat. n'avoit l'œil sur sa conduite; personne n'arrêtoit le torrent de ses passions. On contentoit tous ses de- Quidquid illi collibuerat, indulgebant; quidquid sirs; on louoit toutes ses fautes. Ainsi corrompu par erraverat, collaudabant. Sic animus fœdå aduune malheureuse flatterie, il se précipita dans toute latione corruptus, in omne flagitium præceps sorte de crimes. Mais considérez, Monseigneur, com- ruit. At intuere, Princeps, quantò faciliùs hobien plus facilement les hommes tombent dans le mines in libidinem proruant, quàm ad virtutis désordre, qu'on ne les raniène à l'amour de la vertu. studium revocentur. Postquam adolescens restiAprès que ce jeune homme eut été rendu à son père, tutus est patri, is custodes adhibuit qui eum à il fut mis entre les mains de gouverneurs qui n'ou- pristino victu deducerent. Sed id frustra fuit; blièrent rien pour qu'il changeât. Tout fut inutile: nam carere luce, quàm consuetis voluptatibus ear, plutôt que de se corriger, il aima mieux renon maluit, seque ex superiori parte dejecit ædium. cer à la vie, en se jetant du haut en bas de sa mai-Ex quo, duo quædam intelligis. Primum, amicos son. Tirez de là deux conséquences dont la première est que nos véritables amis sont ceux qui résistent à nos passions, et que ceux au contraire qui les favorisent sont nos plus cruels ennemis ; la seconde et la plus importante, que si de bonne heure on prend bien garde aux enfants, alors l'autorité paternelle et de bons documents peuvent beaucoup. Au contraire, si de mauvaises et fausses maximes leur entrent une fois dans l'esprit, alors la tyrannie de l'habitude se rend invincible, et il n'y a plus ni remède ni secret qui puisse guérir le mal. Pour empêcher qu'il ne devienne incurable, il faut le prévenir. Travaillez-y, Monseigneur; et afin que votre raison fasse les plus grands progrès, fuyez la dissipation, ne vous livrez point à de frivoles amase ments, mais nourrissez-vous de réflexions sages et salutaires; remplissez-vous-en l'esprit; faites en la règle de votre conduite, et accoutumez-vous à re. cneillir les fruits abondants qu'elles sont capables de produire.

eos esse qui nostris cupiditatibus obsistant, vel inimicissimos qui faveant. Tum illud imprimis: si pueris maturè cura adhibeatur, patriam auctoritatem et rectam institutionem valere: ubi pravis institutis præoccupatur animus, tum consuetudinis invictam esse vim, atque inveteratum morbum frustra remediis aut arte tentari. Huic igitur malo, ne fiat insanabile, quàm primùm occurrendum. In id incumbe, Princeps, atque ut in te ratio maximè invalescat, ne tu animum huc illuc divagari, aut rebus inanibus pasci sinas; sed eum alas optimis sanctissimisque cogitationibus, has sectetur, his adhærescat, his penitus imbuatur, ex his fructus capere uberri

mos assuescat.

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