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MÉMOIRE

DE CE QUI EST A CORRIGER

DANS LA NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE

DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES DE M. DUPIN.

AVERTISSEMENT

DES ÉDITEURS DE VERSAILLES.

Nous complétons le dixième volume des Euvres de Bossuet par plusieurs petits ouvrages, dont la plupart furent imprimés pour la première fois en 1753, parmi les OEuvres posthumes, tom. 11 et 1 in-4°. Le premier de

ces écrits est intitulé: MÉMOIRE de ce qui est a CORRIGER DANS LA BIBLIOTHÈQUE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES DE M. DUPIN, Bossuet présidant à une thèse soutenue par l'abbé Fagon, au collège de Navarre en 1692, avoit attaqué publiquement la manière dont l'abbé Dupin s'étoit exprimé au sujet du péché originel. En conséquence, la Faculté nomma des députés pour examiner le livre du docteur. Plusieurs écrivains, parmi lesquels il faut mettre au premier rang les bénédictins de Saint-Vannes, le critiquèrent et le réfutèrent solidement. Mais Dupin ne reconnoissoit point ses torts. Son obstination engagea Bossuet à chercher des moyens plus efficaces. Il dressa, pour le chancelier Boucherat, le Mémoire dont nous parlons. Il y relève les omissions, les erreurs, les singularités qui paroissent dans les premiers volumes de la Bibliothèque

des Auteurs ecclésiastiques.

Rien n'étoit plus répréhensible, dans cette Bibliothèque, que l'Histoire des conciles d'Ephèse et de Chalcédoine; et cependant les censeurs avoient fort loué l'érudition et l'exactitude de l'auteur. Ce fut cc qui détermina Bossuet à composer le second des écrits que nous annonçons. Il est intitulé: REMARQUES SUR L'HISTOIRE DES CONCILES D'EPHÈSE ET DE CHALCEDOINE PAR M. DUPIN. C'est la suite du premier Mémoire. Bossuet y prouve que Dupin a donné atteinte à l'autorité légitime du Saint-Siége, et affoibli, par des récits inexacts, le respect qu'on doit aux deux conciles dont il a donné l'histoire. L'abbé Dupin finit par s'expliquer d'une manière orthodoxe. Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. 111, liv. x, n. 2.

Nous plaçons à la suite de ces deux Mémoires les REMARQUES de Bossuet sur le livre intitulé: La mystique Cité de Dieu, compose en espagnol par Marie d'Agreda et traduit en françois. Ces remarques sont courtes, mais pleines de raison et de sagesse: on y voit que l'évêque de Meaux étoit bien éloigné d'adopter l'opinion des enthou

gneur et de sa sainte mère, contenue dans La mystique Cité de Dieu, comme un nouvel évangile écrit par l'inspiration du Saint-Esprit.

Les traités qui suivent ont été écrits pour défendre la morale chrétienne contre les maximes et les subtilités des mauvais théologiens, soit catholiques, soit protestants. Bossuet composa le TRAITÉ DE L'USURE en 1682, lorsque l'assemblée du clergé de France préparoit une censure de la morale relâchée. Personne n'avoit défendu l'usure avec plus d'art et d'érudition que Grotius: en le réfutant, on réfutoit tous les autres partisans de la mème doctrine.

Le prélat prouve que les principes de cet illustre auteur,

sur cette matière, sont faux, contraires à l'équité natu relle, et condamnés par l'Écriture sainte et par la tradition. Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. II, liv. vi, n. 24.

Le clergé de France assemblé en 1700 consomma l'ouvrage projeté par l'assemblée de 1682, et fit une censure des propositions erronées des casuistes relâchés. On dut cette censure à l'évêque de Meaux, qui avoit été nommé chef de la commission formée pour examiner les matières de morale. Ce fut à cette occasion que ce prélat composa les quatre petites dissertations latines que nous donnons à la fin de ce volume. Elles furent imprimées et distribuées aux membres de l'assemblée, peu de jours avant qu'elle prononcât son jugement, afin de mettre les juges au fait de tous les raffinements des Probabilistes. La première est sur le doute dans l'affaire du salut; la seconde est sur l'opinion la moins probable et tout à la fois la moins sûre; la troisième est sur la conscience; la quatrième, sur la prudence. Voyez l'Histoire de Bossuet, tom. iv, liv. x1, n. 5.

MÉMOIRE.

Les erreurs contenues dans cette Bibliothèque ont paru principalement depuis la Réponse aux Remarques des Pères de Saint-Vannes, que M. Dupia a publiée; parcequ'après avoir été averti de ses erreurs, loin de se corriger, il les a non seulement soutenues, mais encore augmentées, comme on va voir.

Sur le Péché originel.

Voici comment l'auteur rapporte lui-même sa

siastes qui regardoient la nouvelle histoire de notre Sei-doctrine dans sa Réponse, page 50. « J'ai remar

MÉMOIRE SUR LA BIBLIOTH. ECCLÉS. DE M. DUPIN.

» qué, touchant le péché originel, que tous les >> Pères des trois premiers siècles ont reconnu les » peines et les plaies du péché d'Adam; mais » qu'ils ne semblent pas être demeurés d'accord » que les enfants naquissent dans le péché, et >> dignes de la damnation; que c'étoit cependant le » sentiment commun, comme il paroît par saint » Cyprien. J'ai dit encore, en parlant de saint » Cyprien, qu'il est le premier qui ait parlé bien » clairement sur le péché originel '. »

Voilà en effet ce qu'avoit écrit notre auteur dans son Abrégé de la Doctrine 2, et par-là il renverse manifestement la tradition du péché originel.

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meurés d'accord, comme l'assure notre auteur, il s'ensuivroit que cet article ne seroit pas un des principaux.

Il est vrai que notre auteur dit, en parlant du dogme du péché originel, que c'étoit le senliment de l'Église, comme il paroit par saint Cyprien': mais il explique lui-même, en rapportant ce passage, que c'étoit le sentiment commun et la doctrine commune; et c'est ce qui le condamne, parceque, pour exprimer un dogme certain et une tradition constante, ce n'est pas assez de dire que c'étoit le sentiment commun et la doctrine commune, si l'on ne tranche le mot, que c'étoit constamment la foi Selon lui 3, la véritable tradition de l'Église dè l'Église : ce que l'auteur a toujours évité de est celle que décrit Vincent de Lérins : Quod dire; et, bien loin de le croire, il a osé dire ubique, quod semper, quod ab omnibus. Or que « saint Cyprien est le premier qui ait parlé est-il que, selon lui-même, la tradition du » bien clairement du péché originel, et de la péché originel n'est pas de cette nature, puis-» nécessité de la grace de Jésus-Christ 2. » Ce que les pères des premiers siècles n'en demeu- qui rend sa faute plus grande, c'est qu'après roient pas d'accord: par conséquent il n'y a point avoir été averti de son erreur par les Pères de de véritable tradition sur le péché originel. Saint-Vannes, non seulement il y persiste, mais encore il enchérit dessus, puisqu'en discutant l'affaire dans le détail, il ne donne à un dogme si important, aucun auteur qui soit clair, avant saint Cyprien; et quant à ceux qu'on produit pour le soutenir, non content d'éluder le témoignage des uns, comme de saint Justin et de saint Irénée, il compte les autres pour contraires, comme Tertullien, Origène, et Saint Clément d'Alexandrie. C'est ce qu'il s'efforce de prouver depuis la page 50 jusqu'à la 60 de sa Réponse aux Remarques. Ainsi, la foi du péché originel n'est qu'un sentiment commun, une doctrine commune du temps de saint Cyprien ; et devant, ce n'est qu'obscurité et incertitude dans quelques auteurs, et opposition manifeste dans la plus grande partie. Voilà à quoi se réduit la tradition du péché originel, selon notre auteur.

Si l'on disoit, avec les sociniens, que les anciens nient la divinité de Jésus-Christ, ou ́du moins qu'ils n'en demeurent pas d'accord, on ne seroit pas souffert, parcequ'on renverseroit la tradition d'un article si nécessaire; on ne doit pas non plus souffrir ceux qui disent qu'on a nié le péché originel, ou qu'on n'en est pas demeuré d'accord: puisque la tradition de l'article du péché originel, sans laquelle on n'entendroit pas que Jésus-Christ est Sauveur, ne doit non plus être affoiblie que celle de sa divinité..

Cela se confirme encore, parceque l'auteur ayant rapporté divers sentiments de l'antiquité sur le divorce pour cause d'adultère, conclut de cette diversité de sentiments, qu'il n'y a point sur cela de tradition apostolique. Or est-il qu'il prétend montrer la même chose, ou une plus grande diversité de sentiments dans la matière du péché originel : il ne laisse donc plus aucun lieu à la tradition apostolique de ce dogme.

L'auteur demeure d'accord « qu'il y a quel» ques erreurs assez communes dans les pre» miers siècles de l'Église, qui depuis ont été » rejetées; mais qu'elles ne concernent pas les >> principaux articles de notre foi 5.» Il en est de même du doute que de l'erreur, et l'Église n'a non plus douté qu'erré sur ces principaux articles. Si donc on avoit douté du péché originel, et que les Pères n'en fussent pas de

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Et ce qui marque l'excès de sa prévention contre la doctrine catholique, c'est qu'il n'y a en ce point aucune difficulté, ni aucune partie de la tradition qui soit plus claire que celle-ci, comme on le fera voir par un mémoire particulier; de sorte que s'en éloigner, c'est vouloir gratuitement favoriser les hérétiques. Ainsi, on n'a pas pu s'empêcher de s'élever contre lui; surtout après qu'on a vu, par sa Réponse, non seulement qu'il persistoit dans son erreur, mais encore qu'il insultoit à ceux qui l'en reprenoient, et s'emportoit à de plus grands excès.

Abrégé, tom. 1, p. 644. Rép. aux Rem. p. 50.- 'Tom. 1, sur S. Cyprien, p. 475.

Sur le Purgatoire.

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Dans l'Abrégé de la Discipline', notre auteur est tombé dans plusieurs fautes. C'en est une assez considérable d'avoir dit généralement, « qu'on ne donnoit point le com d'autel à la ta» ble sur laquelle on célébroit l'eucharistie 2. C'est une prévention qui n'a pu venir à notre auteur, que du langage des hérétiques, le contraire paroissant partout, et surtout dans saint Cyprien, à toutes les pages.

La faute de notre auteur est encore plus grande, lorsqu'après avoir parlé de la discipline comme d'une chose variable selon les temps et selon les lieux 3, à l'opposite de la foi, qui ne varie jamais, il range parmi ces articles de discipline variable, qu'on prioit pour les morts, » qu'on faisoit des oblations pour eux, qu'on

>> miers siècles n'ont point reconnu d'autres li-
>> vres canoniques de l'ancien Testament, que
>> ceux qui étoient dans le Canon des Hébreux.»

tres, les catholiques ont produit, entre autres
Pour montrer qu'ils en avoient reconnu d'au-
tres, les catholiques ont produit, entre autres
choses, le témoignage d'Origène sur l'histoire de
Susanne, dans l'épitre à Julius Africanus; mais
notre auteur leur préfère le ministre Vestemius
qui dit « qu'Origène a défendu la vérité de cette
» histoire, sans assurer pourtant qu'elle fût ca-
» nonique. » Il veut, comme lui, un passage
formel, où Origène ait dit qu'elle est canoni-
que; comme si ce n'étoit pas le dire assez, que
de dire, comme fait ce Père, qu'elle est une vé-
ritable partie d'un livre prophétique, qu'elle est
d'un auteur inspiré de Dieu, tel qu'étoit sans-
doute Daniel, et qu'en cela il faut préférer la
tradition de l'Église chrétienne à celle des Juifs

falsificateurs des livres saints.

Les catholiques objectent encore aux héré

» célébroit le sacrifice de la messe en leur mé» moire, qu'on prioit les saints, et qu'on étoit » persuadé qu'ils prioient Dieu pour les vivants:»tiques le témoignage de saint Jérôme, qui ascomme si toutes ces choses étoient d'une discipline variable et indifférente.

Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est d'avoir entièrement passé sous silence la doctrine du purgatoire; et au lieu de dire qu'on offroit le sacrifice pour le soulagement des morts, d'avoir affecté de dire qu'on célébroit le sacrifice en leur mémoire, qui est la façon de parler de saint Augustin et de l'Église dans les messes des martyrs et des saints, mais qui ne suffit point du tout pour les autres morts.

Ce qui est encore plus mauvais, c'est que les Pères de Saint-Vannes ayant relevé une affectation si grossière, M. Dupin leur a dit pour toute réponse, qu'à la vérité il n'a point parlé » du purgatoire, parcequ'en effet on n'en trouve >> rien positivement dans les Pères des trois pre» miers siècles ; » de sorte qu'en cet endroit la tradition de l'Église demeure défectueuse; et les hérétiques ont cet avantage, que les passages allégués par tous nos docteurs, pour leur prouver le soulagement des ames, ce qui ne diffère point du purgatoire, sont, non seulement abandonnés, mais encore combattus par M. Dupin.

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sure que le concile de Nicée a compris le livre de Judith parmi les saintes Écritures; mais notre auteur aime mieux en donner le démenti à saint Jérôme 2, que de laisser cet avantage à l'Église catholique. Sans doute il sait mieux que saint Jérôme ce qui s'est passé dans ce concile; il en a mieux vu que lui, non seulement les lettres et les canons qui nous sont restés, mais encore les autres pièces qui en sont émanées. Je ne m'amuserai pas à réfuter ses conjectures, qui sont bien foibles; et il me suffit de faire voir le grand soin qu'il a de favoriser les hérétiques, et de désarmer l'Église. Malgré la décision expresse du concile de Trente, qui oblige précisément, sous peine d'anathème, à recevoir les livres de l'Écriture sainte avec toutes leurs parties, ainsi que l'Église catholique a accoutumé de les lire, et qu'ils sont contenus dans l'édition Vulgate, il rejette hardiment les derniers chapitres d'Esther: il tâche d'ôter à l'Église l'avantage qu'elle peut tirer de l'autorité d'Origène, en disant qu'on prouve invinciblement qu'O» rigène a eu tort de croire que ces pièces » étoient autrefois dans l'originai 3: il s'imagine se sauver par l'autorité de Sixte de Sienne"; mais il est bien plus naturel de condamner cet auteur, que d'absoudre M. Dupin, qui méprise si visiblement l'autorité du concile de Trente.

Enfin on ne peut rien du tout alléguer en faveur de la tradition de l'Église, que notre auteur ne se soit étudié à le détruire; ce qui me fait dire qu'il faudra examiner bien soigneusement

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ce qu'il donnera sur l'Écriture sainte, puisqu'il paroît d'humeur à donner beaucoup dans le rabbinisme, et à affoiblir beaucoup les interprétations ecclésiastiques.

Je ne dois pas oublier ici, qu'encore qu'il semble dire que « les livres des Machabées étoient » tenus pour canoniques en Afrique du temps de >> saint Augustin, » il ne laisse pas d'ajouter que ce Père « ne les a pas crus tout-à-fait de la même » autorité que les autres livres canoniques '; sous prétexte que ce saint docteur a dit qu'en certains endroits il les falloit entendre sobrement; ce qu'on pourroit dire aussi bien de beaucoup d'autres Écritures canoniques, comme de l'Ecclésiaste et du Cantiques des cantiques. Dans la suite de cet endroit, notre auteur fait de nouveaux efforts pour affoiblir les témoignages anciens qui autorisent les livres que les hérétiques rejettent, jusqu'à dire que « les décisions des » conciles de Carthage et de Rome, et la décla» ration d'Innocent I 2, » n'étoient pas regardées comme obligatoires, même en Occident, où elles étoient si solennellement publiées. Personne n'ignore le passage qu'il allègue de saint Grégoire; mais il en falloit tirer une tout autre conséquence, plutôt que de faire révoquer en doute à ce saint pape l'autorité de saint Innocent et de saint Gélase, ses prédécesseurs, et celle de son Siége même, encore que personne n'eût réclamé contre.

Sur l'Éternité des Peines.

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doient des peines de longue durée, et que le » terme d'éternité se prend souvent dans l'Écri» ture pour un temps bien long, quoiqu'il ait sa » fin 1. » En vérité, c'en est trop, et l'on ne peut comprendre comment un théologien, non content d'attribuer à deux martyrs les plus pernicieux sentiments des sociniens, ose encore deviner leurs pensées, pour leur faire répondre précisément ce que disent ces hérétiques.

La difficulté pourtant n'étoit pas grande; car il n'y avoit qu'à lire saint Irénée, qui dit en termes formels « que les biens qui viennent de » Dieu sont éternels et sans fin, et que pour la » même raison la perte aussi en est éternelle et » sans fin; » et il compare cette perte à l'aveuglement, qui est une privation de la lumière dans un sujet qui existe; en sorte qu'il est visible, par ce passage de saint Irénée, que la privation des biens est aussi éternelle dans les damnés, que les biens mêmes sont éternels dans les justes: et le même saint dit encore, que « la peine >> des incrédules est augmentée, et a été faite >> non seulement temporelle, mais encore éter»> nelle; parceque tous ceux à qui le Seigneur » dira: Allez aux feux éternels, seront tou» jours damnés, comme ceux à qui il dira: Ve» nez, les bénis de mon Père, etc., recevront le » royaume, et y profiteront toujours. » Soit qu'il veuille dire que leur félicité aura un accroissement perpétuel, ou que le terme PROFICIUNT ait un autre sens dont il ne s'agit pas ici, c'est assez qu'il paroisse clairement que le toujours et l'éternel des méchants, est égal au toujours et à l'éternel des bons: or est-il que l'éternité promise aux bons, constamment et de l'aveu même des sociniens, est une éternité véritable, et non pas seulement un long temps: donc l'éternité malheureuse n'est pas un long temps, mais une

Chacun sait l'erreur des sociniens sur cette matière, et combien elle est pernicieuse, à cause qu'elle flatte les sens. Cependant notre auteur n'a pas craint de leur donner pour patron deux saints martyrs, et deux auteurs aussi importants que saint Justin et saint Irénée ; et cela sans né-éternité véritable. cessité, comme on va voir. Ce qu'il y a de plus mal, c'est que l'objection luiétant faite à l'égard de saint Irénée, il enchérit sur son erreur, selon

sa coutume.

Cet argument n'a point de réplique; et saint Irénée inculque tellement ces mêmes choses, et dans cet endroit et dans beaucoup d'autres, qu'il ne seroit pas possible d'y résister, pour peu qu'on eût lu avec attention les livres de ce grand homme. Mais les critiques de notre temps n'appuient que sur les endroits qui leur peuvent donner occasion de se distinguer des autres par des sentiments particuliers.

On lui objecte que ce saint martyr reconnoît manifestement que les peines des damnés sont éternelles, et il répond en ces termes : « Je l'a>> voue; et saint Justin leur donne aussi ce nom, » conformément à la manière de parler de l'É»criture et de l'Église; mais cela n'empêche Il n'eût pas été plus difficile de trouver la » pas qu'ils n'eussent leurs sentiments particu-même doctrine dans saint Justin, puisque non >>liers; et sans doute, que si on leur eût de» mandé ce qu'ils entendoient par des peines » éternelles, ils eussent répondu qu'ils enten

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content d'attribuer une infinité de fois l'éternité au feu d'enfer, avec autant de force qu'à la vie future, il en fait expressément la comparaison, en disant que « Dieu revêtirà les justes d'incor

Rép. aux Rem. p. 122.

» ruptibilité, et enverra les injustes avec les » mauvais esprits, dans un feu éternel, avec un » perpétuel sentiment ', » ou de leurs misères ou du remords de leur conscience; ce qu'il prouve par ces paroles de l'Évangile: Leur ver ne cessera point, et leur feu ne s'éteindra point." Il dit aussi, dans un autre endroit 2, « que Dieu » donnera un royaume éternel aux saints, et » qu'il enverra tous les infidèles dans la damna

Sur la vénération des Saints et de leurs reliques.

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Je ne sais quel plaisir a pris M. Dupin à dire « que dans le sixième siècle on n'enten» doit parler que de miracles, de visions et » d'apparitions; qu'on poussoit la vénération » qu'on doit aux saints et à leurs reliques, au» delà des justes bornes, et qu'on faisoit un » tion d'un feu qui ne s'éteindra jamais. » Il pa- quoi bon cette téméraire censure, qui ne tend » capital de cérémonies fort indifférentes. » A roit donc qu'il entend de même l'éternité de qu'à faire croire aux hérétiques qu'ils sont bien l'enfer que celle du royaume céleste; par conséautorisés à se moquer des catholiques et de quent qu'il entend une éternité véritable et pro-l'Église de ce temps-là, et à dire, comme ils prement dite ce qui n'empêche pourtant pas font, que la corruption a commencé de bonne que dans les mêmes endroits ils ne dise que les heure; au lieu qu'il est aisé de démontrer qu'on méchants ne seront plus, conformément aux passages de l'Écriture, où il est dit que les impies ne ressusciteront pas, ne seront pas, seront dissipés, anéantis; parcequ'on ne doit pas ré-ques, qui ne paroisse avec la même force dans

puter être ou vivre, un état aussi malheureux que le leur, et aussi éloigné de la véritable vie, qui est Dieu.

Par ce moyen, ou par d'autres qu'on y pourroit joindre, il seroit aisé de répondre aux paroles de saint Justin qui font la difficulté. M. Dupin n'a pas voulu considérer ces passages, qui font voir plus clair que le jour, que l'éternité que ce saint attribue aux peines, marque quelque chose de plus qu'un long temps. Mais il en avoit assez vu pour mieux dire qu'il n'a dit, s'il n'avoit été prévenu en faveur de la solution socinienne; car il a lui-même produit un passage où saint Justin dit « que les peines des méchants ne du>> reront pas seulement mille ans, comme celles » dont parle Platon, mais qu'elles seront éter» nelles 3. » Ainsi le mot éternel est visiblement opposé, non à un long temps, car le temps de mille ans que saint Justin exclut, est assez long; mais, comme parle notre auteur, il est opposé aux peines qui doivent finir un jour.

S'il faut donner des explications à des passages qui semblent contraires, il vaut bien mieux que ce soit en faveur de la foi qu'en faveur de l'hérésie socinienne; d'autant plus que les passages qui concluent à l'éternité des peines, sont constamment plus précis et plus nombreux que les autres. Mais la théologie de notre auteur est si foible, qu'il méprise, dans sa Réponse aux Remarques, la solution dont il avoit lui-même posé les principes dans sa Bibliothèque, et il va de mal en pis.

ne trouve rien au sixième siècle sur les visions, sur les miracles, sur les saints et sur les reli

le quatrième et dans le cinquième ?

Sur l'adoration de la Croix.

Il assure formellement dans sa Réponse 2, qu'elle étoit rejetée aux trois premiers siècles, et il donne gain de cause aux protestants contre les Du Perron et les Bellarmin.

Sur la Grace.

Nous avons déja vu un passage de notre auteur, qui dit que « saint Cyprien est le premier » qui ait parlé bien clairement du péché ori» ginel et de la nécessité de la grace de JésusChrist 3. »>

Pourquoi rendre obscure la tradition de la nécessité de la grace, aussi bien que celle du péché originel; puisqu'il est aisé de montrer, dans les autres Pères, plusieurs passages aussi exprès que ceux de saint Cyprien sur cette matière? M. Dupin doit avouer de bonne foi que ces sortes de décisions, qui semblent faites pour marquer beaucoup de connoissance de l'antiquité, étoient fort peu nécessaires, comme elles sont d'ailleurs fort précipitées.

Sur la foi de ce seul passage de M. Dupin, on pourroit croire, sans lui faire tort, qu'il n'est pas fort favorable à la doctrine de la grace. Mais ce qu'il dit sur Fauste de Riez, fait encore mieux voir son sentiment; puisqu'il excuse la doctrine de cet évêque, manifestement semipélagien, s'il en fût jamais, sans se mettre en peine qu'il ait été condamné par les papes saint Dial. cum. Tryph. p. 349. · -Apol. Gélase et saint Hormisdas. Ce que dit M. Dupin

'Apol, u. p. 87. 11, p. 57.— 4 Bibl. tom. 1, p. 167.

'Dans son Avert. du tom. V. — 2 Pag. 126, 127. -Tom. 1, p. 475. —1 Part. II du tom, 111, p. 684 et suiv.

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