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apostat, allemand de nation, avec lequel il se logea en chambre garnie. En cette Université, il fut Procureur de la nation de Picardie 1. » Mais nous préférons nous en rapporter au récit de Théodore de Bèze. Quant à la demeure que Calvin choisit, il est probable que ce fut celle de Duchemin 2, et s'il eut quelque rapport avec un luthérien allemand, ce fut avec le savant helléniste Melchior Wolmar, qui se trouvait alors à Orléans 3. Quoiqu'il en soit, Calvin se livra avec zèle à ses nouvelles études, et ses progrès furent tels, qu'au bout de peu de temps, on ne le considéra plus comme un simple étudiant, mais comme un des professeurs ordinaires. Il fut souvent appelé à remplacer ces derniers et il lui fut même proposé de le recevoir docteur sans frais. Mais il refusa cet honneur 4.

Cependant l'étude du droit ne lui fit pas négliger celle de la théologie, vers laquelle il se sentait naturellement entraîné. Il lui consacra, au contraire, ses meilleurs moments 5.

1 Desmay, p. 43. La Défense de Calvin, par Drelincourt, p. 169. 2 Les plus anciennes lettres que l'on possède de Calvin sont adressées à Nicolas Duchemin, et à l'avocat François Daniel.

Voici les dates des quatre premières ;

A Nicolas Cheminus, de Noyon, mai 1528.

A François Daniel, de Paris, juillet 1529.

A Nicolas Cheminus, la veille de la fête de Simon.

A François Daniel, février 1530.

Voyez: Manuscrits de la Bibliothèque de Genève. Lettres diverses de Calvin, nos 106, 107, 108.

Antoine de la Faye, De Vita et obitu, Th. Beza, p. 9. Florimond de Raimond (De la Naissance de l'Hérésie, liv. vi, chap. 9.) dit aussi, en parlant de Wolmar, ce fust le premier qui luy donna le goust de l'hérésie; mais, il prétend que ce fut seulement à Bourges.

4 Bèze, p. 10.

5 Hist. Eccl. de Bèze, nouvelle édition, p. 6.

La journée achevée, tandis que ses condisciples se livraient au sommeil ou à la dissipation, il se retirait dans sa chambre, après avoir pris un léger repas, et se mettait à étudier les saints livres. Il interrompait ses méditations à minuit. Au point du jour il se réveillait, et avant de se lever, il repassait dans sa mémoire ce qu'il avait appris quelques heures auparavant. Il est certain que ce fut dans ces travaux solitaires et non interrompus qu'il puisa cette vaste érudition qui le fit nommer plus tard le théologien par excellence, et il est malheureusement vrai aussi que ces veilles continuelles,qui contribuèrent si puissamment à développer ses facultés intellectuelles et surtout sa mémoire, furent aussi la cause première de cette mauvaise santé dont il eut presque constamment à souffrir, et qui influa d'une manière si fâcheuse sur son caractère.

Un examen attentif et consciencieux de la Bible découvrit bientôt à Calvin les erreurs dangereuses et les superstitions dans lesquelles l'Église romaine était tombée, par suite de l'ignorance, de la cupidité et de la corruption de ses conducteurs. Dès-lors, il prit la résolution qu'il n'abandonna jamais de les combattre à outrance, et de chercher, par l'explication de la parole de Dieu, à reconstituer la société chrétienne sur ses anciennes bases.

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C'était toutefois par des écrits, plutôt que par la prédication, qu'il se proposait de travailler à atteindre ce but. Il se sentait naturellement peu disposé à se mettre lui-même en scène, et ses goûts, comme ses désirs, le portaient à la vie solitaire, Mais il eut beau

1 Bèze, Vie de Calvin, p. 11.

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faire, il ne put échapper à l'empressement du monde, et il trouva toujours autour de lui un auditoire avide de recueillir ses admirables leçons 1. A Orléans surtout, où sa piété et ses talents étaient généralement reconnus, il se vit recherché par plusieurs personnages qui appelaient de leurs voeux une réforme de l'Église. Ce fut là, à proprement parler, qu'il commença son œuvre de réformateur, et Théodore de Bèze nous apprend que ce fut avec succès. « Il avança merveil» leusement le royaume de Dieu en plusieurs familles, » dit-il, enseignant la vérité, non point avec un langage » affecté, dont il a toujours esté ennemi, mais avec telle profondeur de savoir, et telle et si solide gravité en » son langage, qu'il n'y avoit dès-lors homme l'écou» tant qu'il n'en fût ravi en admiration 2.

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Calvin, après un laps de temps difficile à déterminer, mais qui ne paraît pas avoir dépassé une année, se rendit à Bourges, où l'Italien André Alciati, qui passait pour le jurisconsulte le plus savant et le plus éloquent de l'époque, attirait la foule à ses leçons. Il y arrivé depuis peu, lorsqu'il fut obligé d'interrompre brusquement ses études, pour se rendre auprès de son

était

1 C'est ce qu'il nous raconte lui-même, naïvement, dans sa Préface des Psaumes :

« Un an ne s'estoit pas escoulé (depuis qu'il avait commencé à étudier >> les livres saints) que tous ceux qui témoignoyent quelque desir de la » pure doctrine, se rangeoyent pour apprendre vers moi, bien que novice » et apprentif. Moi qui estois de mon naturel, moins fait au monde, » ayant tousiours aimé le loisir et l'ombre, ne cherchois que de me tenir » caché, ce qui me réussit si peu, que toutes les fois je croyois de treuver » une retraite à l'escart, je rencontrai comme une école publique. » 2 Hist. Eccl., liv. 1, p. 6.

père, atteint d'une maladie mortelle 1. De retour à Bourges, après le décès de celui-ci, il y acheva son droit. Libre alors de suivre sa première inclination, il s'appliqua avec une nouvelle ardeur à l'étude de la théologie, et il trouva un ami et un guide précieux dans Melchior Wolmar 2, un de ces savants et pieux Allemands que la protection accordée aux gens de lettres par François Ier avait attirés en grand nombre en France. Marguerite, qui avait reçu en dot le duché de Berri en épousant le Roi de Navarre, avait depuis peu fait nommer Wolmar à une chaire de littérature grecque et latine dans son université de Bourges. Il faisait aussi, à côté de ses fonctions, l'éducation particulière de quelques jeunes gens de bonnes familles, au nombre desquels se, trouvait le célèbre Théodore de Bèze.

Ce fut à l'instigation et sous la direction de ce professeur que Calvin apprit le grec. Malgré ces diverses occupations, il trouva encore le temps de seconder, comme à Orléans, les efforts qui étaient déjà tentés pour introduire la réforme dans la ville de Bourges.

Deux docteurs en théologie, Jean Chaponneau et Jean Michel, l'un moine de l'abbaye de Saint-Ambroise, l'autre appartenant à l'ordre de Saint-Michel, avaient commencé à y réunir un petit nombre de fidèles, en

1 Lettre de Calvin à Cheminus, de Noyon, mai 1528. Il écrit à son ami, qu'il avait vu, à son passage par Orléans, qu'il reviendra bientôt.

2 Dans son Commentaire sur la seconde Epttre de saint Paul aux Corinthiens, qu'il lui dédia, il lui témoigne sa reconnaissance et l'appelle son maître.

leur annonçant, quoique d'une manière encore un peu obscure, les vérités évangéliques 1.

Calvin, par sa parole forte et décisive, affermit le petit troupeau. Il fit plus; il alla, sur l'invitation qui lui en fut faite, prêcher dans quelques châteaux et bourgades du voisinage. La petite ville de Lignières fut celle qu'il visita le plus souvent. La dame et le seigneur du lieu le reçurent volontiers, et, quoique ce dernier fût peu en état de juger du mérite des prédicateurs qu'il entendait, il ne put s'empêcher de dire quelquefois : « Il me semble que M. Jean Calvin prêche mieux que les moines, et qu'il va rondement en besogne. C'est que, remarque Théodore de Bèze, qui nous rapporte ce fait, « le dit seigneur n'estant pas de son » naturel des plus superstitieux s'apercevoit bien que >> les moines qui venoyent chacun an prescher là contrefaisoyent les marmiteux, pour acquérir répu»tation et pour le gain 2. »

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Calvin paraît avoir quitté Bourges en 1529, à l'approche de Pâques, car on le trouve à Noyon au mois d'avril de la même année, se démettant de sa chapelle de la Gésine en faveur de son frère Antoine 3. S'il exerça alors, dans sa cure de Saint-Martin-deMarteville, les seules fonctions que son âge lui permettait de remplir lui-même, savoir, celles de la prédication, ce ne fut que pendant fort peu de temps. Son ancien condisciple, messire Claude de Hangest, devenu abbé de saint Éloy, lui ayant fait échanger sa cure contre

1 Hist. Eccl., liv. 1, p. 7.

2 Bèze, Vie de Calvin, p. 13.
5 Desmay, p. 40; Drelincourt, p. 168.

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