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Que peuvent devant Dieu-tous les foibles humains ?

on a un vers parfait dont le repos tombe fur la fixieme syllabe formée par le mot Dieu.

II. L'e muet ou féminin, feul ou fuivi des lettres s ou nt n'ayant qu'un fon fourd & imparfait, ne peut jamais terminer la fyllabe du repos.

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Mais lorsqu'un mot terminé par un e muet feul, eft fuivi d'un mot qui commence par une voyelle avec laquelle l'e muet fe mange; alors la céfure peut tomber fur la fyllabe qui précede l'e muet, & qui, par l'élifion de cet e, devient la derniere du mot. Par exemple, funefte qui a trois fyllabes, quand il eft fuivi d'un mot qui commence par une confonne, comme quand on dit, funefte paffion; n'en a plus que deux, quand il eft fuivi d'un mot qui commence par une voyelle, comme dans funefte ambition: & c'eft fur la feconde que peut tomber la céfure, quand la derniere fe mange avec le mot suivant, Ainfi dans ces deux vers

Et qui feul fans Minif.tre, à l'exemple des Dieux,

Soutiens tout par toi-mê-me, & vois tout par tes yeux.

la céfure tombe fur la feconde fyllabe de miniftre, & fur la premiere de même, les dernieres fyllabes de ces deux mots fe mangeant avec les voyelles fuivantes.

III. Les articles, quels qu'ils foient, étant inféparables des poms, ne peuvent jamais former la céfure d'un vers, & celuici ne vaudroit rien,

Vous devez vaincre le-penchant qui vous entraîne.

IV. La céfure ne peut pas tomber fur un nom fubftantif fuivi de fon adjectif, comme dans ces vers,

Sais-tu qu'on n'acquiert rien-de bon à me fâcher?
Mais j'aurois un regret-morteḥ, si j'étois caufe,
Qu'il fût à mon cher maître arrivé quelque chofe.

ni fur un nom adjectif suivi de fon fubftantif, comme dans ces vers,

Et pourrions par un prompt-achat de cette efclave,
Empêcher qu'un rival nous prévienne & nous brave.
C'eft encore un plus grand-fujet de s'étonner.

Xxxx ij

Cependant fi le fubftantif eft fuivi ou précédé de plufieurs adjectifs, il peut en être séparé par la céfure. Ainfi ces vers font bons,

Morbleu, c'eft une chofe-indigne, lâche, infâme
De s'abaiffer ainsi jusqu'à trahir fon ame.

Vengez-moi d'une ingra-te & perfide parente,

V. Les adverbes monofyllabes, comme, plus, très, fort, bien, mal, mieux, trop, &c. ne peuvent pas être féparés par la céfure, des adjectifs ou des verbes auxquels ils font joints comme dans ces vers,

Ce jargon n'eft pas fort nécessaire, me semble.
Si le chef n'eft pas bien-d'accord avec la tête.
De grace, contez-moi-bien tout de point en point.
Nous verrons qui tiendra-mieux parole des deux.
Vos yeux ne font que trop-assurés de lui plaire.

VI. La céfure ne peut pas féparer les pronoms perfonnels, des verbes dont ils font nominatifs, ni les pronoms conjontifs, des verbes dont ils font régimes, quand ils les préce dent ou les fuivent immédiatement. Ainfi ces vers ne vaudroient rien,

Je me flatte que vous-me rendrez votre eftime.

Songeons que la mort nous-furprendra quelque jour.

VII. Les pronoms ce, cet, ces, mon, ma mes, que, qui, quel, quoi, dont, lequel, laquelle, ne peuvent jamais former la céfure d'un bon vers, comme dans ceux-ci,

Fuyons les vices qui-nous font perdre la grace.

Tant mieux. Vous faurez que depuis tantôt la belle
Sent toujours de fon mal quelque crife nouvelle.

Celui, celle & ceux, s'y fouffrent quelquefois, mais ils ont toujours quelque chofe de languiffant & de profaïque, comme dans ces vers,

Il n'eft Fort entre ceux-que tu prends par centaines

Qui ne puiffe arrêter un rimeur fix femaines.

VIII. Le verbe fubftantif être fuivi d'un nom adjectif, ne peut pas en être féparé par la céfure, fur-tout quand il est à

Ja troifieme perfonne du fingulier du préfent de l'indicatif, comme dans ces vers,

On fait que la chair eft-fragile quelquefois.

Si notre efprit n'eft-pas-fage à toutes les heures,

Les plus courtes erreurs font toujours les meilleures.

IX. Les verbes auxiliaires immédiatement fuivis des participes, ne doivent pas en être féparés par la céfure, fur-tout s'ils ne font que d'une fyllabe, comme dans ces vers, Que vous ferez toujours, quoique l'on fe propofe, Tout ce que vous avez-été durant vos jours. Et comme je vous ai-rencontré par hasard, J'ai cru que je devois de tout vous faire part. Je ne faurois fouffrir, a-t-il dit hautement Qu'un honnête homme foit-traîné honteufement.

X. Quand deux verbes ou un verbe avec un nom font un fens indivifible, la céfure ne doit pas les féparer, comme dans ces vers,

Mon pere, quoiqu'il eût la tête des meilleures,

Ne m'a jamais rien fait apprendre que mes heures.
Car le ciel a trop pris-plaifir de m'affliger,
Pour me donner celui de me pouvoir venger.
Si bien que les jugeant-morts après ce temps-là,
Il vint en cette ville, & prit le nom qu'il a.

XI. La céfure ne peut pas fe trouver entre un verbe & la négation pas, ou tout autre adverbe négatif, comme dans

ces vers,

Non, je ne fouffrirai-pas un pareil outrage.

Croycz que vous n'aurez-jamais cet avantage.

XII. La céfure eft encore mauvaife quand elle fépare une prépofition de fon régime, comme dans ces vers,

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Peut-être encore qu'avec toute ma fuffifance,
Votre efprit manquera dans quelque circonftance.
Par vos geftes durant-un moment de repas.
Si j'avois jamais fait cette baffeffe infigne,
De vous revoir après ce traitement indigne.
J'y fuis encor, malgré-tes infidélités.

XIII. Enfin les conjonctions compofées de plufieurs mots dont le dernier eft de ou que, comme afin de, de peur de, avant que de, auffi-tôt que, tandis que, encore que, &c. ne doivent pas être léparées par la céfure. Ainfi ce vers feroit mauvais,

Quoi! vous fuyez tandis-que vos foldats combattent?

Au refte comme la céfure eft faite pour l'oreille, on peut donner pour regle générale & infaillible, qu'une céfure eft bonne, fi elle fatisfait l'oreille; & qu'elle eft vicieuse, fi l'oreille en eft choquée: & ce n'eft que par la lecture des bons vers, qu'on peut fe mettre en état d'en juger.

Des licences dans la Verfification.

On appelle licences certains mots qui ne feroient pas reçus dans la profe commune, & qu'il eft permis aux poëtes d'employer. La plupart même de ces mots, fur-tout dans la poéfie fublime, ont beaucoup plus de grace & de Nobleffe que ceux dont on fe fert ordinairement. Le nombre n'en eft pas grand. Voici les principaux.

Les humains ou les mortels pour les hommes.

Mon cher fils, dit Louis, c'eft de là que la grace
Fait fentir aux humains fa faveur efficace.

Plus fage en mon refpect, que ces hardis mortels,
Qui d'un indigne encens profanent tes autels.

Forfaits pour crimes.

O toi, de mon repos compagne aimable & fombre,
A de fi noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ?

Courfier au lieu de cheval.

Les momens lui font chers, il court dans tous les rangs,
Sur un courfier fougueux, plus léger que les vents.

Glaive pour épée.

Ils s'attaquent cent fois, & cent fois fe repouffent.

Leur courage s'augmente, & leurs glaives s'émouffent.

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Le limon croupiffant dans leurs grottes profondes,
S'éleve en bouillonnant fur la face des ondes.

Flanc pour fein.

Les Dieux m'en font témoins, ces Dieux qui dans mon flanc, Ont allumé le feu fatal à tout mon fang.

Antique pour ancien.

Suivez-moi, rappellez votre antique vertu.
C'eft un ufage antique & facré parmi nous.
L'Eternel au lieu de Dieu.

L'Eternel en fes mains tient seul nos deftinées :
Il fait, quand il lui plaît, veiller fur nos années.

Hymen ou hymenée pour mariage.

Crois-tu que d'une fille humble, honnête, charmante,
L'hymen n'ait jamais fait de femme extravagante?

A qui même en secret je m'étois deftinée,
Avant qu'on eût conclu ce fatal hyménée!

Efpoir a plus de nobleffe qu'esperance.

D'un espoir renaiffant le peuple est énivré.

Jadis pour autrefois.

Serments jadis facrés, nous brilons votre chaîne.

Soudain pour auffi-tôt.

Le falpêtre enfoncé dans ces globes d'airin,
Part, s'échauffe, s'embrafe, & s'écarte foudain.

Alors que pour lorfque.

Aveuglé par fon zele, il te défobéit,

Et pense te venger, alors qu'il te trahit,

Cependant que pour pendant que, tandis que.

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