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DU CIRCON FLEX E.

Le Circonflexe n'étoit point autrefois en ufage: il m'a été admis dans la nouvelle Orthographe, que pour marquer les fyllabes longues qui avoient une ou une autre lettre dans l'ancienne Orthographe, & quelques autres où cet Accent ne fupplée à aucune lettre fupprimée. Ainfi l'on écrit aujourd'hui avec â, ê, î, ô, ù, les fyllabes que nos Anciens écrivoient par as, es, is, os, us, dont la prononciation eft longue. En voici des exemples.

à lâche,
ê même

î gîte,

ó trône,

ú flûte

as lafche.
es mesme.

Autrefois,

is gifte.
os throfne.

us flufte.

Il n'y a que ces mots & leurs femblables où le Circonflexe mérite d'avoir entrée. On écrit encore fyftême, extrê me, par la feule raifon que les e y font longs.

L'Accent Circonflexe fert auffi à diftinguer plufieurs mots dont l'Orthographe est semblable, & le fens différent. Ainfi on, écrit sûr, certus, mûr, maturus, dû, debuit vel debitum, & crû, fundus, avec un û Circonflexe, pour les différencier, au moins aux yeux, des mots fur, fuper, mur murus, cru, crevit vel credidit, & du, particule qui dénote le Génitif.

Il est encore bon de le mettre fur les pénultiemes fyllabes des premieres & fecondes perfonnes du pluriel des Prétérits des verbes, comme dans nous jouâmes, vous jouâtes; nous rendîmes, vous rendites; nous reçûmes, vous reçûtes, parce que ces fyllabes font longues. C'eft le fentiment & l'ufage de l'Académie, comme on peut le voir dans fon Diction naire au mot Aorifte.

Mais il eft abfolument inutile de mettre cet Accent fur les u à la fin de certains mots, comme dans lu; pu, vu, fu, conçu, fous prétexte que ces u étoient autrefois précédés d'un e, & qu'on écrivoit leu, peu, veu, fçeu, conçeu, parce que l'Accent Circonflexe n'y peut fervir de rien pour la prononciation.

Il est néceffaire de s'en fervir à la troifieme perfonne du fingulier du fecond Imparfait du Subjonctif, de quelque conjugaifon que foit le verbe, ainfi on doit écrire qu'il aimât, qu'il jouît, qu'il dût, qu'il apprêt, qu'il lût, & leurs femblables.

Il réfulte de ces obfervations que le Circonflexe doit être employé.

1°. Pour marquer qu'une voyelle ou fyllabe eft longue: quoiqu'on ne le mette pas fur toutes les fyllabes longues: mais feulement fur celles où il y a une lettre de retranchée à l'exception de quelques-unes en petit nombre.

2o. Pour diftinguer un mot d'avec un autre femblable l'expreffion, & dont le fens eft différent.

par

Hors de ces deux cas, l'Accent Circonflexe n'est qu'une fuperfluité embaraffante, qui ne fert qu'à furcharger l'écriture. Il eft fort peu important d'être averti par cet Accent qu'il y a une lettre de retranchée dans un un mot; mais il fera véritablement utile, lorfque fon ufage fera fixé à indiquer une fyllabe longue. Il convient donc de le bannir de toutes les fyllabes breves, quelque retranchement de lettres qu'il puiffe y avoir. C'eft le plan que l'on fuivra dans ce Dictionnaire.

DE L'ACCENT GRAVE.

L'Accent Grave n'a lieu en François que fur ces trois voyelles à, è, ù.

Sur l'à prépofition qui fe met devant l'Infinitif, ou qui marque le Datif, comme à Paris, à Pierre, à faire, &c. pour le différencier de l'a verbe auxiliaire, qui défigne un Paffé, comme il a été, il a aimé ; & de l'a qui marque le préfent, comme il y a, il a, habet, qui doit toujours être un a fimple.

L'è Grave ne doit être placé que fur les fyllabes finales dont le fon eft très-plein & très-ouvert, & qui font terminés par une s; c'eft le fentiment de Pierre Corneille, de Meffieurs de Port-Royal, & du P. Buffier. Ainfi il ne faut pas écrire par ez, comme nos Anciens, mais par és la derniere fyllabe des mots fuivants; abcès, accès, agrès, après, auprès, Cérès, Cyprès, décès, dès, excès, grès, prês, procès uccès, & leurs femblables.

L'u Grave n'a lieu & ne doit être admis que dans le feul mot où, adverbe, lorfqu'il peut fe tourner en Latin par la particule in, ou lorfqu'il défigne quelqu'une des queftions de lieu, ubi, undè, quo & qua: car forfque le mot ou eft conjonction disjonctive & fignifie ou bien, qu'on exprime en Latin par vel, il faut toujours l'écrire avec un u fimple; c'est l'ufage général.

DE L'ACCENT AIGU.

L'Accent Aigu ne doit être mis en François que fur l'é fermé ou mafculin, foit au commencement, foit au milieu foit à la fin des mots : comme dans bonté, donné, févérité, auftérité, refifter, & femblables : & il remplace dans bien des mots une retranchée que l'étymologie y avoit fait conferver & qui fervoit à faire prononcer l'é fermé, comme dans étude, répondre, rétablir, chrétien, &c. que l'on écrivoit autrefois, effude, refpondre, reftablir, chretien, &c.

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Te

L'e eft ordinairement fermé & doit avoir l'Accent Aigu dans la fyllabe re, lorfqu'elle commence un mot, comme dans répondre, république, & un grand nombre d'autres. Il y en a plufieurs d'exceptés, tels que rebut, rebours, rebrouffer, rebuffade, recoin, recommander, reconnoiffance, reconnoître, recourir, recevoir, excepté ces deux dérivés, réception, récipient reculer, redevable, redoute, refrein, refrogner, regarder, regimber, refuge, refus, regret, relais, relent, relief, relique, religion, remede remercier muer, renard, René, renifler, renoncer, renom, repaire, repar tir, repentir, repletion, repas, replique, repos, repréfailles, reproche, requérir, requête, revanche, revêche, revivre, revers, & plufieurs autres qu'on trouvera chacun dans leur ordre alphabétique, dans le corps de cet Ouvrage, ayant été omis dans la Grammaire du P. Buffier, dont j'ai extrait ceuxci, auxquels je n'ai rien voulu ajouter, pour ne pas défigurer la remarque de cet Auteur. Dans ces mots on ne met point d'Accent Aigu fur la fyllabe re, parce que l'e eft muet ou féminin.

Voici une bizarrerie introduite par l'ufage. L'é eft fermé dans refugier, & il eft muet dans refuge. Il eft fermé dans rélégation, & muet dans reléguer. On dit remiffion, quoiqu'on

dife

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irrréli

dife remettre rétention quoiqu'on dife retenir gion & irreligieux, quoiqu'on dife religion & religieux,

&c.

Souvent un même mot a des fignifications toutes différentes, en y prononçant la fyllabe re avec l'e muet ou avec l'é fermé. Répartir avec l'é fermé fignifie diftribuer ; & repartir avec l'e muet fignifie répondre, ou partir une feconde fois. Répondre, fignifie faire une réponse, & repondre signifie pondre une feconde fois.

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Quant aux noms terminés en iere, comme lumiere, premiere, & tous les autres qui ont un e muet à la derniere fyllabe & un autre e à la pénultieme, les uns mettent un Accent Aigu é fur la pénultieme fyllabe, les autres y mettent un accent Grave è, plufieurs n'y veulent aucun Accent. La prononciation de cet e tient le milieu entre celle de l'é fermé & de l'è ouvert; de forte que nous n'avons point d'Accent qui puiffe indiquer le fon de cet e. Quoiqu'il paroiffe approcher un peu plus de l'e fermé que de l'è ouvert, cependant je penfe qu'il n'a befoin d'aucun Accent, parce que fa prononciation eft fuffifamment déterminée par fa pofition, un e muet ne pouvant jamais fe trouver à la fin d'un mot après un autre e muet dans la fyllabe précédente. Voyez là-deffus la Grammaire de M. Reftaut.

L'Accent Aigu fe place encore fort bien fur la fyllabe pré, quand elle eft initiale dans un mot François dérivé d'un Latin qui commence par la prépofition præ, car alors l'é eft fermé, comme dans ceux-ci, précédent, prerogative prétexte, prebende, precaution, precepte, précipice, précis predeftine, Prédicateur, Preface, Préfet, & plufieurs autres femblables.

Enfin l'é Aigu eft encore admis au commencement, au milieu, & à la fin de tous les mots où il fe trouve fuivi d'une voyelle, quelle qu'elle foit pourvu qu'il n'y forme pas une diphtongue. En voici des exemples approuvés par nos Modernes.. Créateur, néanmoins, préambule, il agréa : Reel, fuppléer, crée, Deite, obeisance, obei: Théorie, préoc occupe, Théologie: Reunion, réuffir, & plufieurs autres fem→ blables.

Enfin pour placer à propos l'Accent Aigu, il faut connoître l'e fermé par-tout où il fe rencontre, & l'oreille ne

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peut s'y accoutumer qu'à force d'entendre parler des perfonnes dont la prononciation eft fans défaut.

Pour éviter la prononciation choquante de deux e muets. qui fe rencontreroient de fuite, l'e muet des premieres perfor nes des verbes, devient fermé & prend l'Accent aigu, quand ces perfonnes font fuivies du prenom perfonnel je, avec le quel elles ne font qu'un mot: aimé-je? parlé-je ?

DESTREMA.

Ou Voyelles qui portent deux points en tête.

Il n'y a en François que trois voyelles qui portent des points en tête, favoir ë, ï, ü, dont la plupart des Imprimeurs abufent, ne fachant pas, ou ne faisant pas attention qu'elles ont été inventées pour faire connoître qu'elles ne ne forment pas une diphtongue avec la voyelle qui les précede, & par conféquent qu'on doit les prononcer féparément, comme je vais le prouver.

L'e Trema ne fe rencontre qu'après l'a, l'o, & l'u.

Après l'a, comme en ces mots Aëte, Aerius, Aetius, aëré, & femblables, où l'e Trema fert pour éviter qu'on ne prononce Etc, Erius, Etius, ceré, &c.

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&c.

Après l'o dans Poete, aloes, poèle, Noël, pour empêcher qu'on ne prononce l'o & l'e comme la diphtongue a, qui fe trouve en ces mots œuvre, cœur, foœur, quoique plufieurs bons Ecrivains n'admettent pas même l'e Trema dans ces circonftances, parce que nous n'avons point de mots où a fe prononce comme e, & qu'il n'y en a que très-peu où a tient lieu d'une fimple. D'ailleurs toutes les fois que des deux voyelles qu'il faut prononcer séparément, T'une eft un é fermé, l'Accent Aigu qu'il porte eft fuffifant pour empêcher qu'il ne foit confondu dans la prononciation avec la fyllabe qui le précéde ou qui le fuit. Ainfi dans aéré, aérien, poefie, l'Accent Aigu fur l'e produit le même effet que les deux points. Mais fi cet e fait la pénultieme fyllabe d'un mot qui a un e muet à la derniere, comme il n'eft pas fufceptible de l'Accent Aigu, on peut y mettre les deux points, comme dans Poëte poële. Par la même raison les deux points font inutiles dans aloès, parce que l's

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