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dûment, éternůment, indûment, ingénûment, nûment, remûment, fecoûment, &c. dont on a retranché l'ë Trema qui fuivoit l'u immédiatement. Il eft cependant certain que les adverbes terminés en ment, fe forment fur l'adjectif féminin, en y ajoutant la fyilabe ment. Exemp. Fort, forte, fortement; nouveau, nouvelle, nouvellement; dur, dure, durement, & ainfi des autres. Il faut donc avouer qu'affidue devroit faire affiduement; due, duement, &c. mais l'ufage paroît contraire, quoique l'Académie écrive plufieurs de ces mots avec un e. On m'objectera peut-être que fi l'on confervoit l'e dans ces mots, ils ne pourroient entrer dans la Poéfie Françoife; ce qui eft vrai: auffi font-ils rares dans les bons Poëtes, chez qui cette licence eft plus tolérable qu'en profe, fuivant le témoignage d'Horace en fon Art Poétique:

Pictoribus atque Poëtis

Quidlibet audendi femper fuit æqua poteftas.

Au refte, je n'entreprends point de réformer le goût du Public, mais feulement de prouver qu'il aime la nouvauté; comme on peut en juger par ces mots, licenciment manîment remerciment, ralliment, reniment, & femblables, dont quelques Ecrivains ont retranché la lettre e qui fe plaçoit entre l'i & la lettre m; ce que l'Académie n'a pas adopté.

Il en eft de même des mots enflure, égratignure, engelure, entamure, & femblables, dont on a pareillement retranché l'e qui précédoit la lettre u, fur laquelle l'ufage ne permet pas pour cela de mettre un Circonflexe.

Ces deux fyllabes an & en ont un fon fi uniforme dans la Langue Françoife, qu'on les confond fouvent en les employant l'une pour l'autre ; & il eft moralement impoffible de les diftinguer, fi l'on n'a pas recours à l'étymologie des mots. Ainfi pour favoir comment on doit écrire mendier menfe conventuelle, penchant, pente, venter, & femblables, il faut favoir que ces mots tirent leur origine des Latins mendicare, menfa, pendere, ventus, &c. En fuivant cette maxime on ne tombera jamais dans l'erreur où font aujourd'hui quelques Auteurs peu exacts, qui écrivent avec un a, mandier, manfe, panchant, pante, vanter, (en parlant du vent ) & autres femblables.

una,

Il y a pourtant quelques mots où certe fyllabe s'écrit par quoiqu'elle ait une en Latin, comme ramper, recommander, qui viennent de repere, commendare, & quelques autres que l'ufage apprendra.

Les partifans de Richelet, s'il y en a, foutiendront fans doute qu'on doit confulter la prononciation, & qu'il faut écrire avec un a les fyllabes où il fonne. Mais il eft aisé de prouver la fauffeté de cette propofition: car quoique la lettre e devant une n feule, ou fuivie d'une autre confonne; emprunte le fon de l'a on ne laiffe pas cependant de l'y employer, comme on peut le voir par ces exemples, en endurcir, enfant, engourdir,enhardir, enjamber, enlever, enquête, enrichir, enfeigner, entendre, envahir, & mille autres parce que tout le monde fait qu'il y a dans notre Langue un e, dont la prononciation eft la même que celle de l'a; tel eft encore celui qui termine les adverbes.

و

encens

Il eft à remarquer qu'il ne fe trouve point de mot dans lequel la lettre n foit fuivie d'un b, d'une m & d'un p, parce que devant ces trois confonnes elle fe change ordinairement en m, quoiqu'elle conferve le fon qui lui eft naturel comme on le verra ci-après à la lettre M.

On ne doit excepter de cette regle que certains mots où l'e fe trouve précédé d'un i, comme ceux-ci bien-fait, chien, liens, mien, tien, & femblables, où l'e conferve le fon qui lui eft naturel: encore ne le conferve-t-il pas dans les mots client, clientelle, & quelques autres, où il prend le fon de l'a. Mais lorfque l'e fe trouve, fuivi de la fyllabe ne, comme en ces mots arene, ennemi, garenne, &c. il garde le fon qui lui eft naturel, n'empruntant le fon de l'a que dans les exemples ci-deffus encore devant I'm & l'n finales, comme dans ces mots Jerufalem, éxamen, &c. conferve-t-il le fon qui lui est naturel, fi l'on en excepte la feule prépofition en.

:

Il faut encore observer ici que la plupart, pour ne pas dire tous les mots François qui tirent leur origine des Latins en in, fe traduifent par en, & par conséquent qu'on doit écrire cendre enter entre, enflammer, entonner, & femblables parce qu'ils font dérivés des Latins cinis, inferere, inter, inflammare, intonare, &c,

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DE LA LETTRE F.

On ne met plus la lettre fau mot baillif; & il y a quelques Auteurs qui la retranchent du mot clef, parce qu'elle n'y fonne point. Mais fi cette raifon étoit valable, il faudroit auffi ôter dans les mots plomb, blanc, rond, fang, almanach, fufil, Bearn, beaucoup, deferts, fouvent, & femblables, les lettres b, c, d, g, h,l, n, p,f,t, & femblables, qui ne fe font point fentir: ce qui feroit abfurde & contre l'ufage.

Richelet & quelques autres retranchent encore cette lettre de quantité de mots où abfolument elle doit être admife, comme dans le mot affaire, & femblables, parce qu'il eft composé du mot faire & de la prépofition à, qui le plus fou vent a la vertu de faire doubler la lettre initiale du fimple dans les composés, comme je l'ai prouvé ci-dessus aux lettres B & C. Ils la retranchent auffi fans aucun fondement des mots affecter, difficile, & femblables, où de tout temps elle a été refpectée, parce qu'ils tirent leur étymologie des Latins affectare, difficilis, &c. Pour ce qui eft des mots où la double n'eft admife que par ufage, on peut leur en accorder la réforme.

Il n'en eft pas de même à l'égard de certains mots qui nous viennent des Grecs: Richelet a tort de les écrire avec une f, puifqu'ils fe trouvent écrits avec un p & une h.dans la Langue originale qu'on doit toujours imiter, autant qu'il eft poffible. L'Auteur de l'Officina Latinitatis dit à ce fujer, que puifque les Latins avoient une fauffi-bien que nous, & que néanmoins ils ont écrit par ph leurs mots qui defcendoient du Grec, il ne croit point qu'on doivent changer cette maniere d'écrire. Je tâcherai d'appuyer ce fentiment

à la lettre H.

DE LA LETTRE G.

Cette lettre eft fujette aux mêmes regles que j'ai expli quées ci-deffus en parlant du B, du C & de la lettre F; c'est-à-dire, qu'elle doit doubler dans les mots où l'étymologie & l'ufage l'autorifent, quoiqu'elle n'y fonne point du

tout, comme en ceux-ci: affigner, doigt, étang, rang, réfigner, fang, fangfue,figne, fignet, fignifier, fouffigner, vingt, & femblables.

Il faut auffi obferver que le g devant l'e & l'i ayant le même fon qu'unj confonne, il eft fort aifé de fe tromper en écrivant par je, ji, les mots qu'on doit écrire par ge, gi. Pour ne pas tomber dans ces fautes groffieres, il faut, quand on doute, avoir recours à l'étymologie, & pour lors on connoîtra qu'on doit écrire avec un g les mots gelée, gémir général, gendre, genre, gigantefque, &c. parce qu'ils dérivent des Latins gelu, gemere, generalis, gener, genus, gigas, &c. & au contraire, qu'on doit écrire avec un j confonne les mots de Jefus, jeter, jeudi, jeûner, jeunesse, &c. parce qu'ils tirent leur origine des Latins Jefus, jacere, Jupiter, jejunium, juventus, &c.

Il faut encore remarquer que le g devant l'a, l'o & l'u conferve le fon guttural qui lui eft naturel comme on peut le fentir en ces mots gabelle, godet, ambigu, &c. Pour adoucir cette fyllabe dans plufieurs modes, temps, & perfonnes des verbes terminés en ger & même dans quelques fubftantifs, on ajoute un e après le g devant l'a, lo &ľu. En voici des exemples; il mangea, obligeant, vengeance, géole, geolier, nageoire, vengeur, nageur, &c. Voyez outre ces remarques, celles de la lettre C., au lieu de laquelle il eft fouvent employé.

DE LA LETTRE H.

Cette lettre, comme on le verra dans la fuite de cet Ouvrage, eft une des plus maltraitées de notre Alphabet. Richelet & tous ceux qui aiment la nouveauté, la retranchent de tous les mots où elle ne fonne point: ils n'épargnent ni les noms propres, qui ne doivent jamais changer, ni ceux qui font dérivés de la langue Grecque, ni ceux que nous avons tirés du Latin. Nous devrions, au moins par reconnoiffance, refpecter ces fources, & ne pas défigurer des mots que nous avons été obligés d'empruntér de ces Langues fi fecondes. Auffi nos anciens Auteurs François prévoyoient, comme le dit le P. Buffier, qu'en quittant l'ancienne Orthographe, on perdroit la connoiffance des étymologies, qui font voir de quels mots Latins ou grecs, viennent cer

tains

tains mots François. L'Auteur de l'Officina Latinitatis, reconnoiffoit cette vérité conftante, quand il a dit qu'il fauc prendre garde de ne pas écrire par qu les mots Grecs qui commencent par un chi, comme chiromancie, chaur, chorifle, &c. ni écrire chrême & Chrétien fans h. C'eft le fentiment de la plus faine partie de nos Modernes, & la feule ignorance voudroit s'y oppofer.

Où remonteront à préfent les prétendus réformateurs de l'Orthographe? Quels font leurs Auteurs? N'aurai-je pas droit de leur dire, ce qu'on a toujours objecté aux Novateurs: De qui tenez-vous cette doctrine, & qui vous a donné le pouvoir de l'enseigner?

Pour moi je ne crains point de femblables reproches, puifque je cite des Auteurs dont les Ouvrages ont été approuvés du Public. L'Auteur de l'Officina Latinitatis, dans fon petit Traité de l'Orthographe Françoife, dit, comme je l'ai rapporté ci-deffus à la lettre F, que puifque les Latins avoient une fauffi-bien que nous, & que néanmoins ils ont écrit par ph leurs mots qui defcendoient du Grec il ne croit point qu'on doive changer cette maniere d'écrire. Ce même Auteur en parlant de la lettre T, ajoute qu'il faut reconnoître les mots dans lefquels cette lettre eft jointe avec une h, car quoique celle-ci ne change rien à la prononciation du T, c'eft une faute groffiere de ne pas écrire de cette forte, thême theatre, fympathie, Démofthene, &c.

Selon ces principes, c'eft donc avec ch, ph & th qu'on doit écrire en François la plupart des mots qui nous viennent du Grec, & qui fe trouvent dans cette Langue originale écrits avec un chi, un phi, ou un theta, foit que ces lettres fe trouvent au commencement ou au milieu des mots, comme en ceux-ci, Chaldée, Anachorete, fophifme, amethifte, & femblables.

Que répondront à cela les Partifans de la nouveauté ? Seront-ils auffi téméraires que Richelet, qui, après avoir retranché la lettre h des mots Rhétorique, Rhetoricien, thême " Theologie, Thibaud, Thomas, & femblables, ofe s'en faire une efpece de gloire, en difant que la lettre h dans tous ces mots ne fert qu'à embarraffer la plupart des François?

Mais en vérité, n'eft-ce pas vouloir s'attirer la rifée plutôt que l'approbation du Public ? Peut-on s'empêcher de proτότ

e

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