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n'eft pas recevable, en voici encore une preuve convaincante. Tous les Savants & l'Académie écrivent foul, fatur: cependant on ne prononce que fou, la lettre l ne fe fait point entendre. Cette raifon n'eft done pas fuffifante pour autorifer le retranchement que font quelques Modernes de la lettre p dans les mots temps, appeller, fuppofer, Jept, Jeptieme, apprendre, pouppe, & femblables, qui tirent leur origine du Latin. Richelet eft le premier qui ait inventé cette maniere d'écrire : mais il me femble que l'étymologie doit l'emporter fur le caprice.

Je remarque au contraire, que la plupart des Auteurs admettent lep dans plufieurs mots où il ne devroit pas avoir entrée: ils écrivent dompter, exempt, exempter, exemp tion, feptier, &c. contre la prononciation & l'étymologie de ces mots, dont je prie le Lecteur de lire les Remarques particulieres dans leur ordre alphabétique.

Quel parti prendre dans une contrariété fi bizarre? Le voici. Il faut avoir recours à la racine des mots & fe conformer, autant qu'il eft poffible, à l'Orthographe de la Langue dont ils font dérivés. Ainfi pour imiter les Latins dans ceux qu'ils nous ont appris, il faut à leur exemple doubler le p dans les mots compofés des prépofitions à & fuper, comme apparoître & fupplanter, qui font dérivés de parere, plantare, & femblablement les autres. Voyez ci-deffus les remarques des lettres B. & C.

DE LA LETTRE Q.

Cette lettre n'a rien de particulier qui foit digne de remarque, fi ce n'eft qu'elle ne fe met jamais au commencement ni au milieu d'un mot, qu'elle ne foit fuivie d'un u. A la fin d'un mot elle emprunte le fon du c comme on le voit dans le mot coq.

DE LA LETTRE R.

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Nos Modernes, comme Richelet & quelques autres, ont jugé à propos de retrancher une r du mot mercredi. Au contraire, on trouve dans leurs Dictionnaires clorre avec deux Tr, fans aucune raison: ce qui me donne lieu de faire la

réflexion fuivante. Ces Meffieurs ont dû confulter la prononciation ou l'étymologie. S'ils ont eu égard à la prononciation, ils font blâmables d'avoir écrit avec deux rr, clorre, conclurre, charrette, charroi, charrue, carroffe, &c. puifqu'il ne fonne qu'uner dans tous ces mots. S'ils ont eu égard à l'étymologie, ils ont également tort de ne fouffrir qu'une feuler dans le mot chariot, puifqu'il tire auffi-bien que charrette, fon origine du Latin carruca. D'où il eft aifé de conclure qu'on devroit écrire charriot, puifqu'on écrit charrette & charrier; mais la coutume d'écrire chariot a paffé en ufage contre l'étymologie.

On m'objectera peut-être que ces Meffieurs ont fuivi l'ufage. Pour y répondre par avance, je dis que lorfqu'on doute d'un mot on a recours à un Dictionnaire: mais ce ne font pas des Dictionnaires particuliers qui doivent former un ufage, parce que les Auteurs n'y fuivent ordinairement que leur propre goût, qui n'eft pas toujours le plus fûr ni le plus fuivi. Le feul Dictionnaire auquel on puiffe s'en rapporter, eft celui de l'Académie, dont il vient de paroître une nouvelle Edition en 1762. & quand il y a des doutes fur l'Orthographe de quelques mots, la regle de l'étymologie eft celle qui doit avoir la préférence.

Par cette même raison on doit doubler la lettrer dans les mots arranger, arrenter, & femblables, parce qu'ils font compofés de rang & de rente & de la prépofition à, qui a la vertu de faire doubler la lettre initiale du fimple dans le compofé, comme je l'ai fait voir ci-deffus aux lettres B, C, & ailleurs.

DE LA LETTRE S.

Cette lettre a été retranchée de quantité de mots dans lefquels elle a été remplacée par le Circonflexe & l'Aigu, comme on peut le voir ci-deffus aux Accents. Mais outre cette fuppreffion qui eft autorilée par l'ufage, Richelet a cru pouvoir en introduire une autre qui déplaît à tous les Savants. On trouve dans fon Dictionnaire condecendre, condiciple, convalecence, convalécent, adolecence, décendre, decente, dicipline, diciple, lacif, lacivete, picine,& autres femblables, au lieu de condefcendre, condifciple, convalefcence, convalefcent

convalefcent, adolefcence, defcendre, defcente, difcipline, difciple, lafcif, lafciveté, pifcine, & autres femblables, que tous les Savants écrivent avec un f. Je conviens que cette Orthographe eft favorable aux ignorants: mais elle eft contre l'ufage & l'étymologie: je prétends même qu'elle est contraire à la prononciation, car dans ces mots on fait certainement fentir un peu l' avant le c.

Il faut prendre garde qu'entre deux voyelles, où la lettre fa un fon parfait, il faut mettre deux, & que l'on n'y en met qu'une quand elle a la prononciation du z: cela paroît dans ces deux mots poiffon, pifcis, & poijon, ve

nenum.

C'eft cette conformité de fon qui a fait écrire avec un plufieurs mots qu'on doit écrire avec une, comme lefé, lefon, qui ont été formés du fupin læfum de lædere: & par conféquent Richelet & Joubert ont eu tort d'écrire avec unz lézé, lézion. Il y a apparence que ces Auteurs ne confultoient pas plus la prononciation que l'étymologie des mots. Je viens de prouver ce dernier point, prouvons maintenant l'autre.

La lettre entre deux voyelles emprunte le fon du z: cette regle eft générale ; en voici des exemples: cafaque, Cefar, difant, ofer, ufer, defert, lefard, éréfipele, réfoudre, prefumer, prefence, chemife, ufure, & mille autres mots où Ife trouvant entre deux voyelles, fe prononce comme un 7. Il ne devroit pas y avoir de difficulté fur cet article, cependant il y en a.

Quelques Modernes prétendent que dans les mots compolés des prépofitions de, pre & re, dont le fimple commence par une f, cette lettre ne doit pas doubler, parce qu'elle y conferve un fon fort; & par conféquent qu'on doit écrire défaler, désécher, préséance, préfentiment, refufciter, refouvenir, & ainfi les autres. Je dis premiérement que cette regle n'eft pas générale, puifque les Auteurs écrivent ces mots les uns d'une maniere, les autres d'une autre, comme je le prouve dans l'ordre alphabétique ci-après. En fecond lieu je foutiens que cette regle eft abfurde. Pour le prouver invinciblement, il ne faut que comparer quelques mots les uns avec les autres. Et en effet, pourquoi écrira-t-on déjaler avec une feule, tandis qu'on trouve defferyir dans tous

f

les Livres avec deux ? Quel privilege a la lettre dans le mot préfentir, pour y conferver le fon qui lui eft naturel tandis que dans le mot préfenter elle emprunte le fon duz? Cette lettre n'eft-elle pas entre deux e dans l'un comme dans l'autre mot? On m'objectera fans doute la nouvelle regle de nos Modernes : voyons donc fi elle eft recevable. Les mots reffufciter & refurrection nous viennent de la même fource: ils font dérivés des Latins refurgere & refurrectio: pour les rendre conformes à leur étymologie, j'avoue qu'ils ne devroient ni l'un ni l'autre être écrits qu'avec une feule Mais cette aura-t-elle en François une force qu'elle n'a pas dans le Latin. On prononce dans cette Langue originale rezu dans les deux mots : mais la nôtre n'admettant pas cette prononciation dans reffufciter, il faut convenir qu'on y doit doubler la lettre /, afin qu'on ne prononce pas rezu dans ce mot, comme on le prononce dans refurrection.

Cherchons maintenant l'autorité de cette nouvelle Orthographe chez ceux mêmes qui en font les auteurs. On trouve dans les Dictionnaires de Richelet & de Joubert les mots refacrer, refaigner, refaluer, refauter, resécher, refeller, resemeller, refemer, &c. écrit avec une feule ; parce qu'ils font compofés de la prépofition re, & des mots facrer, faigner, faluer, fauter, sécher, feller, femelle, femer, &c. Voilà une nouvelle regle établie : mais ces prétendus Légiflateurs fuivent ils exactement cette loi qu'ils nous donnent ? C'est ce qu'il faut examiner. Je trouve dans ces mêmes Dictionnaires les mots reffaffer, reffentiment, reffentir, refferrer, reffortir, pour fignifier fortir de nouveau, reffouvenir, & quelques femblables, écrits avec deux. Cependant ces derniers mots font auffi-bien que les premiers, compofés de la prépofition re, & des mots faffer, fentiment, fentir, ferrer, fortir & fouvenir, qui commencent par une . Que leurs Partifans conviennent donc qu'ils font blâmables d'avoir écrit les premiers avec une feule, ou qu'ils ont eu tort d'écrire ces derniers avec deux f. Je leur donne le choix, mais puifqu'ils ne font pas d'accord avec eux-mêmes, je fuivrai mon goût particulier ; & s'il m'étoit permis de prendre le ton de Maître, je leur confeillerois d'examiner mes raifons, & j'ofe me flatter qu'ils s'y rendroient.

Il faut obferver que la double ayant le même fon que

le e, on pourroit les confondre. Pour prévenir cet inconvé nient, il faut avoir recours à Fétymologie: ainfi pour écrire correctement matelaffier, echalaffer, fucceffion, endoffer, offement, & femblables, il faut favoir qu'ils font composés de matelats, échalas, fuccès, dos, os, &c. mots dont la finale eft une s. On m'objectera peut-être les mots rifible repofer, cloje, & femblables, où la lettre ne double pas quoique dérivés de ris, repos, clos, &c. dont la finale eft pareillement une s. Mais il y a bien de la différence entre tous ces mots, parce que dans les uns la lettre ƒ doublant elle emprunte le fon du c, & que dans les autres où elle eft fimple, elle prend celui du z. Ainfi pour lever cente difficulté, il ne faut confulter que l'oreille, & fuivre l'ulage.

La lettre ƒ doit toujours être placée à la fin de la feconde perfonne du fingulier de tous les verbes, dans quelque temps ou mode que ce foit. Cette regle eft générale, excepté à l'Impératif de la premiere Conjugaifon, & de quelques autres verbes dont la premiere perfonne du préfent de l'Indicatif eft terminée par une muet.

Enfin il ne me refte plus rien à dire fur cette lettre, fi ce n'eft qu'elle doit doubler dans les mots qui tirent leur étymologie des Latins où elle eft double, comme difséquer diffoudre, & femblables, qui viennent de diffecare, diffolvere, &c. dans quelques-uns de ceux qui viennent des Latins en x, comme coaffer, qui vient de coaxare; & enfin dans ceux qui font compofés de la prépofition à, & d'un mot François qui commence par une, comme affeoir, affujettir, & femblables. Voyez ci-deffus les Remarques des lettres B & C, & ailleurs.

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Cette lettre devant un i fuivi d'une voyelle, fe prononce en plufieurs mots comme un c. Pour ne pas fe tromper dans l'Orthographe de ces fortes de mots, il faut avoir recours aux Latins dont ils font dérivés & confidérer comment ils font écrits dans cette Langue originale. Voyez cette Remarque ci-après aux Terminaifons.

Cette regle, quoique prudemment établie, fouffre cependant

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