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vraient. Au loin, un brouillard léger monte en se dissipant peu à peu. Ce voile, qui dérobe encore à l'œil le sommet de l'Atlas, en laisse apercevoir une partie dont les cimes élevées renvoient la vive lumière qui les frappe.

Ce brouillard semble fuir à regret et vouloir s'arrêter dans sa fuite; il coupe la chaîne de montagnes des Bédouins, en suivant une ligne horizontale, à quelques pieds au-dessus du sol, et permet à l'œil de découvrir le superbe paysage qui s'étend jusqu'à la base de ces montagnes, et qui encadre si gracieusement un petit golfe de la Méditerranée.

Avec quel art le peintre a rendu les différentes nuances produites par le jeu de la lumière sur les aspérités du terrain! Comme les ombres disputent bien au soleil cette terre rocailleuse, dans les anfractuosités de laquelle la nuit semble encore se cacher! A voir les progrès du soleil, la douce et insensible lumière qui commence à colorer le versant du monticule à gauche, ne semble-t-il pas que l'on voit surgir l'astre vainqueur?

L'effet est rendu si juste, que l'on éprouve, en regardant cette colline, un éblouissement réel. Le versant que l'on voit ne peut pas encore être éclairé par les feux du soleil qui paraît derrière; mais les rayons, glissant au-dessus de l'ombre, la laissent apercevoir à travers la

nappe de lumière qui la recouvre, et vous arrivent en gerbes dans les yeux.

Quel heureux contraste entre ce terrain sombre encore et cet autre monticule, souriant au baiser du matin, avec son blanc palais, avec ses nobles et gracieux palmiers qui semblent s'épanouir au soleil levant, et secouer autour d'eux la fraîche et abondante rosée que la nuit a versée sur leurs feuilles allanguies par les brûlantes ardeurs de la veille.

Qu'il est effrayant, ce ravin tout noir, séparant les deux coteaux! C'est l'abîme où la nuit va se réfugier avec l'esprit des ténèbres. On tremble d'y plonger son regard, de peur que le vertige vous saisissant ne vous y entraîne la tête la première.

Les figures, peu nombreuses, qui animent cette solitude, participent admirablement au caractère noble du paysage. Quel grand style, quelle majesté simple dans l'attitude grave de ce Bédouin qui abreuve ses chèvres à la fontaine dont l'eau est fraîche encore!

Une plume habile trouverait dans ce tableau la matière d'une magnifique description; le poëte, en le contemplant, sentirait les pensées arriver en foule et se presser dans son cerveau; nous serons trop heureux si notre lithographie et notre analyse peuvent, ensemble, donner une idée de l'ouvrage de M. Gudin à ceux qui

n'ont pas eu le bonheur de le contempler. Quant à ceux qui l'ont vu, sans doute ils ne l'oublieront jamais, et notre copie, ne fût-elle qu'une ébauche informe, leur en rappellera toujours assez pour réveiller leur admiration.

M. Gudin a-t-il quitté le genre des marines? se donnera-t-il tout entier au paysage? Il s'est montré si supérieur dans chacun de ces genres, que nous serions fâché de le voir faire un choix qui nous priverait de l'une ou de l'autre de ses spécialités, si fécondes en chefs-d'œuvre.

Maintenant, nous attendons avec impatience que l'occasion se présente encore à M. Gudin de nous favoriser de l'envoi d'un de ses ouvrages.

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