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ED. DELVAUX.

Élève de M. H. Van Assche, ce paysagiste s'est rapidement acquis une réputation qu'il soutient avec honneur. Il débuta à l'Exposition de Liége et à celle de Bruxelles, en 1830, par de grands intérieurs de forêts, où les amateurs reconnurent une vigueur de faire, qui semblait promettre un émule à nos meilleurs peintres. On savait gré surtout au jeune artiste de ce qu'il montrait, dès l'abord, une originalité qui le distinguait de tous les paysagistes ses confrères.

Depuis lors, le talent de M. Delvaux s'est développé ; en 1833, il obtint un beau succès, un de ses tableaux fut acquis pour le Musée national où il est placé. Il montre aujourd'hui au Salon quatre paysages qui méritent de fixer l'attention.

Bords de la Senne. Vue prise près de Forest, no 96 '. A gauche, la Senne dont les eaux lentes s'enfoncent sous un antre de verdure, où l'ombre s'assombrit ; sur le premier plan, au milieu et à droite, deux arbres, au branchage bien fourni de feuilles, se découpent en repoussoirs, et laissent apercevoir dans les cadres que forment leurs troncs et leurs branches réunies, des arrièreplans et un horizon où les accidens de lumière et d'ombre sont distribués pour produire un effet piquant. Cette composition est heureuse, et donne au site, fort simple en lui-même, un sentiment tranquille et mélancolique. On le choisirait, cet endroit écarté, pour y aller braver les feux des jours de juin, un Lamartine en main, étendu à l'ombre de ces hêtres, au bord de l'eau. Des critiques sévères pourront trouver de la froideur dans ce tableau; la verdure y est quelque peu grise et monotone; les arbres manquent aussi de relief; on voudrait plus d'air autour des branches. Mais le feuillé en est habilement traité; nous reconnaissons là les études consciencieuses de l'artiste. Ses premiers plans sont fermes et vigoureux, il y a quelque faiblesse dans les derniers.

Les ruines de Mont-Aigle, no 97, participent des qualités et des défauts du premier. Le bouquet d'arbres du milieu est charmant, la montagne est d'un bel effet,

Hauteur, mètre, 1,27; largeur, mètre, 1,69.

avec sa couronne de ruines; les eaux ont de la transparence. L'intention de donner de la fraîcheur au paysage nous paraît encore ici produire un effet fort voisin de la froideur.

Site aux environs de Huy, no 98. La rivière, suspendue un moment en une nappe immobile et transparente, tombe en petite cascade sur le devant; à gauche du cours de l'eau, des montagnes; à droite, au milieu du tableau, un terrain uni couvert d'un bois sombre dont les arbres viennent mirer leur pied dans le limpide miroir. Plus loin, vers le cadre, un chemin qui s'enfonce dans la forêt. Ce paysage est animé par quelques cerfs, au bord de la rivière. L'ombre est jetée avec sentiment sur le massif d'arbres du milieu; au fond, la haute montagne à pic rappelle plus celles de la Suisse que celles des bords de la Meuse nous serions tenté d'accuser ici le peintre d'infidélité, ou plutôt de s'être laissé aller à une réminiscence involontaire de son voyage aux Alpes. Le versant de la montagne qui descend jusqu'à la rivière est rendu avec beaucoup de vérité, il est très-varié de ton, la lumière y joue bien, et fait une belle opposition avec les teintes rembrunies du massif sombre du milieu. De l'autre côté, le chemin entre si bien dans le bois que l'on serait tenté d'y pénétrer avec lui. Le ciel nous a paru manquer d'harmonie ; le blanc et le noir y tranchent fort.—

Les eaux calmes et la cascade sont rendues avec une égale exactitude, elles produisent une belle opposition de pensée, bien conservée dans l'exécution.

Le quatrième tableau de M. Delvaux offre encore de belles qualités.

Nous ne finirons pas cependant sans lui recommander le dessin; ses arbres pèchent souvent sous ce rapport, son feuillé n'est pas toujours assez varié, assez étudié.

En somme, cet artiste s'est montré digne de sa réputation: nos critiques doivent lui prouver le cas que nous faisons de son talent, et la confiance que nous avons

dans ses progrès.

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