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EUG. FLANDIN.

Parmi les vues de villes qui sont exposées au Salon, les amateurs ont remarqué deux tableaux représentant, l'un, La place de Saint-Marc, à Venise, l'autre, La Grand' Place de Bruxelles, côté de la maison dite BroodHuys. L'auteur de ces deux ouvrages est un élève de M. Gudin, dont le talent s'est manifesté pour la première fois au Salon de Paris, au mois de mars dernier. M. Eugène Flandin revenait alors d'Italie et en rapportait des études laborieusement acquises. Il s'est mis à l'œuvre et a exécuté pour l'Exposition parisienne, Une plage de Naples avec ruines romaines; Un clair de lune (le pont des Soupirs à Venise, avec une exécution d'une sentence du Conseil des Dix), et enfin, une toile de six

pieds, représentant La place de Saint-Marc, à Venise. De ces trois tableaux, le second et le troisième furent immédiatement acquis, l'un par la Société des Amis des Arts de Paris, l'autre par S. M. le Roi des Français. Les journaux de la capitale en firent un bel éloge et signalèrent leur auteur comme donnant de brillantes espérances.

Nous sommes heureux de pouvoir apprécier par nousmêmes la légitimité de ces jugemens; M. Flandin qui, depuis quelques mois, est venu recueillir des études dans notre pays, a exécuté, pour notre Salon, cette Vue de la Grand' Place de Bruxelles (no 179), dont nous donnerons la lithographie dans une de nos prochaines livraisons '.

Rien qu'au choix qu'il a fait parmi les différens aspects. que présente la place de l'Hôtel-de-Ville, on peut juger de la justesse de coup d'œil du peintre. Il voulait rester vrai et ne pas violer les règles de la perspective, ne nous présenter sur sa toile qu'un ensemble d'objets que notre regard pourrait effectivement embrasser d'un point de vue donné. C'est une règle que ne s'est pas imposée l'auteur d'une autre vue de la même place, lequel a cru pouvoir nous montrer la place tout entière, avec ses trois côtés. Celui-là a manqué tout à fait aux principes de la perspective linéaire.

1 Hauteur, mètre, 0,93; largeur, mètre, 0,75.

M. Flandin a représenté avec une grande exactitude cette suite de façades variées qui embellissent le côté de la place où se trouve aujourd'hui la Société de la Loyauté. Il ne s'est pas contenté de nous donner un ensemble satisfaisant et des détails exacts, il a su, pour enrichir encore son effet, jeter, sur le milieu du tableau, un accident de lumière fort piquant, produit par l'ombre d'un nuage orageux. Quelques critiques ont trouvé que cette ombre était un peu noire, qu'elle faisait tache. Nous ne regardons pas cette partie comme tout à fait irréprochable; mais une aussi légère imperfection, rachetée d'ailleurs par tant de qualités, ne nous permet pas de nous y arrêter. Les figures qui animent cette vue sont d'une bonne touche, spirituellement groupées, et bien d'accord avec le ton général du tableau.

L'autre tableau de M. Flandin mérite aussi beaucoup d'éloges. On y reconnaît avec plaisir que ce jeune artiste, bien qu'élève de M. Gudin, s'est formé une manière à lui, et qu'il a plus étudié la nature qu'il n'a copié son maître. Le ciel pur et profond, les eaux transparentes, l'excellente couleur des palais et des barques, l'animation qu'impriment à l'ensemble les figures distribuées çà et là, concourent bien à donner une idée de cette place de Venise, dont on a vu d'ailleurs mille fois la reproduction.

Le grand tableau qui a valu à M. Flandin un rang parmi les jeunes artistes français, à l'Exposition de Paris, était le même sujet, sur des proportions beaucoup plus grandes et conçu différemment, quant à l'effet et aux accessoires.

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