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FRANÇOIS DE MARNEFFE.

Après d'assez longs tâtonnemens, ce peintre a rencontré le genre qui lui convient le mieux. Nous pensons que le public, par son suffrage, confirmera ce juge

ment.

En effet, les paysages que M. de Marneffe nous a montrés cette année méritent, à beaucoup d'égards, une attention que n'avaient pas attirée jusqu'ici les autres productions de ce pinceau.

De grandes qualités sont indispensables pour réussir dans le paysage historique. Outre la difficulté que présente l'exécution des figures, il y a encore celle qui résulte de la nécessité où se trouve le peintre d'imprimer

au site un caractère, un sentiment qui, par son accord ou par son contraste avec la scène à laquelle il sert de théâtre, produise un effet fort et juste.

M. de Marneffe, dans son tableau no 336, nous paraît avoir réuni plusieurs de ces qualités à un haut degré. Même lorsqu'il n'a pas tout à fait atteint son but, l'intention poétique est sensible, on la saisit sans peine. C'est un gage de succès pour les ouvrages qu'il concevra et qu'il exécutera dorénavant dans ce système.

Charles II, roi d'Angleterre, dans la forêt de
Boscobel'.

Après la bataille de Worcester, Charles II, fugitif et proscrit, se confie aux cinq frères Penderell. Ceux-ci, afin de le soustraire aux poursuites des soldats du Parlement, l'ont déguisé sous des habits grossiers, et emmené avec eux faire du bois dans la forêt de Boscobel. Là, serré de près, le roi fut obligé de monter sur un chêne, où il passa la nuit. »

Le peintre a choisi le moment où la forêt est investie. 1 Hauteur, mètre, 1,65; largeur, mètre, 1,50.

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Les fidèles sujets du roi supplient leur maître de se rendre à leurs prières, de céder à leurs instances. Les soldats sont sur leurs pas, un précipice arrête la marche des fugitifs. L'artiste a voulu, par cette disposition du terrain, faire comprendre l'imminence du danger. Faisons d'abord une remarque sur la nature que le peintre a choisie. Ce n'est ni dans un parc, ni dans les bois dénaturés par l'exploitation industrielle, qu'il est allé chercher les types de ses arbres. Il s'est enfoncé sous quelque sombre forêt des Ardennes; là, il s'est mis en quête de la végétation la plus sauvage, de ces pousses indépendantes et vigoureuses qui rappellent les premiers âges du monde. La cognée n'a émondé aucun de ces chênes séculaires, aucune main avide n'a dirigé leurs têtes vers les cieux, en mutilant leurs bras de géant; ils ont étendu leurs troncs noueux et leurs branches monstrueuses, sans se soucier de faire de longues poutres ou de larges planches pour un propriétaire avare.

Nous signalons avec infiniment de plaisir cette haute intelligence de son sujet, dans un artiste qui abandonne la manière habituelle à tous les paysagistes du pays, qui se fraye une route à lui, qui s'ouvre une carrière dans laquelle ses connaissances variées le feront marcher avec fermeté. Nous ne conseillerions pas cette voie à la plupart de ses confrères; en général, ils manquent

dans une autre direction l'exposerait à se fourvoyer, témoin les no 340 et 341: au lieu qu'en suivant la route qu'il a prise, il fait espérer à la Belgique un grand artiste de plus. Nous y comptons, pour notre part. Les connaissances variées, le bon goût du peintre nous sont un garant qu'il saura choisir des sujets capables de donner l'inspiration poétique, sans laquelle les œuvres d'art n'ont qu'une durée éphémère.

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