Images de page
PDF
ePub

MARINUS.

Voici trois ans que ce jeune peintre s'est placé parmi nos paysagistes. Son début a eu quelque retentissement, non pas qu'il se soit présenté dans la lice avec une supériorité qui lui attirât tous les suffrages, mais parce que l'apparition de ses ouvrages éveilla de grandes discussions sur les principes de l'art. M. Marinus a voulu être novateur avant d'avoir un talent fait, et cette prétention a failli le perdre.

Heureusement, il a abandonné, lorsqu'il en était encore temps, la route funeste où il était à craindre que des éloges de camaraderie ne le retinssent longtemps. Dès qu'il eut abandonné sa manière ultra-romantique, et qu'il se fut contenté de peindre la nature, on vit son

talent prendre plus de solidité; il reste bien encore en lui un peu de cette tendance à l'exagération; mais on sent qu'il s'en débarrasse à mesure qu'il avance.

Six tableaux de M. Marinus sont exposés dans le Salon; il en est plusieurs qui méritent des éloges, et nous nous ferons un plaisir de les lui adresser: d'autres sont moins heureux. Nous ne lui cacherons pas notre opinion à l'égard de ceux-là, parce que nous comptons sur son avenir et sur ses progrès.

Et d'abord, pour en finir avec le plus pénible de notre tâche, L'effet de brouillard sur la Meuse, no 330, ne nous paraît pas du tout rendre ce que l'artiste a voulu exprimer.

Au lieu de cette insensible et vaporeuse dégradation à laquelle un brouillard soumet la vue des objets, M. Marinus n'a composé son tableau que de deux plans, un premier plan beaucoup trop vigoureux, et un second qui ne se voit pas. C'est particulièrement sur cette faute grave que nous appelons son attention. On ne trouve pas dans ce tableau le passage insensible d'un plan à l'autre, les objets du devant ne sont à peu près que des silhouettes se découpant sur un fond uni. Quant à la couleur de ce fond, nous lui trouvons bien peu de rapports avec la nature et beaucoup trop avec de la nacre. Nous ne nous arrêterons pas aux détails: c'est par l'ensemble que ce

tableau devait frapper; nous avons dit pourquoi nous pensons que le peintre a manqué son but.

Le no 331, Souvenir des Alpes, est bien plus digne d'éloges; la composition en est belle, les eaux y sont vraies, les oiseaux sont dans un bon mouvement; mais les roches de devant ont une transparence qui a le double défaut d'ôter de la vigueur aux premiers plans, et de manquer de vérité.

Vue près de Namur, passage d'eau.

(N° 332 1.)

Le premier plan est presque entièrement occupé par un bac, où se trouvent réunis une paysanne sur son âne, un jeune et un vieux batelier, et quelques autres passagers; au fond, la rivière et un lointain richement orné.

L'effet du premier plan nous a paru forcé et quelque peu heurté. Les autres plans sont traités avec délicatesse; les eaux y sont d'une belle couleur, le ciel ne manque pas de profondeur, le feuillé des arbres est joli.

Hauteur, mètre, 0,95; largeur, mètre, 1,10.,

La dégradation de ton entre les plans secondaires est fort bien observée.

Parmi les figures du bateau, quelques-unes sont excellentes et n'ont qu'un défaut, celui de rappeler Berchem. C'est surtout la paysanne sur son âne, qui motive cette observation. Si l'on compare cette figure à celle du vieux passeur d'eau, on ne pourra jamais croire que toutes les deux sont de la même main.

Quoi qu'il en soit, ce paysage est d'un très-agréable aspect, et nous en présentons, avec confiance, la gravure à nos lecteurs.

Les deux petits pendans, no 333,334, sont fort jolis, surtout le premier; ils rendent bien les sites de notre pays. Le ciel du n° 335 est extrêmement bien.

En somme, nous félicitons M. Marinus des progrès qu'il a faits son talent s'améliore chaque jour.

:

H. LEHON.

C'est la première fois que nous voyons, dans un salond 'exposition, des ouvrages de ce jeune artiste. Pour son début, il se place au premier rang parmi nos aquarellistes. Les trois marines qu'il nous a données ont vivement excité l'intérêt des connaisseurs : toutes trois sont remarquables par un effet différent, bien saisi, et rendu avec talent. Le n° 292, Brick à la côte, représente une plage à la marée basse, un petit brick normand et deux chaloupes à sec attendent sur le sable le retour du flot. Le ton de cette aquarelle est vrai et tout y est consciencieusement étudié. Les figures qui s'y trouvent dénotent un peu le manque d'habitude; nous recommandons à M. Lehon de faire beaucoup d'études pour cette partie sa couleur, vigoureuse

« PrécédentContinuer »