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vères et même aussi injustes que les premiers éloges avaient été exagérés. Il aurait pu adresser aux auteurs des premiers comme des derniers, ces mots fameux de

Junie à Néron.

Je n'ai mérité

Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

Depuis 1833, M. Mathieu travaille à réparer le tort que lui a fait son premier succès, et, hâtons-nous de le dire, ses efforts ont obtenu plusieurs fois un beau résultat. De sérieuses études l'ont déjà amené à un point où il ne serait peut-être jamais parvenu, s'il avait accordé sa confiance aux louanges dont on l'avait voulu enivrer.

Son dessin a acquis de la correction, sa manière a pris un caractère original, sa couleur s'est fortifiée. Il nous montre cette année un tableau d'histoire, un tableau d'église, une madone, et un portrait. Tous n'obtiendront pas nos éloges au même degré, mais l'ensemble de ces travaux nous fournira l'occasion de dél'artiste est réellement en progrès.

montrer que

Le tableau historique de M. Mathieu est une des plus grandes toiles du Salon. C'est une vaste composition représentant la chute que fit Marie de Bourgogne à la chasse, chute qui causa la mort de cette princesse. Le choix du sujet pourrait donner lieu à quelques observa

tions. Nous aimons mieux le prendre tel que l'auteur l'a choisi et ne nous occuper que de la manière dont il l'a rendu.

Marie de Bourgogne tombant de cheval à la chasse.

(No 842.)

Nous donnerons d'abord quelques détails historiques sur l'événement, et sur le caractère et la personne de la duchesse, afin de faciliter l'intelligence de la scène, et de faire ressortir le travail de l'artiste dans les parties où il a mis le plus de conscience et d'études.

« Dans les premiers jours de février 1482, l'archiduc Maximilien d'Autriche et Marie de Bourgogne, son épouse, fille de Charles le Téméraire, chassaient, accompagnés d'une suite nombreuse de dames et de seigneurs, dans les environs de Bruges. La duchesse, disent les écrivains du temps, aimait spécialement la chasse au vol et s'entendait particulièrement à dresser les faucons et les éperviers : car à cette époque la vénerie était à la fois une science et un plaisir pour les

1 Hauteur, mètre 3,65; largeur, mètre, 4.96.

grands. Marie montait un cheval d'Espague, vif et ombrageux, qu'elle lança pour franchir un trone d'arbre abattu sur la route. L'animal effrayé se cabra, les sangles se brisèrent, la selle tourna, et la duchesse tomba, renversée rudement en arrière sur l'obstacle qu'elle voulait surmonter. Blessée grièvement aux côtes, on la ramena au palais où elle mourut, après trois semaines de souffrances aiguës, qu'elle augmenta en essayant de cacher sa blessure aux médecins par un mouvement de pudeur mal placée, d'autres disent dans la crainte d'effrayer son mari.

«< Sa mort, dit Philippe de Commines, fut un trèsgrand dommage pour ses sujets et amis, car onques puis n'eurent bien ne peix, car le peuple de Gand et autres villes l'avoient à plus grande révérence que le mary, à cause qu'elle étoit dame du pays. »

« Marie, lorsqu'elle mourut, était âgée de vingt-cinq ans et enceinte de son cinquième enfant. Elle était belle et pâle, dit un historien du temps, et ressemblait à son père; son menton allongé et ses lèvres entr'ouvertes indiquaient son alliance à la famille royale de France. Elle jouissait d'une santé robuste; sa démarche était sévère, hautaine; son caractère viril, intrépide et irri ́table, car elle avait le tempérament sanguin. Elle se plaisait surtout à la lecture d'histoires vraies, et aimait

passionnément son mari. Cet amour était réciproque : Maximilien, pendant le reste de sa vie, ne pouvait entendre parler de cette mort fatale, ou se la rappeler luimême, sans fondre en larmes à l'instant.

« Comme elle l'avait exigé, Marie de Bourgogne fut enterrée à Bruges, dans l'Église de Notre-Dame, à côté de son père. »

Le peintre a pris le moment même où le corps de la princesse vient de heurter le sol. Le cheval est abattu, la selle a tourné, Marie est précipitée, la tête la première; les pages de sa suite s'empressent, des chevaux se cabrent, un effroi subit a saisi tous les spectateurs.

La disposition de la scène est celle-ci : Au milieu de la toile, le cheval blanc de la princesse abattu; Marie, dans la position d'une personne qui vient de tomber la tête en bas, sa longue robe flotte encore au delà de ses pieds. Un jeune page est déjà occupé à la soulever par les épaules. De l'autre côté du cheval abattu, un écuyer décroche la robe retenue à la selle. De l'extrémité opposée du tableau, accourt le duc Maximilien, qui a mis pied à terre; il s'élance avec effroi au secours de sa royale épouse. Vers le milieu, au second plan, une dame d'honneur effrayée s'efforce de retenir le cheval sur lequel elle est montée, et qui se cabre, effarouché par le tumulte. A un plan un peu plus reculé,

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