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une autre dame d'honneur paraît aussi sur un cheval dont un page a saisi la bride. Tout à fait à droite, un fauconnier, l'oiseau sur le poing, et à cheval, s'arrête auprès de la princesse; son cheval, avançant le cou, flaire et regarde avec terreur la duchesse. Au fond, un chasseur sonne du cor pour appeler le reste de la troupe. A gauche, un page tient la bride du cheval du duc, un second fauconnier et un arbalétrier à pied complètent, avec les grands chiens courans, l'ensemble de la chasse. Dans le fond, à droite, l'on découvre, à travers les taillis, un cerf poursuivi par des chiens. Le site est l'entrée d'une forêt; sur le premier plan gît la branche d'arbre qui a occasionné l'accident.

Comme composition, comme dessin, sous le rapport de la disposition et des expressions, ce tableau est digne de beaucoup d'éloges; ses principaux défauts proviennent d'une couleur peu sûre, sûre, d'un manque complet d'entente du clair-obscur et de la dégradation des objets soumis à la perspective aérienne. L'analyse attentive que nous en avons faite nous a mis à même d'y reconnaître un ensemble de lignes extrêmement pittoresque, d'un style vraiment noble et digne de la peinture historique. Ces qualités seraient bien plus frappantes si le coloris répondait au dessin. Ce qui manque surtout à cette couleur, c'est de l'harmonie et de la variété dans

les tons, toutes les chairs y sont de la même touche, les draperies ont toutes un même éclat, qui fait papilloter le tableau, les plans ne se détachent pas nettement.

Voyons maintenant ce qu'il a de digne d'éloge. D'abord le personnage de la princesse présentait de fort grandes difficultés, pour rester entre les deux écueils du trivial et du théâtral. Il fallait la faire tomber naturellement, et avec grâce : une femme jeune et belle ne pouvait être représentée autrement. M. Mathieu nous paraît avoir parfaitement réussi sous ce rapport. Le mouvement de la duchesse est simple et naturel, sa figure exprime la douleur comprimée par un sentiment de dignité. Le long vêtement qui enveloppe ses jambes et ses pieds donne à la chute toute la décence que la Fontaine admire dans Thisbé se poignardant. Le peintre, toutefois, n'a pas négligé de faire sentir les formes sous la draperie, et de les accuser par un dessin correct et gracieux. Le cou et la tête renversée sont fort bien dessinés aussi; les mains, dont l'une est tendue et abandonnée un moment à elle-même, offrent le même genre de mérite. La droite retient encore la bride du cheval. C'est un trait de caractère : on sait que Marie de Bourgogne était une femme intrépide, que rien n'arrêtait son cheval aura fait un écart avant de s'abattre, elle aura cherché à le maîtriser, et, tout en

tombant, elle retient encore la bride qui devait le gouverner. Ceci explique également comment il se fait que déjà le duc a mis pied à terre, comment déjà un page est occupé à relever la princesse, un écuyer à décrocher sa robe; les premiers mouvemens du cheval ombrageux ont donné l'éveil, on s'est empressé dès lors; les montures des autres dames de la compagnie se sont aussi effarouchées.

Le personnage du duc est plein de naturel, il s'élance avec une expression d'inquiétude bien vraie. C'est Maximilien, tel que nous le représente l'histoire, idolâtre de son épouse dont la mort le laissa inconsolable. Son costume est brillant, sa figure jeune et belle a la noblesse réclamait le genre.

que

L'effroi que le peintre a placé sur la figure des deux dames d'honneur offre deux nuances bien senties : chez l'une, il décompose des traits qui ne sont plus de la première jeunesse ; chez l'autre, il laisse subsister toutes les grâces de la beauté, s'il ne les augmente même pas. Le jeune page qui tient le cheval du duc, porte un pourpoint vert à larges manches tombantes, et un collant rouge; ce costume est très-joli. La physionomie de l'adolescent exprime bien la part qu'il prend au malheur de sa belle maîtresse, et le regret de ne pouvoir, comme son compagnon plus heureux, aller l'aider à se relever.

Les chevaux, en assez grand nombre dans ce tableau, ne sont pas tous heureusement dessinés. Celui de Marie est abattu d'une façon si singulière qu'on ne peut s'en rendre compte. Les jambes de celui qui se cabre viennent trop en avant, quoique cependant elles soient trop courtes pour les proportions exagérées de l'animal; c'est qu'il n'est pas à son plan. Le mouvement de celui de droite, qui avance la tête vers la duchesse, est quelque peu forcé. Les autres, surtout le cheval du duc, sont fort beaux, et dans une attitude convenable. Les trois chiens du premier plan sont aussi extrêmement bien sous le rapport du dessin et de la peinture, toutefois les pattes de derrière de l'un d'eux paraissent un peu longues.

En résumé, le tableau de M. Mathieu est une preuve incontestable de progrès. La gravure que nous en offrons à nos lecteurs, et qui le donne sans sa couleur, et par conséquent sans les principaux défauts, confirmera ce que nous avons avancé de la composition et du dessin.

Le portrait de famille, inscrit au no 345 du catalogue, ne sort pas de la ligne des portraits ordinaires. Le peintre y a mis du talent d'exécution; il en a mis aussi dans sa Stella matutina; et, dans cette dernière, il aurait fallu mettre autre chose, qu'on y cherche en vain.

Le Christ en croix est, de tous les ouvrages de M. Mathieu, celui qui nous a fait le moins de plaisir ; ce sujet, si éloquent, ne paraît pas avoir inspiré l'auteur. Il est vrai que l'on ne peut souffrir la médiocrité dans la représentation des divines scènes de la vie du Christ. Les plus grands peintres y ont consacré leur talent, et leurs plus sublimes ouvrages sont connus de tout le monde, c'est ce qui nous rend exigeant.

M. Mathieu a été, à l'occasion de cette Exposition, en butte à beaucoup de critiques; nous l'engageons à ne pas se décourager: pour avoir marché avec lenteur, il n'en arrivera pas moins sûrement.

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