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dans le reste, se sent ici de l'indécision de son dessin.

Le n° 291, Grosse mer, est la sortie du port d'un bateau à vapeur, par un effet de mer que les marins nomment le grain. Le ciel est noir, la pluie raye au loin l'horizon, et la mer commence à se creuser en vagues profondes et sombres. M. Lehon a parfaitement réussi à rendre cet effet, qui offrait de grandes difficultés. Il y a même une sorte de poésie dans son ensemble, que l'on chercherait en vain chez la plupart de nos peintres de marines.

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La troisième aquarelle, no 290, Naufrage près du fort Rouge, devant Calais, représente un brick battu par tempête, au moment où il vient s'abîmer. Cette dernière est celle que nous préférons : le ciely est superbement orageux, le coup de soleil qui frappe la mer, au milieu de la tempête, est bien rendu, les eaux y sont transparentes et puissamment secouées, la vague y ondule avec grâce. Il y a beaucoup d'énergie dans les mouvemens des flots, aux endroitsoù ils rencontrent de l'obstacle, contre la jetée et contre le brick qui se perd. L'eau se brise et rejaillit en une pluie blanchâtre, rendue avec une touche légère.

Nous applaudissons vivement à ce début de M. Lehon, il y a là de belles promesses; nous sommes persuadé qu'il les tiendra.

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LOUIS GALLAIT.

Le Salon d'Exposition de 1833 fut une arène où les novateurs livrèrent le plus sérieux combat aux doctrines classiques. Cette lutte que Paris avait vue quelques années auparavant, et qui, là, était déjà décidée en faveur des principes, se manifesta chez nous avec une grande vivacité, passionna le public, et, comme il arrive toujours en pareil cas, porta l'enthousiasme jusqu'à l'aveuglement.

Des hommes, qui depuis ont bien modifié leurs idées, proclamaient partout la prééminence de la couleur sur le dessin. C'était à leurs yeux un temps perdu que celui que les élèves donnaient à ces sérieuses études. L'effet devait tout remplacer. On citait à tout propos, et bien mal à propos, pensons-nous, l'exemple de Ru

bens, de Rembrandt, à qui l'on faisait injure en ne reconnaissant chez eux que des coloristes.

Au milieu de cet entraînement, on vit des gens de bonne foi s'engouer pour des productions de la dernière médiocrité, par le seul motif qu'elles se distinguaient du reste des peintures. On ne se demandait pas si l'originalité de tel jeune artiste ne tenait pas uniquement aux incertitudes de l'inexpérience. On prenait aussi pour de l'originalité des imitations plus ou moins adroitement voilées.

Quelques succès, il faut le dire, scandaleux pour l'art belge, et qui faisaient tort au goût de la nation, signalèrent donc cette Exposition.

Nous avons tous notre part à prendre dans les reproches que l'on peut adresser aux jugemens de cette année. Chacun se laissa maîtriser par une sorte de vertige, et l'on fut quelque temps à se reconnaître. Alors on eut honte de ce qui avait été fait, on cut honte d'avoir subi l'influence générale, et plusieurs se hâtèrent de revenir à la vérité.

Pendant que les deux principes opposés se disputaient ainsi le terrain, en portant souvent l'un et l'autre leurs prétentions jusqu'à l'absurde, une toile, modeste d'effet, sérieuse d'études, consciencieuse de travail, était appendue aux murailles du Salon, à une place

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