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Van Goyen, sa fille, en mariage. Jean Steen, quoique avec un talent déjà connu par des ouvrages estimés, n'osa pourtant s'y fier, pour se flatter d'en pouvoir vivre commodément; il accepta donc la proposition que lui fit son père de l'établir dans une brasserie à Delft. Le profit qu'il en eût tiré, s'il avait su prendre garde à ses affaires, suffisait pour faire aller honnêtement sa maison, et il aurait pu trouver le temps de s'amuser à peindre, et de faire de nouvelles études et de plus grands progrès dans un art pour lequel il paraissait né. Mais l'aisance que lui offrait ces avantages, fut cause de sa perte; il en abusa, et se livra à une telle crapule et à une dissipation si folle, qu'au bout de l'année même il fut ruiné son père le rétablit plus d'une fois, sans le corriger, et l'abandonna. Enfin le brasseur Jean Steen devint cabaretier: ce fut encore pis, il trouvait chez lui ce qu'il allait chercher par la ville; c'était lui qui buvait le plus de son vin; quand sa cave était vide, il ôtait l'enseigne, il s'enfermait chez lui, peignait à force, et, de quelques tableaux qu'il vendait bien, il achetait du vin qu'il buvait encore : tous les hôtelliers n'ont pas

cette ressource. »>

La table est dressée en plein air; un grand tapis, suspendu à une corde, abrite les convives, dont quelques-uns ont déjà pris place, pendant que les autres

s'empressent pour venir au-devant du couple qui descend les degrés du seuil de la porte. Cette réunion, qui vous paraît composée de paysans endimanchés, rassemble cependant plusieurs des meilleurs artistes hollandais de ce temps. Ils ne ressemblent guère, pour la tournure et les manières, à ceux d'aujourd'hui. Ce sont là des gens qui sont nés peintres, et qui font tout natuturellement de charmans et naïfs tableaux en copiant ce qu'ils voient autour d'eux. Ceux-là ne s'inquiètent pas d'être de telle ou telle école, ils sont Hollandais avant tout, et n'imitent que la nature. Un musicien, jouant de la basse, est assis en avant de la table, un autre, debout, joue du violon. Ces deux figures sont d'une charmante vérité de pose et de mouvement. Jean Steen, descendant l'escalier, est bien ce bon vivant, gai et insouciant de l'avenir; on voit sur sa mine qu'il est en effet capable de manger le bien de sa femme quand il aura bu le sien. La jeune mariée est naïve et modeste. Il y a du contentement dans ses traits, beaucoup de douceur dans sa physionomie; son costume est simple, il a un genre d'élégance rustique qui plaît.

La joie est peinte sur toutes les figures des assistans, avec justesse et simplicité.

Quant à la couleur du tableau, elle est pleine d'harmonic, de vigueur et de franchise. Comme dans pres

que tous les ouvrages de ce maître, les tons bleus y dominent. Ils donnent de la fraîcheur à l'ensemble et de la transparence à l'air.

par

Le n° 526 a deux têtes excellentes par-dessus toutes les autres, et par leur finesse d'expression, et la touche spirituelle du pinceau la vieille fille qui gratte l'oreille de son chat, le vieux galant qui lui conte fleurette. Ces deux figures sont vraiment du plus beau faire du maître. Les autres personnages nous ont paru un peu sacrifiés, ils ne sont guère qu'ébauchés; il y en a même dont le dessin n'est pas très-correct. Le ton bleu qui règne dans toute cette pièce n'y produit pas un aussi agréable effet que dans l'autre scène qui a lieu en plein air; il donne ici de la crudité à certaines parties.

Le n° 527 montre en peinture ce que l'on n'a pas coutume de laisser voir en bonne compagnie. C'est une toile qui devait aller du chevalet du peintre dans le cabinet de l'amateur, sans passer par un Salon d'exposition publique. Quant à l'exécution, elle en est extrêmement remarquable.

Quoique M. Van Regemorter réussisse si bien dans le tableau de genre, nous ne pouvons nous empêcher de regretter qu'il ait tout à fait abandonné le paysage, genre dans lequel il était un des premiers peintres belges.

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