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tion des poëtes peut se figurer qu'elle se présenta devant le trône de l'Éternel, lorsqu'elle monta au ciel avec la palme du martyre. Que nous importe, maintenant, que le peintre ait donné à cette scène un aspect somptueux, qu'il y ait prodigué l'éclat de ses couleurs, l'éclat des étoffes ?

Il nous paraît impossible de comprendre ce sujet autrement que M. Navez ne l'a fait. L'entendre comme certains critiques, c'est détruire le sujet lui-même, c'est nier l'idée du peintre. Au reste, ceux qui ont reproché à ce tableau de manquer de vérité, ont fait, sans y penser, le procès à plusieurs des immortels ouvrages de Raphaël; ils devraient, pour être conséquens, condamner aussi certaines allégories de Rubens, dignes pourtant de toute notre admiration.

Pour nous, le tableau de M. Navez nous a paru un des meilleurs qui soient sortis du pinceau de ce maître; à l'exception de quelque critique que nous nous permettrons tout à l'heure, nous n'aurons que des éloges à lui adresser pour la suavité de sa composition, pour la grâce de son ensemble, pour la noblesse vraiment antique de son dessin. Quel autre peintre comprend mieux l'harmonie des lignes, qui sait mieux joindre l'élégance à la sévérité qu'exige le grand style?

Sans parler de la Vierge, comme les trois têtes à droite du trône sont ravissantes, quelle variété de types,

quelle grâce de contours! quelle sérénité sur le front de ces anges, quelle candeur expressive dans toute la personne de sainte Catherine! quelle grandeur dans la pose de saint Joseph, que sa draperie est largement pliée!

Nous avons entendu reprocher à la figure de la Vierge de manquer de ce caractère céleste qui était indispensable dans un pareil sujet, nous devons convenir que cette observation nous a paru juste. La Vierge de M. Navez est trop jolie, elle n'est pas assez belle; elle perd surtout à la comparaison avec le beau profil de sainte Catherine, si pudique, si virginal. Sans doute moins de monde se serait mépris sur le véritable sens de l'ouvrage du peintre s'il avait divinisé davantage la tête de la Vierge. La couleur éclatante du velours rouge du fauteuil nuit aussi à l'effet, et donne au sujet quelque chose de trop mondain. C'est là, nous semble-t-il, le défaut du tableau. Dans la peinture d'une allégorie de ce genre, devait régner un ton solennel et grave qu'exclut cette recherche de couleur qui distingue la plupart des nouvelles productions de M. Navez.

L'enfant Jésus, le centre lumineux de ce tableau, est posé avec une grâce charmante, il dort d'un si paisible sommeil! L'artiste s'est vraiment surpassé dans l'exécution. Jamais son coloris n'a uni plus de puissance à plus

de suavité.

En résumé, ce tableau est plein de grâce et de fraîcheur, la seule chose qu'on voudrait y trouver aussi, c'est une beauté plus grave et plus digne dans la Vierge; du reste, la disposition des personnages, l'agencement des draperies, montrent un maître très-habile, et formé par l'étude réfléchie des meilleurs modèles de l'antiquité et de la renaissance!

La femme adultère.

(N° 872.)

Elle est là, renversée près des degrés du temple, elle attend avec effroi les pierres que va lui lancer la foule ameutée. Le Christ passe et s'adresse à ces hommes anticipant sur les jugemens du Très-Haut: «Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre!» dit-il, et chacun de sonder sa conscience, et chacun de laisser tomber le pavé que sa main brandissait. Ils se retirent, approuvant ou murmurant, suivant que cette doctrine d'indulgence, ainsi proclamée, est conforme aux vœux de leur cœur ou qu'elle contrarie leurs intérêts.

Tel est le sujet que M. Navez avait à représenter, sujet

mille fois traité et qui n'en était que plus difficile. Restreint dans des limites fort étroites, le peintre a triomphé de tous les écueils. En effet, c'en était un grave que de faire sentir, dans la pose et dans la figure de cette femme, la nature de son crime, sans manquer à la noblesse de style que réclame un tableau de ce genre; c'en était un non moins redoutable, que d'y imprimer les sentimens divers qui devaient s'y combattre et s'altérer l'un par l'autre : la crainte du châtiment et le repentir de la faute, l'espoir et la reconnaissance. Cette figure devait être un miroir où se reflète toute la scène qu'elle est censée avoir devant les yeux, et que le peintre a habilement écartée de ceux du spectateur. L'intelligence du sujet n'y perd rien pour cela.

La femme est à demi couchée contre un petit mur à hauteur d'appui, elle regarde du côté où elle est menacée; mais elle écoute, on voit qu'elle entend les paroles de son sauveur.

Celui-ci est debout derrière elle; il vient de prononcer les paroles de salut en s'adressant à la foule. A sa droite, deux vieillards se communiquent leurs réflexions sur cet événement, en lançant au jeune réformateur un regard dont chacun traduira la pensée, tant elle est clairement exprimée dans leurs physionomies.

On voit qu'ils sont loin d'approuver cette doctrine in

dulgente; mais ils n'osent la contredire, parce qu'ils remarquent qu'elle prévaut sur la masse.

A la gauche du Christ, dans le fond, deux hommes plus jeunes s'en retournent aussi : l'un d'eux semble exprimer avec une certaine vivacité son adhésion à l'acte dont il vient d'être témoin; l'autre, tout en l'approuvant, paraît en entrevoir les suites.

Du même côté, plus près de la femme coupable, une autre femme, jeune et belle, éloigne une petite fille d'un spectacle qu'elle ne comprend pas et qu'elle n'a pas besoin de voir; elle prête en même temps attention à cette scène dont l'issue paraît l'intéresser vivement.

Telle est la composition de ce tableau, aussi remarquable par sa simplicité que par le grand nombre d'idées que l'artiste a su y réunir. Quant à l'exécution, elle est digne en tous points de la conception.

Non loin de la figure si agitée, si bouleversée de la femme adultère, la face calme et majestueuse du Fils de l'Homme, son regard plein d'une irrésistible bonté, ses traits d'une pureté de forme, d'une suavité de ton qui annoncent la tranquillité intérieure ; ce beau contraste pour effet principal, et pour accessoire toutes ces physionomies si vraies, toutes ces expressions si vraies aussi, mais dont l'effet moins frappant est partagé avec sagesse, pour donner de l'harmonie à la pensée.

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