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historiques; c'est un fait dont notre capitale a été le théâtre.

Cet empereur si puissant, cet enfant de Gand, qui avait rempli l'univers de son nom; cet homme qui avait pu se donner pour devise NON PLUS ULTRA, certain que la postérité la confirmerait, choisit une de nos villes aussi pour l'acte par lequel il veut olore sa carrière politique.

Le hasard l'avait fait naître dans nos provinces, mais c'est librement qu'il choisit Bruxelles pour y déposer le pouvoir dans les mains de son fils, pour y mourir royalement.

Ce sujet ne méritait-il pas d'être traité en grand, pour notre musée national? M. Paelinck, borné par la commande de l'amateur pour la galerie duquel il devait travailler, a été obligé de resserrer son sujet dans les limites étroites d'un cadre de dix à douze pieds carrés, et s'est privé ainsi de bien des ressources.

La faute n'en est certainement pas à lui, elle est à notre organisation sociale actuelle, si peu favorable aux développemens des beaux-arts dans leurs hautes conceptions.

Il est assez triste pour un artiste de devoir se reufermer dans ces étroites proportions : n'augmentons point ses regrets en lui rappelant ce qu'il aurait pu faire avec plus de latitude.

Le peintre a fort bien compris qu'il fallait racheter le défaut d'effet général et puissant, par une grande vérité locale, une grande exactitude de costume, et des détails soignés. Aussi, est-ce là le côté remarquable de cette production. Le travail de l'archéologue y a même été poussé à tel point que l'auteur est en mesure de justifier la moindre partie des vêtemens, des meubles, des armes, des portraits, par quelque document bien authentique.

Tout, dans cette scène, est rigoureusement historique, jusqu'à la tenture de tapisserie qui décore la salle. On y voit la représentation de la fable de Médée et Jason, dessinée dans le goût du temps où cette tenture est censée avoir été tissée.

Les principaux personnages sont Charles-Quint, alors âgé de cinquante-sept ans; Philippe II, son fils; Maximilien II; le prince d'Orange, Guillaume le Taciturne; le cardinal Granvelle.

Parmi les femmes, on remarque Marie, veuve de Louis, roi de Hongrie ; et Éléonore, la veuve de François Ier, toutes deux sœurs de l'empereur.

Une foule considérable de grands d'Espagne et de seigneurs flamands et brabançons, des religieux de plusieurs ordres remplissent la salle. Charles-Quint est debout, devant son trône, sous un dais de riches draperies :

il a la couronne et le manteau impérial; il s'appuie de la main gauche sur l'épaule du Taciturne; son fils, Philippe II, pliant le genou sur les marches du trône, baise la main qui lui remet l'acte d'abdication.

Un bien vif intérêt s'attache à cette partie de la vie de Charles-Quint. L'acte que nous lui voyons accomplir est-il un dernier effort par lequel il tente de reconquérir la renommée qui commence à lui devenir infidèle?

Est-ce seulement, au contraire, affaissement, fatigue d'esprit, se traduisant, peut-être de bonne foi, en humilité chrétienne? Ce qu'il y a de certain, c'est que le monarque pouvait être blasé sur toutes les jouissances de l'ambition, et que, comme Salomon, il pouvait avoir trouvé, au fond de tous ses triomphes, de toute sa puissance, ce mot fatal: Vanité!

Nous aurions désiré que le peintre fit sentir dans les expressions de physionomics quelques-unes de ces idées.

M. Paelinck nous paraît plutôt avoir peint une page d'histoire abrégée qu'une scène de drame; dans son tableau, il y a plus de science et de vérité que de sentiment, plus de mérite de détails que d'effet d'ensemble. Chaque figure a bien les traits qui lui appartiennent et que la tradition lui a conservés, aucune d'elles n'est modifiée par les nuances que les passions du moment devaient y jeter; c'est là son côté faille.

Du reste, on a remarqué beaucoup de délicatesse dans les détails de costume, une touche souvent moelleuse, des ombres bien transparentes et pittoresquement traversées par la lumière.

Il y a surtout, dans la partie supérieure du tableau, un rayon de soleil, jouant sur la draperie des rideaux du dais, et qui y produit un fort bel effet que le peintre a rendu avec infiniment de bonheur.

Le sujet du second tableau de M. Paelinck est encore emprunté à la vie de l'empereur, enfant de Gand. Il est à Naples, et présente à sa fille Marguerite les captifs qu'il a ramenés de Tunis. Sujet froid et manquant d'intérêt, dans lequel le peintre a mis plusieurs des qualités qui se font remarquer dans l'Abdication.

M. Paelinck nous paraît y avoir fait un trop fréquent usage du blanc, surtout dans ses chairs. Les étoffes des robes et autres costumes sont extrêmement soignées et joignent à leur fraîcheur une grande vérité historique.

Nous regrettons que M. Paelinck n'ait pas exposé quelques portraits; nous en avons vu, qu'il a exécutés récemment et qui eussent fait sensation, qui nous eussent montré le peintre dans l'éclat de son meilleur temps.

PHILIPPE VAN BRÉE.

Le public belge s'accoutume difficilement à la couleur de M. Van Brée; il faut convenir aussi qu'elle manque pour nous de vérité. L'artiste a-t-il tort de continuer, dans son pays, un système qu'il a été chercher en Italie? Nous n'oserions résoudre cette question. Nous pouvons toutefois avancer comme une opinion qui nous est personnelle, que l'application de ce système aux sujets empruntés à nos mœurs ne promet pas d'heureux résultats, si l'on doit en juger par le petit tableau inscrit au catalogue sous le n° 481, Pharmacie de l'hôpital SaintJean à Bruges. La transparence excessive de l'air, qui s'accorde si bien avec la chaleur des ciels d'Italie, répand ici une froideur extrême de ton sur tous les objets.

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