Images de page
PDF
ePub

L'aspect du tableau dont nous parlons est dépourvu d'effet, malgré un mérite très-remarquable d'exécution.

Si on lui compare le cardinal dans sa villa, on reconnaît la même touche, les mêmes procédés. Quelle différence cependant! Comme une atmosphère chaude donne ici de la vigueur à l'ensemble, en détachant les plans et en faisant fuir la perspective. M. Van Brée est dans son élément, c'est l'air qu'il lui faut, l'air limpide encore sous l'ombre des arbres dont le feuillage, formant berceau, est vivement frappé par les rayons d'un soleil méridional. On respire, dans son parc somptueux, une mollesse qui invite à ce dolce far niente, bonheur de l'existence italienne. Ce n'est pas sans intention que le peintre nous montre un si grand espace, en apparence vide. Regardez, cette solitude est assez peuplée. Le coin à gauche, où l'on voit le cardinal et les dames de sa compagnie, n'occupe qu'une très-petite partie du tableau. C'est que l'artiste voulait nous faire sentir l'effet de cette douce température, non-seulement dans l'abandon des poses de ces personnages, mais encore dans le lieu lui-même, pour que l'illusion devînt complète en contemplant quelque temps ce parc, pour qu'on éprouvât l'influence de ce climat où l'on se trouve transporté.

Il est impossible de grouper avec plus de grâce des

figures de femmes, de leur donner des airs de tête plus séduisans, de mettre plus de suavité dans sa peinture, que M. Van Brée ne l'a fait ici. Quelques-uns trouveront même que ces qualités sont poussées à l'excès, qu'à force de vouloir donner de la suavité à sa couleur, il a fait de ses femmes des êtres presque diaphanes qu'un souffle dissiperait dans l'air. C'est l'effet de sa peinture toute en glacis.

On a remarqué, et avec raison, que M. Van Brée affectionne le rouge éclatant. Cette remarque, nous l'avons faite aussi, et nous pensons que l'emploi du rouge est indispensable à l'effet d'un coloris conçu dans le système qu'a choisi le peintre, tellement qu'il perd tout son charme du moment que cette teinte n'y domine pas d'une manière très-prononcée. Voyez plutôt l'Intérieur de la pharmacie, le seul des tableaux de M. Van Brée où le rouge ne domine pas; quelle froideur et quelle faiblesse de ton?

M. Van Brée a si bien compris que ce ton écarlate était le seul avec lequel il pût acquérir de la vigueur, que, dans son grand tableau, pour nous représenter Saint-Pierre, il a choisi une cérémonie à l'occasion de laquelle la magnifique basilique est tendue de rouge.

C'est certainement un des ouvrages les plus extraordinaires que peintre ait entrepris et exécutés. Nous ne

dirons pas que l'aspect de cette toile nous a fait l'impression que nous attendions d'une des plus imposantes solennités du culte catholique, dans la plus magnifique église de la chrétienté. Bien plus, nous ne balançons pas à avancer que l'effet d'ensemble est complétement manqué. Ce reproche, tout grave qu'il est, laisse encore au tableau des qualités d'un ordre supérieur. Si de l'ensemble nous en venons aux détails, nous n'hésiterons pas davantage à avancer qu'il est impossible d'imaginer, sous ce rapport, une perfection plus soutenue.

L'espèce de chapelle ardente où brûlent des milliers de cierges et de lampes, autour et en avant du maître-autel, dont le baldaquin est supporté par quatre colonnes torses de bronze, est vraiment éblouissante. Cette lumière, au milieu du jour qui traverse en larges rayons obliques la haute coupole, est rendue avec beaucoup de vérité. Des milliers de figures remplissent le temple : toute la partie de la procession, qui se trouve sur le devant, est exécutée d'une manière supérieure. Le dessin en est pur et élégant; les divers effets produits par la lumière des cierges sur chaque tête sont piquans et très-variés. On nous assure que la plupart de ces figures sont des portraits; ce serait sans doute un mérite de plus. Le tableau de M. Van Brée donne physiquement une idée juste de Saint-Pierre, pendant la procession de la Fête

Dieu; sous ce rapport, c'est un ouvrage extrêmement précieux, qui a dû coûter à son auteur un travail de patience incalculable. On nous a dit que l'artiste y a employé sept années : nous le croyons facilement, tant les moindres détails y sont soignés. Cette toile est digne de figurer dans un musée; rarement il arrivera qu'un homme de talent s'astreindra à un travail aussi minutieux et l'exécutera avec autant de conscience.

Mile NOEL.

Il y a beaucoup de grâce dans les tableaux de cette jeune personne. Son pinceau manque de vigueur; mais aussi ne choisit-elle que des sujets simples. Sa Vierge est une jeune mère avec un bel enfant. Ce serait être par trop exigeant que de demander à cette peinture le sentiment divin qu'on trouve chez les grands maîtres. Réduit à cette simple donnée, le sujet n'a plus que les difficultés ordinaires de l'imitation de la nature, et Mile Noel y a fort bien réussi. Sa Fileuse endormie est encore un très-agréable petit tableau; on y sent une main de femme, à la faiblesse des touches, mais on y retrouve aussi un sentiment de femme à la naïveté de l'expression.

« PrécédentContinuer »