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doublé de rose, en bonnet zélandais, en manteau jaune, est debout au milieu du groupe ; devant elle, un pêcheur assis conteste du prix de la marchandise avec une femme qui a mis un genou par terre, pour examiner la marée; derrière, un vieux marin appuyé sur un long bâton; à gauche, un jeune garçon caressant un chien; sur le second plan, du même côté, un matelot causant avec une femme contre la palissade. Cette figure est d'un dessin très-fautif, qui contraste avec le reste du tableau, beaucoup mieux exécuté.

Le retour du pécheur à Scheveninge.

(No 214.)

Horace avait bien raison de le dire : « Il avait le cœur doublé de chêne et d'un triple airain, celui qui le premier confia sa frêle barque à l'océan meurtrier. » Quelle existence que celle du marin, du pêcheur qui, pour nourrir sa famille, s'expose à tout moment à rendre sa femme veuve et ses enfans orphelins. Aussi, quelles scènes dramatiques se passent sur la plage, dans tous les ports de mer, chaque fois que le mauvais temps inspire des

1 Hauteur, mètre 1,27; largeur, mètre 1,65.

craintes sur le sort des pêcheurs sortis à la dernière marée. Quand le moment de leur retour est arrivé, des femmes, des enfans en foule se pressent avec anxiété sur le rivage, explorant de leurs yeux de lynx l'immensité de l'horizon. A une distance prodigieuse, ils reconnaissent la voile qui porte un parent; vous ne distingueriez pas encore un point blanchissant sur la vague noire, qu'ils ont déjà signalé le chasse-marée par son nom. Les mœurs de cette classe intéressante fournissent de nombreux sujets aux peintres. Ils y trouvent d'abord ces impressions fortes que la vie aventureuse des marins les expose souvent à éprouver; ils y trouvent des physionomies auxquelles ces mêmes impressions donnent un caractère prononcé. Les costumes ont quelque chose de plus pittoresque là que dans le centre du pays. Les peintres hollandais ont tiré un grand parti de cette veine qu'ils ont exploitée avec talent. Le tableau dont nous nous occupons représente une famille de pêcheurs dont le chef rentre chez lui après une course en mer.

C'est par un beau jour ; la mère de famille, assise devant sa porte, sur le bord de la mer, allaitait son nourrisson, une petite fille, d'une huitaine d'années, avait rempli son panier de coquillages, le grand-père et la grand' mère étaient également occupés à quelques travaux. Le marin arrive, la jeune femme s'élance et donne son

jeune enfant à baiser à l'heureux père, l'autre petite fille lui tend les bras pour partager ses caresses. Le pêcheur va remettre l'enfant aux bras de sa mère pour embrasser à son tour sa fille aînée. Le chien fait fête à un jeune garçon qui revient portant une partie du bagage, une cruche, un manteau et une lanterne : c'est sans doute le fils qui a accompagné son père; celui qui vient avec lui, nu-tête, est un plus jeune frère qui a été à leur rencontre, il rapporte une voile. Ce tableau est très-bien composé, il est dessiné avec talent. Les gestes et les expressions en sont justes et vrais. Mais on peut lui reprocher, comme aux autres ouvrages que le même auteur a exposés cette année, une grande monotonie de couleur.

Nous nous permettons cette critique un peu sévère à l'égard d'un artiste qui fait beaucoup d'honneur au pays, parce que le public nous a paru voir un signe de décadence dans ses dernières productions, et que M. Geirnaert n'est pas encore à l'âge où l'on a acquis le droit de décliner.

Le beau succès qu'il a obtenu au dernier Salon de Paris, où une médaille d'or lui a été décernée, où son tableau a été reproduit par la gravure, prouvait que notre peintre est dans toute la force de son talent. Nous pensons qu'il se sera mépris sur l'effet des expositions :

il a modifié sa couleur, et, en voulant lui donner plus de transparence, il l'a rendue monotone. Cette erreur, qui n'aura pas d'autre conséquence, n'empêche pas que ses tableaux ne soient encore au nombre des meilleurs de notre exposition.

D. DONNY.

Nous trouvons, dans les trois tableaux exposés par M. Donny, des preuves de progrès et des promesses d'avenir. Le genre qu'il a abordé, et dans lequel il réussit, offre de grandes difficultés. Aux qualités ordinaires que l'on exige du paysagiste, les clairs de lune veulent joindre des qualités spéciales qu'il n'est pas donné à tout le monde d'acquérir ni même d'apprécier. Il y a dans la nature, vue au clair de la lune, une teinte bleuâtre étendue comme un léger glacis sur tous les objets, et sous lequel on retrouve à chacun d'eux sa couleur propre diversement modifiée. C'est ce que l'artiste ne peut rendre qu'après de bien longues études.

M. Donny a déjà triomphé des plus grandes difficultés

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