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glotant : « Ils me mettraient en pièces plutôt que

faire consentir. »>

de m'y

Saisissante scène d'intérieur avec laquelle Wappers va nous faire pleurer, tant il a bien compris la douleur de ces âmes royales.

Les moyens qu'il emploiera seront simples; peu d'espace, peu de personnages; mais des pensées, mais des sentimens qui se pressent. Il n'a plus besoin aujourd'hui, pour montrer les ressources de son talent, de dérouler devant vos yeux une action vaste; il vous fait seulement assister aux adieux d'un père à ses enfans. Mais ce père, c'est un roi, un roi autour duquel hurlent les passions populaires qui demandent sa tête. Ces enfans, c'est d'abord une jeune et frêle princesse, terrassée sous le coup qui frappe l'auteur de ses jours, comprenant tout ce que le sacrifice a d'amer et de poignant, anéantie sous l'étreinte de l'inflexible et effroyable destin qui brise son cœur. C'est un jeune enfant, trop jeune encore pour sentir l'étendue de son malheur.

Il est fâcheux toutefois que le peintre ait cru devoir violer la vérité historique, en ajoutant plusieurs années à l'âge du prince, lorsque son âge réel expliquait et motivait bien mieux l'expression de surprise qu'il lui a donnée.

Le duc de Glocester, tel que M. Wappers nous l'a

peint, a au moins dix ans ; à cet âge, sans doute, un enfant intelligent comprendra bien l'idée d'une mort violente qui menace son père, et répondra aux paroles qu'il lui adresse, dans ce moment suprême, autrement que par une surprise inquiète.

Nous ne pouvons nous expliquer la préoccupation qui aura poussé l'artiste à modifier ainsi l'histoire, puisque son effet n'y gagnait rien et qu'il perdait de sa vérité.

Pour en finir une bonne fois avec une critique, que nous ne faisons qu'à regret, ajoutons que le ton général de la couleur de ce tableau ne nous paraît pas en parfait accord avec le sujet.

L'instant est solennel, la composition de l'ensemble répond bien à l'idée sévère du sujet. Le roi est noblement posé, l'expression de sa physionomie est calme, mais triste; c'est un miroir où se reflètent toutes les pensées qui se partagent cette âme royale et paternelle; la jeune princesse est parfaitement en situation; mais la couleur n'est-elle pas bien fraîche, bien brillante?

Est-ce le ton que l'on s'attend à voir régner dans la peinture des adieux d'un condamné à mort? N'y a-t-il pas là une coquetterie de pinceau qui paralyse quelque peu l'effet? Ne sent-on pas qu'il faudrait à cette scène la couleur de Rembrandt?

Aussi, tout en rendant un éclatant hommage aux

belles qualités qui distinguent la dernière production de M. Wappers, nous lui reprocherons de n'avoir pas assez ménagé l'éclat de sa palette.

L'évêque n'ajoute rien non plus à l'effet; il ne complète pas l'idée du sujet, et les vives couleurs de ses habits pontificaux ne nous paraissent pas non plus une heureuse infraction à la vérité : car on sait que tel n'est pas le costume que devait porter le docteur Juxon dans

cette circonstance.

Malgré ces défauts, le sentiment du tableau est si fort, il est rendu avec une telle perfection sur la figure de Charles Ier et dans toute la personne de la jeune princesse, que l'on ne peut s'empêcher d'admirer, d'être touché, de proclamer Wappers un grand peintre, un maître dans l'art de remuer l'âme.

Et l'exécution de cette page est si parfaite ! La tête de Charles est si noble, si sublime de profonde douleur pour ceux qu'il quitte, de sainte résignation pour luimême! Sa chevelure tombe avec tant de grâce sur ce cou que le glaive va frapper! L'enfant a un mouvement si vrai, si on le considère en lui-même; le pinceau de l'artiste s'est joué avec tant de légèreté dans ses cheveux blonds aussi ! La princesse est si accablée, si anéantie ! C'est une idée singulièrement heureuse que la réunion de ces trois personnes sur lesquelles le même événement

produit des nuances d'impressions si diverses. Il fallait un immense talent pour parvenir à les si bien caractériser. C'est là réellement le sublime de l'art, le plus noble but où il puisse atteindre.

L'artiste qui sait ainsi exprimer les passions, dans ce qu'elles ont de délicat, comme dans leurs manifestations les plus énergiques, mérite le nom de peintre et de poëte : Wappers est l'un et l'autre.

Quoique ce tableau ne s'adresse qu'au cœur, il n'a rien de vague, rien d'indécis; aucun effet fantastique n'y vient subtiliser les suffrages; tout ce qu'on a admiré, au premier coup d'œil, on l'admire encore à la centième fois qu'on revient devant la toile.

Ajoutons que jamais le pinceau de Wappers ne s'est montré plus ferme ni plus moelleux.

Aussi, quelque sévère que puisse paraître notre critique sur certains points, nous professons pour ce beau talent une admiration plus sincère peut-être que ceux qui ne verront en lui aucune tache.

VAN ROOY.

Derniers momens du comte d'Egmont, dans la maison dite BROOD-HUYS.

<< Les deux victimes (les comtes de Hoorn et d'Egmont) furent amenées, le 3 juin, à Bruxelles, sous l'escorte de trois mille chevaux. Dès le lendemain, on leur envoya Rithoff, évêque d'Ypres, pour les disposer à la mort. On leur lut ensuite leur sentence séparément. Le comte d'Egmont, après l'avoir entendue, écrivit au roi une lettre touchante, dans laquelle, après avoir rappelé à Philippe ses services et sa fidélité, il se plaint amèrement de l'injustice de sa condamnation, qui, ditil, n'est fondée que sur des accusations fausses et calomnieuses, dont on s'est servi pour le perdre dans

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